Avis 20083971 - Séance du 13/11/2008

Avis 20083971 - Séance du 13/11/2008

Madame C. a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 septembre 2008, à la suite du refus opposé par plusieurs maires à sa demande de communication de la liste électorale générale et des listes électorales complémentaires (municipale et européenne), dans leur intégralité, découpées par canton électoral au besoin, au format Excel ou texte ASCII avec un séparateur ";" (point-virgule) ou tabulation pour chaque champ.

La commission rappelle que la communication intégrale des listes électorales est régie par les dispositions particulières des articles L. 28 et R. 16 du code électoral, qu’elle est compétente pour interpréter en vertu de l’article 21 de la loi du 17 juillet 1978 et qui prévoient que ces listes sont communicables à tout candidat, parti ou groupement politique, ainsi qu’à tout électeur, quel que soit le lieu où il est inscrit et à condition qu’il s’engage à ne pas en faire un « usage purement commercial ».

Dès lors, en l’espèce, que la demanderesse justifie de sa qualité d’électeur et s’est engagée à ne pas faire un usage purement commercial des listes électorales, la commission émet un avis favorable à leur communication. Dans le cas où celles-ci auraient déjà été communiquées, la commission ne peut toutefois que déclarer sans objet la demande.

S'agissant des modalités de communication des listes électorales, la commission relève qu'en l'absence de dispositions expresses sur ce point dans le code électoral, les dispositions de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 s'appliquent. Il en résulte que l'accès s'exerce, au choix du demandeur, par consultation gratuite sur place, par voie électronique ou par remise ou envoi de copies sur papier, disquette ou cédérom, dans la limite des possibilités techniques de l'administration et aux frais du demandeur. Les conditions de facturation de ces copies sont fixées par le décret du 6 juin 2001, précisé par l'arrêté du 1er octobre 2001 en vertu duquel celles-ci ne peuvent pas être facturées plus de 0,18 euro la page en format A4, 1,83 euro pour une disquette et 2,75 euros pour un cédérom. La communication peut également se faire gratuitement par voie informatique, par la remise par le demandeur d’une clé USB ou par l’envoi d’un courrier.

La commission prend note du refus opposé par certaines communes saisies, qui craignent une réutilisation abusive de ces listes, en particulier lorsqu’elles sont transmises par voie électronique, et soulignent l’absence de contrôle effectif de l’usage que les demandeurs sont susceptibles d’en faire.

Elle considère toutefois que les données que contiennent les listes électorales ne constituent pas des informations publiques au sens de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 et qu’elles sont donc exclues du champ d’application des règles de réutilisation posées par le chapitre II de cette loi.

La directive européenne 2003/98/CE du 17 novembre 2003, dont ces dispositions assurent la transposition, précise en effet en son article 1er que son champ d'application n'inclut pas les " documents qui, conformément aux règles d'accès en vigueur dans les Etats membres, ne sont pas accessibles " et les " cas dans lesquels, conformément aux règles d'accès, les citoyens ou les entreprises doivent démontrer un intérêt particulier pour obtenir l'accès aux documents ". La commission en déduit que les règles prévues au chapitre II du Titre Ier de cette loi ne s'appliquent qu'aux informations dont la communication constitue un droit pour toute personne, en application d'une disposition législative, et non à celles qui ne sont accessibles qu'à certaines personnes à raison de leur qualité ou de leur intérêt. Or, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les listes électorales, qui ne font pas l'objet d'une diffusion publique, ne sont pas communicables à toute personne qui en fait la demande, mais seulement, en vertu de l’article L. 28 du code électoral, aux personnes justifiant de leur qualité d’électeur, de candidat, de groupement ou de parti politique.

La commission considère par conséquent que les modalités de réutilisation des listes électorales sont exclusivement fixées par les dispositions de l’article R. 16 du code électoral, qui en proscrit l’usage purement commercial, et par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui s'applique aux traitements automatisés de données à caractère personnel, ainsi qu’aux traitements non automatisés de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers, et qui relève de la compétence de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Cette dernière, qui devra être préalablement consultée avant tout traitement en vue d'une utilisation de la liste dans un but autre qu'électoral par la personne qui procédera à ce traitement, recommande en particulier qu'en cas d'utilisation des listes électorales pour procéder à l'envoi de courriers ou à la réalisation d'enquêtes, les administrés soient informés de l'origine des informations ayant permis de les contacter et de leur possibilité de se faire radier, sur simple demande, des fichiers qui auraient été constitués à partir des informations issues de ces documents.

La commission constate cependant, à la suite de certaines des communes saisies par la demanderesse, que ce cadre juridique est insatisfaisant à plusieurs égards : outre que l’interdiction de la réutilisation purement commerciale ne s’impose qu’aux électeurs, la notion d’ « usage purement commercial » est trop imprécise et ne permet pas de définir de manière satisfaisante les réutilisations jugées légitimes des listes électorales. Enfin, cette interdiction n’est, par elle-même, assortie d’aucune sanction, sous réserve de celles que la CNIL serait susceptible de prononcer en cas de méconnaissance des prescriptions de la loi du 6 janvier 1978.

La commission estime par conséquent qu’une modification des textes est nécessaire pour encadrer de manière plus étroite et effective la réutilisation des listes électorales et de mieux concilier le droit d’accès et d’usage des électeurs, candidats et partis politiques avec la nécessité de préserver la confidentialité des données personnelles que ces listes contiennent.