Avis 20185529 - Séance du 28/11/2019

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Avis 20185529 - Séance du 28/11/2019

Association française de normalisation (AFNOR)

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 novembre 2018, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'Association française de normalisation à sa demande de publication en ligne, à titre gratuit, des normes françaises :
1) NF C67‐220 ;
2) NF C67-250.

La commission rappelle d'abord qu'ainsi que l'a jugé le Conseil d'État (Section, 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541, recueil Lebon p. 92), indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public.

Il ressort également de cette décision du Conseil d'État que, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission.

Or, ainsi que l'a également jugé le Conseil d'État (8 mars 2002, SARL Plettac Echafaudages, n° 210043, décision mentionnée aux tables du recueil Lebon), les dispositions réglementaires conférant à l'Association française de normalisation (AFNOR), aux termes, à l'époque, du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 portant statut de la normalisation, la mission de recenser les besoins en normes nouvelles, de coordonner les travaux de normalisation, de centraliser et d'examiner les projets de normes, de former à la normalisation, de promouvoir celle-ci et de représenter les intérêts français dans les instances internationales, sous le contrôle du délégué interministériel aux normes et le contrôle économique et financier de l'État confient à l'AFNOR une mission de service public, pour l'exécution de laquelle, lorsque son conseil d'administration homologue une norme, elle exerce des prérogatives de puissance publique. La commission en a déduit que l'AFNOR devait être regardée comme un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public, au sens de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, dont les dispositions sont reprises à l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration (conseil n° 20050541 du 17 février 2005).

En l'état de la réglementation actuellement en vigueur, la commission constate que si le chapitre II, consacré à la mission d'intérêt général de l'AFNOR, du décret n°2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation confie à cet organisme la mission d'orienter et de coordonner l'élaboration des normes nationales et la participation à l'élaboration des normes européennes et internationales (article 5), destinées à être homologuées et publiées (3° de l'article 6), ce décret reconnaît le caractère d'intérêt général de l'ensemble de l'activité de normalisation (article 1er), laquelle inclut l'élaboration des normes, assurée, en vertu de l'article 11 du décret, soit, par délégation de l'AFNOR, par des bureaux de normalisation agréés, soit par l'AFNOR elle-même dans les domaines communs à un grand nombre de secteurs et dans les secteurs pour lesquels il n'existe pas de bureau de normalisation sectoriel agréé. En application de l'article 9, cette activité d'élaboration des normes, tout en étant distinguée de l'activité d'orientation et de coordination, est retracée dans la comptabilité de la mission d'intérêt général de l'association, distincte de celle de ses autres activités. Le contrôle budgétaire prévu aux articles 220 à 229 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable, auquel l'association est assujettie par le II de l'article 10 du décret du 16 juin 2009, porte sur cette activité comme sur les autres activités d'intérêt général de l'association.

La commission en déduit que l'activité de l'AFNOR consistant à élaborer des normes se rattache à sa mission de service public tout autant que son activité d'orientation et de coordination des normes. La commission estime ainsi que les documents produits ou reçus par l'AFNOR dans le cadre de cette activité d'élaboration des normes présentent, comme les documents produits ou reçus dans le cadre de son activité d'orientation et de coordination, le caractère de documents administratifs, au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration.

La commission rappelle toutefois qu'elle a estimé, dans le conseil n° 20050541 du 17 février 2005, que les normes, consultables sur place gratuitement, soit au siège de l'AFNOR, soit dans l'une de ses six délégations régionales ou encore dans l'un des quatorze points d'accueil, où toute personne intéressée peut les copier, et commercialisées auprès du grand public aux mêmes endroits ainsi que par courrier ou en ligne sur le site Internet de l'Association selon un prix fixé, selon les cas, par référence au prix déterminé par son émetteur lorsque la norme n'a pas été élaborée par l'AFNOR (cas des normes ISO, des normes européennes ou des normes mises au point dans un autre État par exemple et qui sont couvertes par des « copyright ») ou, lorsque la norme a été élaborée par l'AFNOR, en tenant compte notamment de son coût d'élaboration et des frais de diffusion, devaient être regardées comme faisant l'objet d'une diffusion publique et qu'en conséquence, le droit d'accès défini par le désormais titre I du livre III du code des relations entre le public et l'administration ne s'exerçait pas à l'égard des normes détenues par l'AFNOR en application du quatrième alinéa de l'article L311-2 de ce code.

Les représentants de l'AFNOR, entendus en séance, ont confirmé aux membres de la commission que les normes étaient toujours accessibles selon ces modalités.

Au vu de ces éléments, et dès lors que les dispositions introduites par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique qui ont créé une obligation de mise en ligne à titre gratuite des « données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental » n'ont pas pour effet de contraindre l'AFNOR à mettre en ligne gratuitement les normes que l'association gère ou élabore, la commission confirme que, sous réserve de l'effectivité des modalités d'accès ainsi rappelées, notamment la possibilité d'obtenir sur place, le cas échéant après paiement des frais prévus à l'article R311-11 de ce code, une impression des informations recherchées, ces documents administratifs font l'objet d'une diffusion publique.

La présente demande est, par suite, irrecevable.

La commission retient cependant de l'audition de l'AFNOR et du délégué interministériel aux normes l'évolution prochaine annoncée des modalités de diffusion des normes rendues d'application obligatoire, par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés, qui sont aujourd'hui, en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, seulement « consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation » vers une mise à disposition gratuite par téléchargement et impression.