Avis 20173363 - Séance du 11/01/2018

Avis 20173363 - Séance du 11/01/2018

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Maître X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 juillet 2017, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) à sa demande de copie, de préférence par courrier électronique, des documents suivants dans leur intégralité et non occultés concernant la sûreté de la centrale nucléaire de Fessenheim :
1) la lettre de EDF du 13 décembre 2013 (EDF D519013L1283-M00) traitant des effets de l'eau en présence de corium et du percement du radier (fichier 1.2.1 de l'ASN) ;
2) la lettre de EDF du 24 mars 2014 (EDF D519014L0331-M00) concernant le puits de cuve destiné à l’étalement du corium, dont de nombreux passages contenant des valeurs techniques sont occultés (fichier 1.2.3 de l'ASN) ;
3) la pièce de EDF du 31 décembre 2012 (D519012L1167-E00) faisant le bilan des prescriptions relatives à la poursuite d’exploitation de la décision n° 2011-DC-0231 (fichier 2.2.4 de l'ASN) ;
4) la pièce d' EDF du 19 décembre 2013 (D305913012428) relative aux dispositifs d’éventage et de filtration (fichier 4.1 de l'ASN) ;
5) la pièce d'EDF du 30 septembre 2013 (D305513038923) concernant le dispositif de secours permettant d’évacuer durablement la puissance résiduelle du réacteur et de la piscine en cas de perte de source froide (fichier 5.2 de l'ASN).

La commission rappelle, à titre liminaire, qu’il ne lui appartient pas d’indiquer, précisément et de manière exhaustive, les mentions des documents administratifs qui, en application des dispositions du livre III du titre I du code des relations entre le public et l’administration, doivent être occultées préalablement à leur communication, cette opération incombant à l'administration. La commission peut, en revanche, éclairer cette dernière sur le caractère communicable ou non de passages ou informations soulevant des difficultés particulières d’appréciation et sur lesquels la commission attire son attention.

En l’espèce, la commission a pris connaissance des documents sollicités dans leur version intégrale ainsi que des propositions d’occultations de l'ASN.

La commission rappelle, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L592-1 du code de l’environnement, l’ASN est une autorité administrative indépendante qui participe au contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants. Elle participe, également, à l'information du public et à la transparence dans ses domaines de compétence. Elle est, notamment, chargée du contrôle des installations nucléaires de base et des équipements sous pression nucléaires en application de l'article L592-19 du code de l'environnement. La commission considère que les documents dont la communication est sollicitée ont été produits dans le cadre de sa mission de service public et revêtent par conséquent un caractère administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration.

La commission relève, en deuxième lieu, que la demande s’inscrit dans le cadre de l’article 19 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, désormais codifié à l'article L125-10 du code de l'environnement, qu’elle est compétente pour interpréter conformément au B de l’article L342-2 du code des relations entre le public et l’administration. Il résulte de cet article que toute personne a le droit d'obtenir, auprès de l'exploitant d'une installation nucléaire de base, les informations détenues sur les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants pouvant résulter de cette activité et sur les mesures de sûreté et de radioprotection prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions, dans les conditions définies aux articles L124-1 à L124-6 du code de l'environnement.

Elle estime que, eu égard à l’objet de ces dispositions, qui visent à assurer un degré élevé de transparence et à permettre au public d’apprécier si et dans quelle mesure il est ou pourrait être exposé à des rayonnements ionisants, elles doivent être interprétées comme incluant non seulement les informations sur la nature, la quantité, la composition et le caractère nocif des émissions, mais également sur les risques d’émissions ainsi que sur les mesures prises pour les prévenir ou en limiter les effets.

La commission a ainsi estimé, dans un conseil n° 20093465 du 5 novembre 2009, que les rayonnements ionisants, de même que les déchets et rejets d’effluents issus des installations nucléaires, constituent des émissions au sens de l'article L124-5 du code de l'environnement qui prévoient que la communication des informations relatives à des émissions dans l’environnement ne peut être refusée que si elle porte atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, ou à des droits de propriété intellectuelle. Ainsi, le secret en matière commerciale et industrielle ne saurait-il faire obstacle à la communication de telles informations..

La commission en déduit que les occultations auxquelles a procédé l'ASN au titre de la préservation du secret en matière industrielle et commerciale sur les documents objet de la demande d'avis, qui sont relatifs aux risques d’émissions et aux mesures prises pour les prévenir ou en limiter les effets, n'apparaissent pas légalement justifiées. Elle émet, par suite, un avis favorable à la communication des documents sollicités dans une version uniquement occultée des mentions ayant trait à la sécurité, telles qu'elles l'ont été par l'ASN.