Avis 20175498 - Séance du 08/02/2018

Avis 20175498 - Séance du 08/02/2018

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 novembre 2017, à la suite du refus opposé par le ministre de l'Intérieur à sa demande de communication de la liste des déclarations de rattachement des candidats aux élections législatives de 2017.

En réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre de l'Intérieur a informé la commission de ce que les formulaires de rattachement individuel des candidats sont exclus du droit à communication prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration dans la mesure où il s'agit de documents préparatoires à l'établissement du décret annuel de répartition de l'aide publique pris pour l'application des dispositions de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, et où les données relatives aux partis ou groupements politiques de rattachement mentionnés par les candidats en vue de bénéficier de l'aide publique prévue par la loi du 11 mars 1988 ne sont pas au nombre des données communicables aux termes de l'article 8 du décret n° 2014-1479 du 9 décembre 2014 relatif à la mise en œuvre de deux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés « Application élections » et « Répertoire national des élus ».

La commission, qui prend note de la réponse du ministre de l'intérieur, rappelle en premier lieu qu'aux termes de l'article 8 du titre III de la loi du 11 mars 1988 : « Le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances de l'année pour être affecté au financement des partis et groupements politiques, peut, de la part des Bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, faire l'objet de propositions conjointes au Gouvernement. / Ce montant est divisé en deux fractions égales : / 1° Une première fraction destinée au financement des partis et groupements en fonction de leurs résultats aux élections à l'Assemblée nationale ; / 2° Une seconde fraction spécifiquement destinée au financement des partis et groupements représentés au Parlement. » et qu'aux termes des cinq premiers alinéas de l'article 9 du titre III de cette loi : « La première fraction des aides prévues à l'article 8 est attribuée : / - soit aux partis et groupements politiques qui ont présenté lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ; / - soit aux partis et groupements politiques qui n'ont présenté des candidats lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale que dans une ou plusieurs collectivités territoriales relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie et dont les candidats ont obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans l'ensemble des circonscriptions dans lesquelles ils se sont présentés. / La répartition est effectuée proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de ces élections par chacun des partis et groupements en cause. Il n'est pas tenu compte des suffrages obtenus par les candidats déclarés inéligibles au titre de l'article LO 128 du code électoral. / En vue de la répartition prévue aux alinéas précédents, les candidats à l'élection des députés indiquent, s'il y a lieu, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement politique auquel ils se rattachent. Ce parti ou groupement peut être choisi sur une liste établie par arrêté du ministre de l'intérieur publié au Journal officiel de la République française au plus tard le cinquième vendredi précédant le jour du scrutin, ou en dehors de cette liste. La liste comprend l'ensemble des partis ou groupements politiques qui ont déposé au ministère de l'intérieur au plus tard à dix-huit heures le sixième vendredi précédant le jour du scrutin une demande en vue de bénéficier de la première fraction des aides prévues à l'article 8. »

La commission estime, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que, pour la répartition de la première fraction de l'aide publique prévue par la loi du 11 mars 1988, le choix, par les candidats à l'élection des députés, d'un parti ou groupement politique auquel ils se rattachent, doit être porté par ces derniers, le cas échéant, sur leurs déclarations de candidatures.

La commission rappelle qu'aux termes de l'article L154 du code électoral, les candidats à l'élection des députés : « sont tenus de faire une déclaration revêtue de leur signature, énonçant leurs nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession. (...) » et qu'aux termes de l'article L155 du même code : « Cette déclaration doit également indiquer les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession de la personne appelée à remplacer le candidat élu en cas de vacance du siège. (...) ». Elle souligne que, si la vie privée des candidats aux élections politiques doit, en principe, bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, les fonctions auxquelles ils prétendent justifient, toutefois, que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Elle estime que si la protection de leur vie privée impose que les aménagements apportés à la garantie prévue par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration soient limités à ce qui est nécessaire à la transparence démocratique, aucune des mentions figurant dans les déclarations de candidature (nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession) n’excède l’information légitime des citoyens sur la qualité des candidats et qu'elles sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du même code. Elle considère également, eu égard aux fonctions auxquelles se présentent les candidats à l'élection d'un député et au rôle des partis et groupements politiques dans l'expression du suffrage, tel que reconnu par l’article 4 de la Constitution, que le choix d'un candidat de se rattacher à un parti politique en vue de lui apporter les suffrages qu'il a obtenus au premier tour d'une élection pour la détermination du montant de l'aide publique devant être allouée à ce parti est nécessaire à la transparence démocratique et n’excède pas l’information légitime des citoyens.

La commission relève toutefois, qu'en pratique, le ministère de l'intérieur a défini un formulaire de déclaration de rattachement à un parti ou groupement politique que les candidats doivent joindre à leur déclaration de candidature à l'élection des députés. Elle considère, par suite, que la demande porte non pas sur les déclarations de candidature mais sur les 6 800 formulaires de déclarations de rattachement des candidats aux élections législatives de 2017. Elle estime que ces déclarations, reçues par les services de l'Etat dans le cadre de ses missions de service public, constituent des documents administratifs et qu'elles sont, en raison de leur objet ainsi qu'il a été dit au paragraphe précédent, communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. La commission souligne à cet égard que la demande ne porte pas sur les données recueillies dans le cadre de la mise en place des deux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés « Application élection » et « Répertoire national des élus » par le décret n° 2014-1479 du 9 décembre 2014 qui ne saurait dès lors être utilement invoqué.

La commission précise, en deuxième lieu, qu'aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ». Sont regardés comme préparatoires au sens de ces dispositions les documents qui concourent à l’élaboration d’une décision administrative et sont inséparables de ce processus.

En l'espèce, la commission considère que les déclarations ont été mises en place dans le seul but de déterminer le montant de la première fraction de l'aide publique au financement des partis ou groupements politiques. Ce montant est défini, en proportion, par le nombre de suffrages recueillis par l'ensemble des candidats rattachés à un même parti au premier tour des élections des députés, après vérification de la concordance des rattachements individuels avec la liste des candidats présentés par les partis et groupements politiques et du respect de l’obligation de parité, et l’éventuelle soustraction des suffrages recueillis par les candidats déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel au titre de l'article LO 128 du code électoral. Il est arrêté par l'adoption du premier décret annuel de répartition de l'aide publique aux partis politiques suivant le plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale. La commission en déduit que les déclarations de rattachement revêtent, en conséquence, un caractère préparatoire tant que ce décret n'est pas pris et note qu'il devrait intervenir, pour les élections législatives de 2017 selon les informations communiquées par le ministère de l'intérieur au cours du débat parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2018 d'ici la fin du mois de mai 2018.

La commission estime donc que les fiches demandées revêtent, à ce stade, un caractère préparatoire. Il en est de même de la liste dont la communication est sollicitée, qui peut être obtenue par un traitement automatisé d'usage courant des déclarations de rattachement.