Conseil 20180650 - Séance du 13/09/2018
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 13 septembre 2018 votre demande de conseil relative au caractère communicable des documents suivants et à l'éventuelle possibilité de déclarer abusive la demande de communication de ces documents formulée par un administré :
1) l'intégralité des comptes rendus/procès-verbaux de réunion des commissions municipales (à l'exception de la commission d'appel d'offres) ainsi que des réunions du bureau municipal depuis le 23 mars 2014 ;
2) l'intégralité des comptes rendus/procès-verbaux de réunion des conseils d'école, pour chacune des écoles de la commune, depuis le 1er janvier 2008 ;
3) les enregistrements audios de chaque séance du conseil municipal ayant eu lieu au cours du mandat 2014-2020 (enregistrements évoqués lors de la séance du conseil municipal du 17 mai 2018) ;
4) les comptes administratifs de la commune de 2008 à 2016 ;
5) les arrêtés et décisions prises par le maire depuis le 20 mars 2008 ;
6) les extraits du grand livre budgétaire de la commune pour les années 2015 à 2018 concernant les chapitres suivants :
a) 6132 Locations immobilières ;
b) 6185 Frais de colloques et séminaires ;
c) 6226 Honoraires ;
d) 6227 Frais d'actes et de contentieux ;
e) 6232 Fêtes et cérémonies ;
f) 6236 Catalogues et imprimés ;
g) 6237 Publications ;
h) 6256 Missions ;
i) 6262 Frais de télécommunications ;
j) 6532 Frais de mission ;
k) 6535 Formation ;
l) 6536 Frais de représentation du maire ;
m) 2031 Frais d'études ;
7) les extraits du grand livre budgétaire de la commune depuis le 1er janvier 2008 concernant les chapitres suivants :
a) 6042 Achats prestations de services ;
b) 60611 Eau et assainissement ;
c) 60612 Énergie - Électricité ;
d) 60621 Combustibles ;
e) 60622 Carburants 60623 Alimentation ;
f) 60628 Autres fournitures non stockées ;
g) 61521 Terrains ;
h) 61522 Bâtiments ;
i) 61523 Voies et réseaux ;
j) 61551 Matériel roulant ;
k) 6156 Maintenance ;
l) 616 Primes d'assurances ;
m) 6182 Documentation générale et technique ;
n) 6184 Versements à des organismes de formation ;
o) 6188 Autres frais divers ;
p) 6228 Rémunérations et honoraires ;
q) 6233 Foires et expositions ;
r) 6238 Divers ;
s) 6261 Frais d'affranchissement ;
t) 63512 Taxes foncières ;
u) 2115 Terrains bâtis ;
v) 2182 Matériel de transport ;
w) 2183 Matériel de bureau et matériel informatique ;
x) 2184 Mobilier ;
y) 2188 Autres immobilisations corporelles ;
z) 2312 Terrains ;
α) 2313 Constructions ;
β) 1641 Emprunts en euros ;
γ) 1643 Emprunts en devises ;
et d'autre part, le caractère communicable :
8) à une conseillère municipale, de la liste des personnes occupant, à titre précaire, des biens immobiliers appartenant au domaine privé de la commune ;
9) des documents administratifs, comme par exemple les arrêtés pris par la commune, comportant des données personnelles.
Sur la communication des documents administratifs comportant des données à caractère personnel :
Vous interrogez la commission sur la conciliation du droit d’accès aux documents administratifs avec l’obligation faite aux administrations de veiller à la protection des données personnelles que ceux-ci sont susceptibles de contenir conformément au règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit règlement général sur la protection des données « RGPD »).
En effet, la consultation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition portant sur des données à caractère personnel constituent un traitement de données au sens de l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (« loi CNIL ») et de l’article 4 du RGPD. Une administration répondant à une demande d’accès à un document administratif contenant des données de cette nature doit ainsi être regardée comme un responsable de traitement. Ainsi que la CNIL vous l'a précisé, l'administration est toutefois dispensée de requérir, avant toute communication ou publication, le consentement préalable des personnes concernées, en principe exigé par l'article 7 de la loi CNIL et l'article 6 du RGPD, dès lors qu'il s'agit, pour elle, de respecter l'obligation légale de procéder à la communication de documents administratifs découlant du livre III du code des relations entre le public et l'administration ou, le cas échéant, d'autres dispositions législatives particulières, telles que, par exemple, l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales.
Ceci étant posé, l'entrée en vigueur du RGPD n'a pas entraîné de modification des dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives au droit d'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 86 du RGPD aux termes duquel : « Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement. ».
A cet égard, la commission vous rappelle le cadre juridique général applicable à l'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles. Elle considère que si ces données relèvent de la vie privée des personnes concernées, elles ne peuvent être communiquées à des tiers et ne seront donc pas non plus publiables, en application de l'article L311-6 du CRPA, ou des principes non écrits issus de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 10 mars 2010 n° 303814 Commune de Sète.
La commission considère toutefois que certains documents administratifs comportent des données personnelles qui ne sont pas couvertes en tant que telles par le secret de la vie privée. Entrent dans cette catégorie résiduelle les données dont la commission estime que le public doit avoir connaissance, soit au titre de l'organisation du service public, soit afin de pouvoir exercer pleinement son droit de recours. Il en va ainsi par exemple d'un arrêté de nomination d'un agent communal, des mentions relatives au nom et à l'adresse du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme ou encore des informations librement consignées sur des registres d'enquête publique par les personnes ayant formulé des observations sur le projet soumis à enquête. La commission estime que lorsqu'un document administratif comporte de telles données à caractère personnel, il peut être communiqué à toute personne qui en fait la demande, sans formalité particulière de la personne concernée. En revanche, il doit, pour pouvoir être publié en ligne, satisfaire aux conditions posées au deuxième alinéa de l’article L312-1-2 du CRPA. Il résulte de ces dispositions que des documents comportant des données personnelles ne peuvent être publiés en ligne que s'ils ont fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes, ou dans les trois hypothèses suivantes :
- si une disposition législative autorise une telle publication sans anonymisation : il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'une disposition législative qui se bornerait à prévoir l'affichage d'un document ne permet pas de publier un document comportant des données personnelles sans anonymisation ;
- si les personnes intéressées ont donné leur accord ;
- si les documents figurent dans la liste prévue par le décret mentionné au deuxième alinéa de l'article L312-1-2 du CRPA. Ce décret, qui n'a pas encore été adopté, doit en effet fixer la liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet d'une anonymisation.
Il résulte de ce qui précède que les arrêtés et décisions du maire, visés aux points 5) et 9), les comptes de la commune visés au point 4) et le grand livre budgétaire visé aux points 6) et 7), sont communicables et publiables sur le fondement de l'article L2121-26 du CGCT, sous réserve toutefois de l'occultation des mentions protégées en application de la jurisprudence Commune de Sète.
Les documents mentionnés aux points 1), 2) et 3), qui ne relèvent pas de l'article L2121-26 du CGCT, constituent quant à eux des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par l'un des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du même code.
Avant toute publication en ligne des documents mentionnés aux points 1) à 7) et 9), il vous appartiendra également de vérifier que ceux-ci ne comportent pas des données à caractère personnel non protégées par le secret de la vie privée, auquel cas ils ne pourront être publiés que dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l’article L312-1-2 du CRPA mentionné plus haut.
S'agissant de la liste des personnes occupant, à titre précaire, des biens immobiliers appartenant au domaine privé de la commune, mentionnée au point 8) la commission rappelle que l'article L300-3 du code des relations entre le public et l'administration dispose que le droit d'accès prévu au titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration s'applique désormais aux documents relatifs à la gestion du domaine privé des collectivités territoriales. Elle estime toutefois que la communication de ce document serait susceptible de porter atteinte à la vie privée des personnes concernées en méconnaissance du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Il n'est donc pas communicable à des tiers.
Sur le caractère abusif de la demande de communication :
La commission rappelle qu'une demande ne peut être considérée comme abusive que lorsqu'elle vise de façon délibérée à perturber le fonctionnement d'une administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne de présenter plusieurs demandes à la même autorité publique ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives.
Ainsi, si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est en revanche fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services. La commission souligne également qu'en application de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, les frais correspondant au coût de reproduction des documents et, le cas échéant, d'envoi de ceux-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Ces frais sont calculés conformément aux articles 2 et 3 de l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001. L'intéressé doit être avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé. Par ailleurs, si l’administration ne dispose pas des moyens de reproduction nécessaires pour satisfaire une demande de communication portant sur un volume important de documents, elle peut faire établir un devis auprès d’un prestataire de service extérieur. Il lui appartiendra alors d'adresser le devis de ce dernier au demandeur pour qu'il y donne suite, s'il y a lieu.
En l'espèce, la commission considère que les sollicitations du demandeur excèdent, par leur fréquence et le volume des documents demandés, les sujétions que le législateur a entendu faire peser sur l'administration et visent en réalité à perturber le bon fonctionnement du service public. Elle considère donc cette demande comme abusive.
Sur la demande de communication formulée par un conseiller municipal :
S'agissant du point 8) de votre demande, la commission rappelle que si elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération », cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.