Avis 20170792 - Séance du 08/06/2017

Avis 20170792 - Séance du 08/06/2017

Mairie de Paris

Maître X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 9 février 2017, à la suite du refus opposé par la maire de Paris à sa demande de copie des documents suivants concernant le marché public ayant pour objet le gardiennage d'opérations et d'immeubles de la régie immobilière de la ville de Paris (RIVP) et ses filiales HSF et LERICHEMONT, dont sa cliente est l'une des trois sociétés attributaires :
1) le marché signé avec les deux autres sociétés attributaires (DS SECURITE et FIRST SECURITY), notamment les actes d'engagement et leurs annexes ;
2) l'état détaillé des commandes passées à ces deux sociétés depuis octobre 2013 (volumes horaires commandés et montants financiers).

La commission rappelle en premier lieu qu'aux termes de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ». La commission en déduit que les documents produits ou reçus par les personnes de droit privé chargées d'une mission de service public ne constituent des documents administratifs que s'ils sont élaborés ou détenus dans le cadre de cette mission de service public. Les contrats conclus par ces personnes sur le fondement de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ne constituent donc eux-mêmes des documents administratifs que s'ils ont un lien suffisamment direct avec leur mission de service public.

En l'espèce, la commission relève que le marché auquel se rapportent les documents sollicités, conclu sur le fondement de l'ordonnance précitée du 6 juin 2005, porte sur des prestations de gardiennage d'opérations et d'immeubles appartenant à la régie immobilière de la ville de Paris. Elle estime qu'eu égard à son objet, un tel marché se rattache directement à l'exécution de la mission de service public dont est chargée cet organisme. Les documents sollicités constituent donc des documents administratifs au sens de l'article L311-2 précité.

La commission précise en deuxième lieu qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code.

Il résulte de la décision du Conseil d’Etat du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret en matière commerciale et industrielle et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’Etat a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret commercial ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi du bordereau des prix unitaires. L'examen de l’offre d’une entreprise attributaire au regard du respect du secret en matière commerciale et industrielle conduit ainsi la commission à considérer que l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ne sont pas communicables aux tiers, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le mode de passation, notamment répétitif, du marché ou du contrat, sa nature, sa durée ou son mode d’exécution.

En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.

La commission relève en troisième lieu, que les principes rappelés ci-dessus doivent être adaptés au caractère très particulier des accords-cadres, prévus par les articles 1er et 76 du code des marchés publics alors applicables. Ainsi, aux termes du I de l'article 1er : «Les accords-cadres sont les contrats conclus entre un des pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, ayant pour objet d'établir les termes régissant les marchés à passer au cours d'une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées ». L'article 76 précise en ces termes le régime applicable à ces contrats : «I.- Les accords-cadres définis à l'article 1er sont passés selon les procédures et dans les conditions prévues par le présent code. Dans ces accords-cadres le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, ou un minimum, ou un maximum, ou encore être conclus sans minimum ni maximum. / II. - Les marchés passés sur le fondement d'un accord-cadre sont des documents écrits qui précisent les caractéristiques et les modalités d'exécution des prestations demandées qui n'ont pas été fixées dans l'accord-cadre. La conclusion des marchés passés sur le fondement d'un accord-cadre intervient soit lors de la survenance du besoin, soit selon une périodicité prévue par l'accord-cadre. / III. - Lorsqu'un accord-cadre est attribué à plusieurs opérateurs économiques, ceux-ci sont au moins au nombre de trois, sous réserve d'un nombre suffisant de candidats et d'offres (...)». Les marchés qui sont passés sur le fondement d'un accord-cadre sont précédés d'une mise en concurrence organisée entre les titulaires de cet accord et doivent respecter les conditions fixées par l'article 76.

Comme elle a déjà pu le préciser dans son avis 20154254, la commission estime qu'il ressort de ces dispositions que la signature d'un accord-cadre retenant plusieurs entreprises ne vaut pas attribution du marché et ne met pas fin à la mise en concurrence qui se poursuivra entre les entreprises retenues pendant toute la durée de l'accord. Le droit d'accès aux documents relatifs à ce dernier doit donc être défini de manière à ne pas porter atteinte à la concurrence entre ces entreprises ce qui conduit à en restreindre la portée par rapport aux contrats ou marchés publics habituels. De même, la portée du droit d'accès à un marché passé sur le fondement de l'accord-cadre est réduite, par rapport aux contrats ou marchés publics habituels, dans tous les cas où l'attribution du marché en cause n'épuise pas les possibilités de nouvelles mises en concurrence ouvertes pour l'attribution d'autres marchés sur le fondement du même accord-cadre. Il importe en effet de veiller à ce que la communication des informations sollicitées n'affecte pas la concurrence pour la passation des marchés sur le fondement de l'accord-cadre, tant que ce dernier reste applicable, ce qui porterait atteinte au secret en matière industrielle ou commerciale protégé par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.

En l'espèce, le demandeur a précisé, sans être contesté, que l'accord-cadre multi-attributaires objet de la saisine avait été conclu avec 3 soumissionnaires, et qu'aux termes du cahier des clauses particulières, les bons de commande ultérieurs constituant des marchés subséquents devaient être attribués à l'un de trois titulaires, à tour de rôle et par ordre alphabétique.

Dans cette hypothèse particulière, dans laquelle les marchés subséquents ne seraient pas attribués à l'issue d'une nouvelle mise en concurrence entre les titulaires de l'accord-cadre multi-attributaire, mais seraient confiés à chacun d'eux selon les conditions financières initiales, la commission estime que la communication des informations sollicitées ne serait donc pas susceptibles d'affecter la concurrence et de porter atteinte au secret en matière industrielle et commerciale.

Après avoir pris connaissance de la réponse de la directrice de la régie immobilière de la ville de Paris (RIVP), la commission, qui n'a cependant pas pu consulter les pièces de ce marché, émet donc dans cette hypothèse un avis favorable à la communication des documents sollicités aux points 1) et 2), à l'exception des bordereaux de prix unitaires, et sous réserve de l'occultation des mentions couvertes par le secret industriel et commercial.