Avis 20222997 - Séance du 07/07/2022

Avis 20222997 - Séance du 07/07/2022

Académie française

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 4 mai 2022, à la suite du refus opposé par le secrétaire perpétuel de l'Académie française à sa demande de communication, par courriel, des documents suivants :
1) la lettre de motivation des 35 membres au poste d'académicien ;
2) la copie du courrier de l'académie, adressée au Premier ministre, relatif à la demande d'abrogation du décret n° 2021-279 du 13 mars 2021 instituant la nouvelle carte nationale d'identité française.

A titre liminaire, la commission rappelle qu’en application de l’article R343-1 du code des relations entre le public et l’administration, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis, elle transmet cette dernière à l’administration mise en cause. Elle rappelle également qu’aux termes de l’article R343-2 de ce code : « L'administration mise en cause est tenue, dans le délai prescrit par le président de la commission, de communiquer à celle-ci tous documents et informations utiles et de lui apporter les concours nécessaires. / (…) ».

La commission souligne que la communication, par les administrations mises en cause, des documents et informations susmentionnés a pour seul objet de permettre un examen utile et circonstancié des demandes d’avis qui lui sont soumises. Elle insiste, à cet égard, sur la nécessité pour les administrations, lorsqu’elles ont opposé un refus à une demande de communication, de produire en temps utile, soit plus de quarante-huit heures avant sa séance, les documents demandés ou toute information suffisamment précise pour lui permettre d’apprécier leur caractère communicable et/ou la nature et l’ampleur des occultations à opérer. Elle précise d’ailleurs qu’elle se borne à émettre des avis, qui sont certes un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, mais qu'il est loisible à l'administration saisie de ne pas suivre, sous le contrôle du juge administratif (avis n° 20103811 du 14 octobre 2010).

La commission rappelle ensuite qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du livre III de ce code, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ».

Aux termes des articles 35 et 36 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, l'Académie française est une personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République, qui s’administre librement et bénéficie de l'autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes.

Selon l’article 24 de ses statuts issus de lettres patentes pour l’établissement de l’Académie française, signées du roi Louis XIII en janvier 1635, enregistrées au Parlement le 10 juillet 1637, de Règlements pour l’Académie française du 30 mai 1752, signés par Louis XV et, in fine, d’une ordonnance du roi concernant la nouvelle organisation de l’Institut du 31 mars 1816, « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ». Pour mener à bien sa mission, l’Académie française doit composer un dictionnaire (article 26 des statuts). Elle est également chargée de l’approbation d’ouvrages qui lui sont soumis (articles 29 et s.) et élabore des « règles générales » touchant au langage (articles 43 et s.). Les statuts de l’Académie délibérés dans sa séance extraordinaire du 21 juin 1816 précisent, en leur article 6, que « L’institution de l’Académie française ayant pour objet de travailler à épurer et à fixer la langue, à en éclaircir les difficultés et à en maintenir le caractère et les principes, elle s’occupera dans ses séances particulières de tout ce qui peut concourir à ce but ; (…) ».

1. La commission déduit de ces dispositions que les lettres de motivation transmises par les 35 membres actuels de l’Académie française préalablement à leur élection, constituent des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration.

La commission rappelle qu'en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents dont la communication porterait atteinte au respect de sa vie privée. Elle précise que si le nom et le prénom d'une personne physique ne sont pas, en tant que tels, couverts par la protection de la vie privée (Conseil d'État, Section, 30 mars 1990, Mme X, n° 90237, au Recueil Lebon p. 85), leur rapprochement avec des informations elles-mêmes relatives à la vie privée des personnes auxquelles elles se rapportent, qui deviennent alors identifiables, justifie l’occultation de ces mentions ou, si les occultations nécessaires dénaturent le sens du document ou privent d'intérêt sa communication, la non-communication du document.

La commission estime que la divulgation de l'identité d'une personne candidate à une nomination à un emploi, dont la démarche relève d'un choix personnel de carrière susceptible d'affecter divers aspects de sa vie professionnelle et personnelle, est susceptible de porter atteinte au respect de sa vie privée, sauf dans l'hypothèse où les règles de la procédure édictées pour cette nomination auraient à l'avance prévu une telle publicité, et où la candidature aurait ainsi été faite en connaissance de cause de sa future divulgation, de même que dans le cas du candidat nommé, dont la nomination rend nécessairement publique la candidature préalable (avis de partie II n° 20156097 du 4 février 2016). La commission considère, en revanche, que l'acte décidant de la nomination d’une personne à un emploi ainsi que la demande et les documents enregistrant la candidature de cette personne effectivement nommée sont communicables à toute personne qui le demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve toutefois d'occulter préalablement, le cas échéant, conformément à l'article L311-6 du même code, les mentions relatives à la situation personnelle des intéressés, dont la communication porterait atteinte à la protection de leur vie privée (comp. en matière de mutations d’agents publics, avis de partie II n° 20144115 du 27 novembre 2014).

En réponse à la demande qui lui a été adressée, l’Académie française a, par l’intermédiaire de son conseil, informé la commission de ce que les lettres demandées contiendraient des informations personnelles (telles que l’identité, l’âge, le lieu et la date de naissance, la situation familiale, matrimoniale et patrimoniale, etc.), qui ne sauraient être divulguées sans porter atteinte au droit au respect de la vie privée.

Ainsi qu’il a été dit, le nom et le prénom de l’auteur de la lettre ne sont pas des informations couvertes par le secret de la vie privée. Doivent être occultées, les autres informations mentionnées par l’Académie, ainsi que tout élément relatif à la personnalité, l'expérience, la compétence, les préférences ou encore les choix personnels du candidat, qui pourrait figurer dans ces lettres.

En ce qui concerne les deux lettres de candidatures portées à la connaissance de la commission, elles sont ainsi communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l’occultation préalable, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, des seuls numéros de téléphone, adresses et adresses électroniques, qui y figurent.

Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable au point 1) de la demande.

2. La commission déduit également des dispositions précitées que le courrier visé au point 2) de la demande, dont elle n’a pu prendre connaissance mais qui a été adressé au Premier ministre par l’Académie française, personne publique, dans le cadre et pour les besoins de sa mission de service public, est un document administratif dont les régimes de communication et de réutilisation sont définis respectivement par les titres I et II du livre III du code des relations entre le public et l'administration.

Si, en réponse à la demande qui lui a été adressée, l’Académie française a, par l’intermédiaire de son conseil, informé la commission de ce que ce courrier n’émanerait pas des services de l’Académie mais du cabinet d’avocats dont elle avait sollicité les conseils, la commission estime que cette circonstance est sans incidence sur sa qualification de document administratif et, par suite, sur son caractère communicable, dès lors qu’il est constant qu’il a été adressé au Premier ministre pour le compte de cette personne publique.

Il en résulte, notamment, que ce document est communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve qu’il ait perdu son caractère préparatoire. La commission rappelle, à cet égard, qu'un document préparatoire est exclu du droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration aussi longtemps que la décision administrative qu'il prépare n'est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable. Elle précise que lorsqu’un projet comporte des phases distinctes donnant lieu à l'édiction de plusieurs décisions successives, il importe d’identifier la nature des pièces dont le caractère préparatoire est levé par l’intervention de chacune de ces décisions.

Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable au point 2) de la demande.