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Conseil 20171156 - Séance du 27/04/2017
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 27 avril 2017 votre demande de conseil relative au caractère communicable à l'association PRIARTEM (Pour rassembler, informer, agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques) des résultats des mesures de débit d'absorption spécifique (DAS) des téléphones mobiles transmis à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) le 15 juillet 2015.
La commission relève qu'aux termes de l'article L43 du code des postes et des communications électroniques et du 12° de l'article R20-44-11 du même code, l'Agence nationale des fréquences (ANFR) est un établissement public de l'Etat à caractère administratif chargé notamment du contrôle du respect des dispositions relatives à la mise sur le marché des terminaux radioélectriques destinés à être connectés à un réseau ouvert au public pour la fourniture du service de téléphonie. Elle estime que les informations en cause sont détenues par l'Agence dans le cadre de sa mission de service public et se reconnaît ainsi compétente pour connaître de la présente demande de conseil.
La commission rappelle ensuite que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (…. ) ». Elle constate qu'en l'espèce, les données concernées par la demande de conseil portent sur le débit d'absorption spécifique (DAS) produit par les équipements radioélectriques, soit le débit avec lequel l'énergie produite par un équipement radioélectrique est absorbée par une unité de masse du tissu du corps. Ce débit, exprimé en watts par kilogramme (W/kg), peut être mesuré sur l'ensemble du corps ou sur une de ses parties telles que la tête, le tronc ou un membre. Elle considère dès lors que ces informations doivent être regardées comme relatives à l'émission de rayonnements dans l'environnement susceptibles d'affecter l'état de la santé humaine et relèvent, par suite, de la définition posée à l'article L124-2 du code de l'environnement.
Elle rappelle à cet égard que selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, le droit de toute personne d'accéder à des informations lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III de ce code, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. Les articles L124-4 et L124-5 précisent ainsi les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement. Le I de l'article L124-4, en particulier, indique que, « après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, l'autorité publique peut rejeter la demande d'une information relative à l'environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L311-5 ; / 2° A la protection de l'environnement auquel elle se rapporte ; / 3° Aux intérêts de la personne physique ayant fourni, sans y être contrainte par une disposition législative ou réglementaire ou par un acte d'une autorité administrative ou juridictionnelle, l'information demandée sans consentir à sa divulgation (…). II. - Sous réserve des dispositions du II de l'article L124-6, elle peut également rejeter : 1° Une demande portant sur des documents en cours d'élaboration (…) ».
Eu égard aux motifs de rejet prévus par ces dispositions s'agissant d'informations relatives à des émissions de rayonnements dans l'environnement, la commission estime, en premier lieu, que le caractère expérimental des mesures de DAS en cause ne saurait faire obstacle à leur communication. Il ressort en effet des explications que vous avez fournies à la commission qu’aucun document n’est en cours d’élaboration sur la base de ces données. La commission vous signale par ailleurs que l'ANFR pourrait utilement assortir la communication de précisions quant aux finalités de la démarche dans le cadre duquel ces mesures ont été recueillies, quant à la pluralité de méthodologies de mesure disponibles et quant à celle sur la base de laquelle la réglementation applicable a été définie.
Vous indiquez, en deuxième lieu, que les données en cause ont été recueillies dans le cadre de contrôles pouvant donner lieu à des sanctions, notamment pénales, et que toute communication des données portant sur les contrôles de la conformité aux exigences essentielles de mise sur le marché pourrait porter atteinte à la recherche d’infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales. L’ANFR se prévaut ainsi des dispositions du 2° du II de l’article L124-5 du code de l’environnement , aux termes desquelles « L'autorité publique ne peut rejeter la demande d'une information relative à des émissions de substances dans l'environnement que dans le cas où sa consultation ou sa communication porte atteinte : (…) / 2° Au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales (…) », pour refuser de communiquer les informations demandées.
La commission rappelle toutefois que les dispositions du II de l’article L124-5 du code de l’environnement ont été prises pour la transposition de celles de l’article 4 de la directive n° 2003/4/CE du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement aux termes desquelles « 2. Les États membres peuvent prévoir qu'une demande d'informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte : / (…) c) à la bonne marche de la justice, à la possibilité pour toute personne d'être jugée équitablement ou à la capacité d'une autorité publique de mener une enquête à caractère pénal ou disciplinaire ». Or, le 2 de cet article 4 prévoit, dans son avant-dernier alinéa : « Les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d'espèce de l'intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l'information. Dans chaque cas particulier, l'intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l'intérêt servi par le refus de divulguer. (…) » Ainsi, les motifs de refus énumérés à l’article L124-5 ne peuvent être opposés qu'après avoir mis en balance l'inconvénient d'une divulgation et l'intérêt d'une diffusion de l'information dans le public.
En l’espèce, si la commission relève, d’une part, que le non-respect des obligations de mise sur le marché des équipements radioélectriques peut conduire au prononcé d’une amende administrative par l’agence, en application des dispositions du II bis de l’article L43 du code des postes et des communications électroniques, et, d’autre part, que l’utilisation non-conforme de ces équipements est passible de sanctions pénales, en application des dispositions de l’article L39-1 du même code, il ne lui est pas apparu que la divulgation des informations déjà recueillies serait de nature à porter atteinte à des enquêtes, en cours ou à venir, de l'ANFR, au déroulement de procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales.
La commission souligne en troisième lieu, que si la publication d'une décision de l'ANFR prononçant une sanction administrative à l'encontre d'un opérateur, publication qui est prévue par les dispositions du II bis de l’article L43 du même code, constitue une sanction supplémentaire à l'encontre de cet opérateur, la publication des données qui vous est demandée ne saurait sérieusement être assimilée à la publication de la sanction administrative que vous pouvez prononcer. Il ne peut donc être soutenu que la publication des données en cause, au surplus par la personne qui en aurait obtenu communication et non par l’agence elle-même, « pourrait être assimilée », comme vous l’indiquez, à l’intervention, en méconnaissance des droits de la défense, de la sanction complémentaire prévue par l’article L43 du code des postes et des communications électroniques.
En dernier lieu, la commission indique que selon les dispositions déjà citées du I de l'article L124-4, qui doivent également être interprétées à la lumière de celles de la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 dont elles assurent la transposition en droit interne, l’administration peut, après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, rejeter une demande tendant à obtenir une information environnementale, au motif que sa communication ferait apparaître le comportement d’une personne physique, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En revanche, elle considère que cette exception, prévue à l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration ne peut être opposée lorsque l’information environnementale se rapporte à l’activité d’une personne morale. Cette information environnementale est, dès lors, non seulement communicable à l’intéressée mais aussi à toute autre personne qui en ferait la demande, sur le fondement des articles L124-1 et suivants du code de l’environnement, lorsqu’elle est détenue, reçue ou établie par les autorités publiques mentionnées à l'article L124-3 du code de l'environnement ou pour leur compte (avis n° 20132830 du 24 octobre 2013). Le risque de porter préjudice à des personnes morales du fait de la divulgation des informations en cause n’est donc pas un motif pouvant légalement justifier un rejet de demande d’informations.
La commission considère par suite que les résultats des mesures de débit d'absorption spécifique des téléphones mobiles transmis à l'ANSES le 15 juillet 2015 sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L124-1 du code de l'environnement.