Conseil 20190026 - Séance du 07/02/2019

Conseil 20190026 - Séance du 07/02/2019

Musée Rodin

La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 24 janvier 2019 votre demande de conseil relative :
1) au caractère communicable des numérisations tridimensionnelles d’œuvres d'art, au regard de la qualité d'ayant droit de l'artiste du musée ;
2) à la possibilité de réutiliser, à des fins commerciales, des numérisations tridimensionnelles dont il est demandé la communication, au regard du droit de la propriété intellectuelle et du risque de contrefaçon ;
3) à la possibilité de réutiliser des numérisations tridimensionnelles au regard du mode de financement du musée prévu à l'article 12 du décret n° 93-163 du 2 février 1993.

La commission vous rappelle d'abord qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. »

La commission relève qu'aux termes du décret n° 93-163 du 2 février 1993 relatif au musée Rodin, le musée est un établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture qui a pour mission de faire connaître l’œuvre de Rodin et de faire respecter le droit moral qui y est attaché. A cette fin : 1. Il présente au public les collections comprenant les objets donnés ou légués par Auguste Rodin et les œuvres acquises ultérieurement, en assure la garde, la conservation et la mise en valeur ; 2. Il organise des expositions, des colloques et toute activité éducative et culturelle susceptible de concourir au rayonnement de l’œuvre de Rodin et de la sculpture ; 3. Il est habilité à acquérir toute œuvre ou tout document présentant un intérêt pour la connaissance de l’œuvre de Rodin et de la sculpture ; 4. Il exécute ou fait exécuter tous travaux d'aménagement ou d'extension des locaux du siège du musée ou de son annexe ; 5. Il procède ou fait procéder, sous son contrôle, à des éditions originales de bronzes tirées à partir des moules et des modèles en plâtre figurant dans les collections. Ces éditions sont limitées à douze, numérotées de 1/8 à 8/8 et de I/IV à IV/IV, y compris les éditions originales existantes ; 6. Il édite et commercialise des reproductions d’œuvres de Rodin, des publications et des produits audiovisuels.

La commission en déduit que les numérisations d'œuvres dont vous assurez la conservation, à des fins à la fois d'étude et d'exploitation commerciale, constituent des documents administratifs au sens des dispositions précitées, dès lors que vous les avez élaborées et les détenez dans le cadre de la mission de service public qui vous est confiée. Elles sont donc, en principe, communicables à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement de l’article L311-1 du même code, sous réserve qu’ils ne présentent plus un caractère préparatoire à une décision que vous n’auriez pas encore prise.

La commission vous précise, ensuite, que dans sa décision du 8 novembre 2017 n° 375704, le Conseil d’État a jugé que l’article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration, qui dispose que : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. », implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur. Or, la commission constate que les documents sollicités ne sont pas eux-mêmes grevés de droits d'auteur, et il n'apparaît pas douteux que les œuvres du sculpteur Auguste Rodin dont les reproductions tridimensionnelles sont sollicitées ont déjà fait l'objet d'une divulgation au sens du code de la propriété intellectuelle. Les dispositions de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration ne sauraient dès lors légalement fonder un refus de communication, non plus que les considérations tirées du mode de financement de l'établissement public qui sont inopérantes en matière de communication des documents administratifs.

La commission souligne, enfin, que la qualité d'ayant droit de Rodin, chargé de faire respecter le droit moral du sculpteur est également insusceptible de fonder un refus de communication, à charge pour le musée, comme il le fait aujourd'hui, de veiller au respect de l’œuvre lors de la réutilisation des documents sollicités.

En ce qui concerne les conditions de réutilisation, la commission vous précise que l'article L323-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que la réutilisation d'informations publiques peut donner lieu à l'établissement d'une licence et qu'une telle licence est obligatoire lorsque la réutilisation est soumise au paiement d'une redevance. Si la réutilisation d'informations publiques est, en principe, gratuite, aux termes de l'article L324-1 du même code, son article L324-2 prévoit la possibilité d'une redevance lorsque la réutilisation porte « sur des informations issues des opérations de numérisation des fonds et des collections des bibliothèques, y compris des bibliothèques universitaires, des musées et des archives, et, le cas échéant, sur des informations qui y sont associées lorsque ces dernières sont commercialisées conjointement. Le produit total du montant de cette redevance, évalué sur une période comptable appropriée, ne dépasse pas le montant total des coûts de collecte, de production, de mise à disposition ou de diffusion, de conservation de leurs informations et d'acquisition des droits de propriété intellectuelle. » Les modalités de calcul de cette redevance sont précisées à l'article R324-4-3 du même code. Ainsi, lorsque le musée aura établi une tarification pour la réutilisation de ses numérisations tridimensionnelles, laquelle devra être publiée sur son site internet, le musée pourra-t-il soumettre leur réutilisation à une licence et l'assortir d'un tarif conforme à ces dispositions.