Avis 20184184 - Séance du 06/12/2018

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Avis 20184184 - Séance du 06/12/2018

Présidence de la République

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs à la suite du refus implicite opposé par le Secrétaire général de la Présidence de la République à sa demande de communication des documents suivants :
1) les arrêtés, contrats et avenants passés entre la Présidence de la République et Monsieur X, durant les années 2017 et 2018 ;
2) les actes de délégation de fonction ou de mandat donnés par la Présidence à Monsieur X, en 2017 et 2018 ;
3) les actes d’achats de véhicules et de leurs équipements spéciaux mis à disposition de Monsieur X et les actes de mise à disposition de véhicules, en 2017 et 2018 ;
4) les actes de prise en charge des frais de fonctionnement des véhicules mis à disposition de Monsieur X, en 2017 et 2018 ;
5) les actes de mise à disposition d’un chauffeur à Monsieur X, en 2017 et 2018 ;
6) les actes de mise à disposition de Monsieur X de logements dont un logement Palais de l’Alma 11 quai Branly à Paris, en 2017 et 2018 ;
7) les charges des logements mis à disposition de Monsieur X avec charges prises en charge par la Présidence d’une part, et d’autre part charges prises en charge par Monsieur X, en 2017 et 2018 ;
8) les actes de mise à disposition de Monsieur X d’équipements divers, dont téléphones mobiles, vêtements et équipements, pris en charge par la Présidence, en 2017 et 2018 ;
9) les actes de demande de badge d’accès à l’Assemblée nationale pris au bénéfice de Monsieur X, en 2017 et 2018 ;
10) la fiche de paye du mois de mai 2018 de Monsieur X à la Présidence ;
11) les fiches de paye de 2017 et 2018 de Monsieur X à la Présidence ;
12) les actes de remboursement de frais par la Présidence à Monsieur X ;
13) les contrats éventuellement passés entre la Présidence et Monsieur X en 2017 et 2018 ;
14) les courriers (dont courriels, textos, …) échangés entre les services de la Présidence et Monsieur X en 2017 et 2018.

La commission rappelle qu’en vertu du livre III du code des relations entre le public et l'administration, les administrations de l’État sont tenues de communiquer les documents qu’elles détiennent dans le cadre de leurs missions de service public, selon les modalités et sous les réserves prévues par ce code.

Elle estime que l’ensemble des documents produits ou reçus par la Présidence de la République dans le cadre des missions qui lui sont dévolues constituent des documents administratifs entrant dans le champ d’application de ces dispositions. (avis CADA n° 20090869 du 19 mars 2009, n° 20093741 du 5 novembre 2009 et n° 20164625 du 17 novembre 2016).

Elle souligne, enfin, que les agents recrutés par la Présidence de la République sont des agents publics (TC, n° 3997, 9 février 2015).

En ce qui concerne les points 1), 10) et 11) de la demande :

La commission rappelle, en premier lieu, que le contrat de travail ou le bulletin de salaire d’un agent public est communicable à quiconque en fait la demande, sous réserve, conformément aux articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, que soient occultées les mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, à savoir notamment les éléments relatifs à la situation personnelle de l’agent (date de naissance, adresse privée, situation de famille, horaires de travail, dates de congé), ou révélerait une appréciation ou un jugement de valeur portés sur la manière de servir de l’agent (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement).

Lorsque la rémunération qui figure dans le contrat de travail ou le bulletin de salaire d'un agent public résulte de l'application des règles régissant l'emploi concerné, sa communication à un tiers n'est pas susceptible de révéler sur la personne recrutée une appréciation ou un jugement de valeur, au sens des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et les administrations. En revanche, lorsqu'elle est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant, la rémunération révèle nécessairement une telle appréciation ou un tel jugement de valeur.

En l’espèce, elle estime que le contrat de travail et les fiches de paye d’un agent public, alors même qu’ils auraient été versés au dossier disciplinaire de l’agent intéressé, sont détachables de ce dossier et revêtent la qualité de documents administratifs.

Elle considère, cependant, que la rémunération de M. X, collaborateur de cabinet de la Présidence de la République, ne répond pas à des règles objectives préexistantes qui régissent l’emploi. Elle n’est donc pas communicable à des tiers et doit être occultée des arrêtés, contrats et avenants mentionnés au point 1) de la demande avant leur communication, ces occultations ne privant pas d’intérêt leur communication.

La commission émet, en conséquence, un avis favorable au point 1) de la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous cette réserve.

Elle souligne, en second lieu, que, pour le même motif, les fiches de paye ne sont pas communicables à un tiers sur le fondement du droit d’accès régi par le livre III du code des relations entre le public et l’administration, dès lors la communication implique au préalable, ainsi qu’il a été dit, l’occultation des éléments de la rémunération, ce qui prive d’intérêt cette communication qui se limiterait aux mentions légales. (CE, 24 avril 2013, Syndicat CFDT Culture, n°343024 et 26 mai 2014, communauté d'agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz, n°342339). La commission émet, par suite, un avis défavorable aux points 10) et 11) de la demande.

En ce qui concerne les points 2), 3), 4), 5), 8), 9), 12) et 13) de la demande :

La commission considère que les documents mentionnés aux points 2, 3, 4, 5, 8, 9, 12 et 13, s’ils existent, sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.

La Présidence de la République a, toutefois, indiqué à la commission qu’il convenait de s’adresser à l’Assemblée nationale s’agissant des modalités d’octroi de badge d’accès, que les documents sollicités aux points 3) et 4) n’existaient pas, M. X ne s’étant pas vu attribuer un véhicule de fonction mais qu’il avait accès aux véhicules de service de la Présidence de la République et qu’il n’existait aucun acte matérialisant les points 2), 5), 8), 12) et 13) de la demande.

La commission estime que si la Présidence de la République est en possession des documents relatifs à la demande d’accès de M. X à l’Assemblée nationale, ces derniers sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, la demande ne portant pas sur les modalités d’accès à l’Assemblée nationale mais sur la demande qui a pu être formulée par ou pour le compte de M. X alors qu’il appartenait au cabinet du Président de la République.

Elle considère, pour le surplus, que la demande d’avis est sans objet en ces autres points, au regard de la réponse de la Présidence de la République selon laquelle les documents sollicités n’existent pas.

En ce qui concerne les points 6) et 7) de la demande :

La commission précise que la divulgation de l'adresse privée d’une personne physique porte le plus souvent atteinte au respect de sa vie privée. Elle estime, toutefois, qu’en cas de concession d’un logement de fonction, l’adresse de ce logement ne relève pas la vie privée de l’agent hébergé. Toutefois, l’impératif de sécurité publique et de sécurité des personnes peut exiger son occultation partielle.

Elle indique, cependant, qu’elle a estimé dans un avis n° 20164625, que compte tenu des mesures prises pour la protection de l’immeuble dépendant de la Présidence de la République situé quai Branly, la divulgation de la liste des personnes qui y ont résidé ou y résident n’accroît pas les risques pesant sur leur sécurité, sur la sécurité publique, voire sur la sûreté de l'Etat, au sens de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration.

Aucun élément ne permet de raisonner différemment en l’espèce. En outre, la Présidence de la République fait valoir que M. X ne s’est vu attribuer un logement qu’à compter du 1er juillet 2018 qu’il n’a jamais occupé, cette circonstance est seulement de nature à rendre sans objet le point 7) de la demande. Elle émet, par suite, un avis favorable au point 6) et la déclare sans objet en son point 7).

En ce qui concerne les documents du point 14) de la demande :

La commission précise, à titre liminaire, que si la plupart des documents ont été saisis et versés dans le dossier de la procédure en cours selon la Présidence de la République, ce que la commission interprète comme saisis dans le cadre de l’information judiciaire ouverte à l’encontre de M. X, elle rappelle que ces documents n’ont pas été élaborés à la demande du juge ou pour les besoins de la procédure juridictionnelle. Ils demeurent donc des documents administratifs communicables s’ils sont toujours en possession de la Présidence de la République. Elle précise, en outre, que la seule circonstance qu’un document administratif se rapporte à une procédure en cours devant une juridiction de l’ordre judiciaire ne saurait par elle-même faire obstacle à sa communication sur le fondement du f) du 2° de l’article L311-5 (CE 20 avr. 2005, Comité d’information et de défense des sociétaires de la mutuelle retraite de la fonction publique, n° 265308 ; CE, 5 mai 2008, SA Baudin Châteauneuf, n° 309518). Toutefois, si la Présidence de la République estimait que la communication d’un document est de nature à perturber le bon déroulement d’un procès, à entraver ou compliquer l’office du juge ou encore retarder le jugement d’une affaire, elle serait alors, fondée, sous le contrôle du juge administratif, à en refuser la communication.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration que « sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat (…) ». Elle considère que tout ensemble cohérent d’informations, quels que soient sa forme et son support, répond à la définition d’un document administratif au sens de ces dispositions. Il peut ainsi s’agir d’écrits, dactylographiés et manuscrits, d’enregistrements audio et vidéo, de photographies, de radiographies, de fichiers informatiques, de bases de données, de courriers électroniques.

En outre, si le droit de communication ne s'applique qu'à des documents achevés, la commission estime que revêtent un tel caractère, les documents cohérents et intelligibles envoyés par leur auteur qui reflètent leur pensée, alors même qu’ils s’inscrivent dans une chaîne de discussion.

La commission en déduit que les minimessages textes (SMS), de même que les courriers électroniques, détenus ou reçus par les agents publics dans le cadre de leurs missions sur leurs terminaux professionnels (téléphones portables, tablettes, ordinateurs), ce qui exclut les messages identifiés comme étant personnels, constituent des documents administratifs. S’ils sont en possession de l’administration et sont susceptibles de faire l’objet d’une extraction par un traitement automatisé d'usage courant, ils sont communicables sur le fondement du droit d’accès aux documents administratifs régi par le titre III du code des relations entre le public et l’administration, dans le respect des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 de ce code, et par suite, le cas échéant, après occultation de ces derniers ou disjonctions des documents qui en relèveraient entièrement en application des dispositions de l’article L311-7 du même code.

En réponse aux observations de la Présidence de la République selon lesquelles la demande de M. X n’est pas recevable du fait de son caractère excessif, la commission fait valoir tout d’abord que la seule circonstance que cette demande porte sur un très grand nombre de documents ne conduit pas, en l’espèce, à la regarder comme imprécise. Elle rappelle ensuite qu’en application du dernier alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, « L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique », et qu’il ressort de ces dispositions, ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans sa décision du 14 novembre 2018 n°420055-422500, que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose.

En l’espèce, toutefois, il n’est pas apparu à la commission que ce point de la demande révèle de la part de l’auteur une volonté de perturber le fonctionnement de la Présidence de la République, ni que son traitement appelle de la part de l’administration des efforts manifestement disproportionnés.

En effet, d’une part, s’agissant, en particulier des minimessages et des courriers électroniques, si ces documents sont très nombreux et doivent comporter, eu égard aux fonctions alors exercées par M. X au cabinet du Président de la République, de nombreuses mentions relevant des secrets protégés, ils sont numériques, ce qui est de nature à faciliter leur traitement, et leur brièveté ainsi que leur caractère indivisible devraient conduire, dans leur très grande majorité, à les soustraire des documents communicables et non pas à leur occultation partielle.

D’autre part, au vu du volume des documents dont la communication est demandée qui demeure considérable, la commission estime que l’administration est fondée à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. L'administration peut ainsi, alternativement, inviter le demandeur à préciser le champ de sa demande afin de respecter le délai d’un mois au-delà duquel le silence gardé par elle vaut refus tacite de communication ou convenir avec ce dernier d’un échéancier de communication raisonnable compatible avec le bon fonctionnement de ses services.

La commission émet dès lors un avis favorable à ce point de la demande, sous les réserves et dans les conditions qui viennent d’être rappelées.