Conseil 20183496 - Séance du 24/01/2019

Conseil 20183496 - Séance du 24/01/2019

Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (à n'utiliser que pour les conseils)

La commission d’accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 24 janvier 2019 votre demande de conseil relative aux modalités de réutilisation de la base de données d'informations portant sur les mutations d'immeubles à titre onéreux gérée par le Conseil supérieur du notariat en application du décret n° 2013-803 du 3 septembre 2013 ainsi qu'aux modalités d'accès des services de l'Etat à cette base.

1) Sur la recevabilité de la demande de conseil :

A titre liminaire, la commission relève que, selon l’article 3 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, le Conseil supérieur du notariat est un « établissement[s] d’utilité publique ». Lorsqu'il assure la diffusion des informations relatives aux mutations d'immeubles à titre onéreux, sur la base des informations qui lui sont transmises par les notaires, afin d'assurer une information fiable et pertinente sur les prix de l'immobilier, il exerce, selon les termes des articles 15 et 16 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, une mission de service public. Il s’ensuit que, dans l'exercice de la gestion de la base de données définie par le décret n° 2013-803 du 3 septembre 2013 pris pour l'application de cette loi, le Conseil supérieur du notariat revêt le caractère d'une administration au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration.

Par conséquent, la commission est compétente, en application des articles L311-1 et L340-1 du code des relations entre le public et l'administration, pour se prononcer sur le refus qu’est susceptible d'opposer le Conseil supérieur du notariat à des demandes de communication de documents administratifs issus de cette base de données ainsi que de réutilisation. La commission rappelle que doit être regardé comme un refus non seulement le refus pur et simple de réutilisation, ou encore la fixation d’une redevance à un montant que le demandeur estime excessif (avis n° 20141556 du 30 octobre 2014).

La commission rappelle, d’autre part, qu’en application de l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016, « I.- Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et sans préjudice de l'article L114-8 du même code, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public. / Les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute administration mentionnée audit premier alinéa de l'article L300-2 qui le souhaite à des fins d'accomplissement de missions de service public autres que celle pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus. / A compter du 1er janvier 2017, l'échange d'informations publiques entre les administrations de l'Etat, entre les administrations de l'Etat et ses établissements publics administratifs et entre les établissements publics précités, aux fins de l'exercice de leurs missions de service public, ne peut donner lieu au versement d'une redevance. »

Elle précise que les demandes de conseil dont elle peut être saisie doivent être formulées, en vertu de l'article R342-4-1 du même code, par une des autorités mentionnées à l'article L300-2 de ce code et qu'elle peut se prononcer sur « toutes questions relatives à l'application des titres Ier, II et IV » du livre III de ce code. Si elle considère, de manière constante, que, hors le cas des demandes de conseil qui pourraient être présentées par l’autorité ministérielle pour les questions susceptibles de se présenter dans les limites de son portefeuille, la procédure prévue par les dispositions de l’article R342-4-1 du code des relations entre le public et l’administration n’a pas pour objet de permettre à une autorité administrative de consulter la commission sur le caractère communicable de documents ou d’informations qui ne sont détenus ni par cette autorité, ni par une administration placée sous sa tutelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la commission précise qu’elle est, cependant, compétente pour se prononcer sur une demande formulée par une administration en application des dispositions de l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016, que cette demande émane de la détentrice du document ou de l’administration qui en sollicite la communication pour l'accomplissement de ses missions de service public.

Elle en déduit, en l’espèce, que bien que la présente demande de conseil n'émane pas du Conseil supérieur du notariat, gestionnaire de la base de données, elle est recevable dès lors, d'une part, que cette base de données réunit des document administratifs relevant des prévisions des titres Ier, II et IV du livre III du code des relations entre le public et l'administration, et, d'autre part, qu’elle émane, selon le décret n° 2017-1075 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre de la cohésion des territoires, d’une direction d’administration centrale du ministère chargé de préparer et mettre en œuvre la politique du Gouvernement dans le domaine du logement et de la lutte contre la précarité et l'exclusion, de la construction, de l'urbanisme et de l'aménagement foncier et du cadre de vie pour l’accomplissement de ses missions de service public.

2) Sur l’accès à la base de données notariale et ses modalités de diffusion

La commission considère que les dispositions spéciales résultant de la loi du 28 mars 2011, du décret du 3 septembre 2013 et des arrêtés pris pour l'application de ce dernier, sur lesquelles elle n’a pas été rendue compétente, antérieures à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dérogent aux dispositions générales du code des relations entre le public et l'administration en matière de diffusion instaurées par cette loi, le législateur ayant confié au Conseil supérieur du notariat la mission de centraliser et de diffuser les informations relatives à tout acte de mutation d'immeuble dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Une interprétation contraire reviendrait, en effet, à vider de sa substance la mission qu’il a confiée au Conseil supérieur du notariat ainsi que ses conditions de réalisation.

Elle n’est donc pas compétente pour se prononcer sur l’architecture de la base de données ni sur ses conditions de mise à disposition telles qu’elles résultent de ces dispositions.

Elle constate néanmoins que le régime actuel d’accès aux bases notariales, en partie payant, est très en deçà des obligations de diffusion résultant des dispositions de l’article L312-1-1 du code des relations entre le public et l’administration, entrées en vigueur le 7 octobre 2018, qui dispose que « Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 et lorsque ces documents sont disponibles sous forme électronique, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2, au nombre desquelles figurent, ainsi qu’il a été dit, le Conseil supérieur du notariat, publient en ligne « 3° Les bases de données, mises à jour de façon régulière, qu'elles produisent ou qu'elles reçoivent et qui ne font pas l'objet d'une diffusion publique par ailleurs » ainsi que « 4° Les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental. »

Elle le déplore, eu égard à l’intérêt que revêt cette base qui présente un intérêt économique et social certain, et relève qu’il est loisible au pouvoir réglementaire de définir des modalités d’accès s’inspirant du cadre général d’accès aux documents administratifs, ce qui serait de nature à satisfaire les demandes du ministère chargé du logement, étant précisé que dans le cadre des dispositions de l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016, aucun principe de gratuité n’est posé pour les échanges d’informations entre administrations n’appartenant pas toutes les deux à la sphère étatique et qu’un échange d’informations entre administrations aux fins de l’exercice de leurs missions de service public ne constitue pas une réutilisation au sens du titre II du libre III du code des relations entre le public et l’administration pour laquelle le principe de gratuité prévaut également.

3) Sur la réutilisation de la base de données

Si la commission n’est pas compétente pour se prononcer sur la diffusion de la base de données, elle l’est en revanche sur les conditions de réutilisation des informations publiques qu’elle contient.

En premier lieu, la commission rappelle qu'aux termes de l'article L321-1 du code des relations entre le public et l'administration, les informations publiques figurant dans des documents communiqués ou publiés par les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d'autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus. Aux termes de l'article L321-2 du même code, « Ne sont pas considérées comme des informations publiques, pour l'application du présent titre, les informations contenues dans des documents : a) Dont la communication ne constitue pas un droit pour toute personne en application du titre Ier ou d'autres dispositions législatives, sauf si ces informations font l'objet d'une diffusion publique conforme aux prescriptions des articles L312-1 à L312-1-2 ; (...) ». Par ailleurs, s'il est loisible à l'administration de soumettre la réutilisation d'informations publiques à l'établissement d'une licence, qui devient obligatoire lorsque la réutilisation est soumise au paiement d'une redevance, la commission relève que cette licence ne peut porter des restrictions à la réutilisation que pour des motifs d’intérêt général et de façon proportionnée et qu'elles ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. En outre, la réutilisation des informations publiques est en principe gratuite, aux termes de l'article L324-1 du même code et le Conseil supérieur du notariat n'est ni une administration mentionnée à l'article D324-5-1 du code des relations entre le public et l'administration, en tant qu'elle serait tenue de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l'accomplissement de ses missions de service public de collecte, production, mise à disposition ou diffusion d’informations publiques, lorsque la couverture de ces coûts est assurée à moins de 75% par des recettes fiscales, dotations ou subventions ni un opérateur relevant de l'article L324-2 de ce code, relatif à la numérisation des fonds et des collections des bibliothèques, des musées et des archives.

La commission estime au regard de ces principes que les « conditions générales de vente » définies par le Conseil supérieur du notariat méconnaissent le principe de la libre réutilisation des informations publiques.

Ainsi, la commission relève que, s'agissant des statistiques de niveau 1, mises à disposition gratuitement, la consultation requiert la création d'un compte utilisateur et que, s'agissant des autres informations, dites de niveau 2 et 3, les conditions d'utilisation stipulent que le client doit formuler une demande, laquelle est examinée par le gestionnaire. Or, la commission a considéré que si l’administration pouvait soumettre l'accès à l'ouverture d'un compte personnel, c’est seulement à la condition que la création de ce compte soit générée automatiquement sans intervention de sa part. En revanche, la consultation sur internet de documents librement communicables ne saurait être subordonnée à une procédure de demande d'accès impliquant une autorisation préalable de l'administration. Ainsi, l'accès à des informations publiques subordonné à la soumission d’une demande écrite faisant l’objet d’un examen par l’administration concernée avant délivrance des codes d’accès, ne peut être regardé comme mettant les données à disposition au sens de l'article L300-4 du code des relations entre le public et l'administration, ni comme assurant leur diffusion publique au sens du quatrième alinéa de l'article L311-2 du même code (conseil n° 20180003 du 17 mai 2018). Par suite, la création d'un compte utilisateur et d'un compte client devrait rester automatique ou du moins de droit, seules des vérifications destinées à assurer l'exécution, le cas échéant, du paiement ou du contrat étant autorisées.

La commission note également, d'une part, que le nombre d'exports est limité à trois par jour et dix par semaine par compte utilisateur, et d'autre part, que les conditions d'utilisation stipulent expressément que « Toute utilisation par le client et/ou l'utilisateur des différents services, et des résultats issus de leurs requêtes, accessibles par le biais du site à des fins commerciales ou d’une manière susceptible de concurrencer les sites Internet exploités par Min.not est interdite. » et soumet à autorisation la rediffusion à des tiers, la cession ou la mise à disposition à titre gratuit ou onéreux. La commission considère que de telles conditions sont de nature à restreindre la concurrence, au sens de l'article L323-2 du code des relations entre le public et l'administration, de la part d'autres prestataires susceptibles d'élaborer des données à partir des informations publiques définies par le décret du 3 septembre 2013 et les arrêtés du 30 septembre 2016.

En deuxième lieu, la commission constate que les exports sont effectués au format pdf ou CSV. Aux termes de l'article L300-4 du code des relations entre le public et l'administration : « Toute mise à disposition effectuée sous forme électronique en application du présent livre se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ». L’article 4 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique précise qu’ « on entend par standard ouvert tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ou de mise en œuvre ». Ces principes ont été explicités par la CADA ; elle a notamment invité à se reporter à cet effet au référentiel général d'interopérabilité (conseil n° 20172552 du 21 septembre 2017), prévu à l'article 11 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Ce dernier fixe les règles techniques permettant d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information et détermine notamment les répertoires de données, les normes et les standards qui doivent être utilisés par les autorités administratives. La version 2.0 du référentiel général d'interopérabilité a été publiée par arrêté du 20 avril 2016. Aucune disposition spéciale concernant la base de données définie par le décret du 3 septembre 2013 ne fait obstacle à l'application de ces dispositions générales. Or, s'agissant du format CSV, le référentiel précise qu' « Il doit être évité car il n’est pas nécessairement interopérable d’une plateforme à l’autre, la spécification précisant uniquement le format des fins de ligne mais ne précisant pas l'encodage à utiliser pour le texte en lui-même et pour les séparateurs (la RFC mentionne uniquement un encodage US-ASCII). ». La commission en déduit que l'export de données sous le format CSV ne répond pas aux exigences fixées par l'article L300-4 du code des relations entre le public et l'administration.

En troisième lieu, la commission s'étonne que les conditions d'utilisation stipulent que le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence est exclusivement compétent pour les interpréter et statuer sur un différend entre le gestionnaire et l'utilisateur alors que la gestion de la base de données s'inscrit également dans une situation légale et réglementaire, dont sont susceptibles de connaître la commission d'accès aux documents administratifs et les juridictions administratives.

5) Sur l’acquisition par l’Etat de la base de données intégrale gérée par le Conseil supérieur du notariat

La commission constate qu’il n’entre pas dans ses missions telles que définies aux articles L342-1 et L342-2 du code des relations entre le public et l’administration de se prononcer sur vos questions relatives à l’acquisition par l’Etat de la base de données intégrale gérée par le Conseil supérieur du notariat. Elle se déclare par suite incompétente sur ces points de votre demande de conseil.