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Avis 20190869 - Séance du 05/09/2019
Maître X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 février 2019, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) à sa demande de communication des documents administratifs relatifs aux contrôles effectués par le laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) durant les cinq dernières années et transmis à l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (ANSES), notamment :
1) l’ensemble des documents relatifs à chaque test réalisé sur une marque de cigarette durant les cinq dernières années ;
2) la description exacte de la procédure d’échantillonnage, les modalités de remise de l’échantillon par le fabricant ou le distributeur au vérificateur du LNE, les modalités de test et les résultats des tests ;
3) l’ensemble des courriers entre l’ANSES et le LNE portant sur les contrôles des produits du tabac ;
4) les documents encadrant la décision de procéder au test de vérification, notamment la liste des produits vérifiés et celle des produits n’ayant pas fait l’objet d’une vérification ;
5) l’ensemble des documents descriptifs des modalités de mises en œuvre des tests de vérification réalisés par le LNE ;
6) l’intégralité des échanges entre la direction générale de la santé (DGS) et l’ANSES et entre l’ANSES et le LNE.
La commission observe, en premier lieu, que le laboratoire national de métrologie et d'essais est un établissement public national à caractère industriel et commercial chargé, aux termes de l'article L823-1 du code de la consommation de réaliser tous travaux d'étude, de recherche, de consultation, d'expertise, d'essai, de contrôle et toutes prestations d'assistance technique utiles à la protection et à l'information des consommateurs ou à l'amélioration de la qualité des produits et pouvant se rapporter à la métrologie, aux techniques de fabrication et à la qualification des produits industriels, des produits agricoles non alimentaires transformés et des biens d'équipement, ainsi qu'à la mesure des pollutions et des nuisances.
Elle relève, en deuxième lieu, que les documents sollicités sont en lien avec des mesures et expertises réalisées par ce laboratoire soit en application de l'arrêté du 5 mars 2003 désormais abrogé, soit en application des dispositions de l'article L3512-15 et suivants du code de la santé publique et des mesures prises pour leur application, en vertu desquelles le laboratoire national de métrologie et d'essais est chargé, aujourd'hui dans le cadre de l'agrément que lui a confié l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), de mesurer les niveaux d'émissions des cigarettes mises sur le marché ou fabriquées sur le territoire national qui ne peuvent excéder 10 milligrammes de goudron par cigarette, 1 milligramme de nicotine par cigarette et 10 milligrammes de monoxyde de carbone par cigarette.
La commission estime, au regard de ces éléments, que les documents sollicités sont en lien direct avec les missions de service public du laboratoire national de métrologie et d'essais. Ils constituent, en conséquence, des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu à l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il en est de même des documents que produit ou détient l'ANSES, établissement public de l’État à caractère administratif, dans le cadre de ses missions définies à l'article L1313-1 du code de la santé publique. Ce droit d'accès s'exerce sous réserve de la préservation des secrets protégés par la loi, tel que le secret des affaires prévu à l'article L311-6 de ce code.
La commission rappelle ensuite, d'une part, que l’article 5 de la directive européenne 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes prévoient que les ingrédients et les taux d’émissions des produits du tabac doivent être rendus publics, sous réserves des secrets commerciaux. La Commission européenne, par une décision d’exécution 2015/2186 du 25 novembre 2015, a indiqué que ne sont pas regardées comme étant confidentielles ou comme constituant des secrets commerciaux, pour tous les produits du tabac, la présence et la quantité d'additifs autres que des arômes et pour tous les produits du tabac, la présence et la quantité d'ingrédients autres que des additifs, utilisés en quantités supérieures à 0,5 % du poids unitaire total du produit du tabac. D'autre part, en application des articles L3512-17 et L 3514-5 du code de la santé publique, avant la mise sur le marché de tout produit du tabac, les fabricants et importateurs de produits du tabac transmettent, par marque et par type, à l'ANSES la liste de tous les ingrédients utilisés dans la fabrication des produits du tabac et leurs émissions. Les dispositions réglementaires prises pour l'application de ces dispositions prévoient que ces informations sont rendues publiques par l’ANSES, sous réserve du secret des affaires. La commission considère que la portée des dispositions nationales, et partant de ce secret, doit être appréciée à la lumière des dispositions de la directive 2014/40/UE, dont elles assurent la transposition, et de la décision d’exécution 2015/2186 du 25 novembre 2015. Elle en déduit que les niveaux d'émissions de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone par cigarette, la présence et la quantité d'additifs autres que des arômes et la présence et la quantité d'ingrédients autres que des additifs, utilisés en quantités supérieures à 0,5 % du poids unitaire total du produit du tabac ne relèvent pas du secret des affaires et sont, par suite, communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, s'ils n'ont pas fait l'objet d'une diffusion publique.
Ainsi, s'agissant des documents mentionnés aux points 1) et 4), la commission émet un avis favorable à la communication des résultats des tests dans les limites qui viennent d'être rappelées. La commission rappelle, en outre, que le secret des affaires comprend le secret des procédés, le secret des informations économiques et financières ainsi que le secret des stratégies industrielles et commerciales. Au titre du secret des procédés, la commission estime que les tests réalisés sont susceptibles de porter sur des éléments autres que ceux dont la publicité est rendue obligatoire pouvant tenir aux procédés de fabrication, aux compositions et mélanges précis et aux éventuelles spécificités techniques des produits contrôlés. La commission estime, en conséquence, que les tests d'essai ne sont communicables qu'après occultation préalable des mentions relevant du secret des procédés ainsi défini et rappelle que si les occultations devaient rendre, par leur ampleur, le document inintelligible, l'administration serait alors fondée à en refuser la communication. La commission émet, par suite, un avis favorable aux points 1) et 4) de la demande, sous ces réserves.
S'agissant des documents mentionnés aux points 2) et 5), qui portent sur la procédure d’échantillonnage ainsi que les modalités de remise des échantillons et des tests, la commission estime qu'ils portent sur les méthodes développées par le laboratoire pour remplir ses missions. Elle relève que la directive européenne 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et le droit national prévoient que les émissions des cigarettes sont mesurées sur la base des normes ISO 4387 pour le goudron, ISO 10315 pour la nicotine et ISO 8454 pour le monoxyde de carbone et que l'exactitude des mesures concernant le goudron et la nicotine est vérifiée conformément à la norme ISO 8243. La commission estime qu'un organisme qui agit conformément et dans le cadre d’une norme peut se prévaloir du secret des affaires, notamment du secret des procédés, si l’organisation ou les moyens particuliers qu'il met en œuvre pour satisfaire aux exigences de la norme ne sont pas généralement connus des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations, ou ne leur sont pas aisément accessibles et qu’ils ont une valeur commerciale effective ou potentielle de ce fait. En l'espèce, si, comme le fait valoir le laboratoire, la méthode de prélèvements et de constitution des échantillons de cigarettes qu'il utilise pour le contrôle des cigarettes ne révèle aucun savoir-faire propre, et est à ce titre communicable, de même que certains cahiers des clauses techniques qui ont déjà été communiqués à Maître X, il en va différemment du détail des procédures d’échantillonnage et des modalités précises de mise en œuvre des tests, qui relèvent du secret des procédés du laboratoire. La commission émet par suite un avis défavorable à la communication de ces deux dernières séries de documents.
Enfin, la commission rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs au titre du droit d'accès, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. Par conséquent, la commission estime que les échanges visés aux points 3) et 6) sont communicables à toute personne en faisant la demande en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception des mentions protégées par le secret des affaires en application de l'article L311-6 du même code.
La commission rappelle à l'agence qu’il lui appartient, en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à l’autorité administrative susceptible de détenir les documents qu'elle ne détient pas, a priori le laboratoire national de métrologie et d'essais, pour la période antérieure à 2018, et d'en informer Maître X.