Conseil 20192524 - Séance du 27/06/2019

Conseil 20192524 - Séance du 27/06/2019

Préfecture de la Manche

La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 27 juin 2019 votre demande de conseil relative au caractère communicable au cabinet d'avocats représentant le liquidateur judiciaire d'un restaurant, de pièces relatives à la sécurité sanitaire de l'établissement constatée à l'égard du précédent exploitant, notamment :
1) l'intégralité de la décision administrative prise le 10 février 2011 portant ordre de mesures correctives pour le restaurant ;
2) le ou les rapports d'inspection établis par les agents de la direction des services vétérinaires ayant précédé la prise de cette décision.

Aux termes de l’article L233-2 du code rural et de la pêche maritime, les établissements qui préparent, traitent, transforment, manipulent ou entreposent des produits d'origine animale, ou des denrées alimentaires en contenant, destinés à la consommation humaine sont soumis, selon les cas, à agrément ou à autorisation, lorsque cela est requis par les règlements et décisions communautaires ou par des arrêtés du ministre chargé de l'agriculture. L'article R233-4 du même code prévoit que tout exploitant qui met en œuvre l'une des étapes de la production, de la transformation et de la distribution des produits ou denrées alimentaires énumérés à l'article R231-4 est tenu de déclarer chacun des établissements dont il a la responsabilité, ainsi que les activités qui s'y déroulent, au préfet du lieu d'implantation de l'établissement, selon les modalités déterminées par arrêté du ministre.

En cas de manquements à la législation relative à l’hygiène alimentaire ou aux règles sanitaires applicables aux exploitants du secteur alimentaire, l’exploitant est mis en demeure de procéder aux mesures de correction nécessaires. Après expiration du délai imparti, l’autorité administrative peut, sur le fondement de l’article L233-1 du même code, obliger l’exploitant à consigner une somme correspondant au montant des mesures correctives prescrites, faire procéder d’office, aux frais de l’exploitant, à ces mesures et ordonner la fermeture de l’établissement ou l’arrêt de certaines activités jusqu’à la réalisation de ces mesures.

La commission relève que la réglementation en la matière est d’origine communautaire, notamment les règlements du Parlement européen et du Conseil n° 178/2002 du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, n° 852/2004 du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires et n° 853/2004 du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées alimentaires d'origine animale, dit « paquet hygiène » et que c’est l’arrêté du 8 juin 2006 relatif à l'agrément sanitaire des établissements mettant sur le marché des produits d'origine animale ou des denrées contenant des produits d'origine animale qui définit la mise en œuvre des prescriptions européennes.

La commission vous indique qu’elle estime par conséquent que les documents relatifs à l’inspection sanitaire d’un restaurant et à la mise en œuvre des mesures de police prévues à l’article L233-1 du code rural et de la pêche maritime, détenus par l’administration dans le cadre de ses missions, sont des documents administratifs.

La commission, qui a pris connaissance du rapport sollicité, constate qu’il fait état de la défectuosité des installations de l’établissement (portes, plafond, parois…), de l’hygiène des locaux et du personnel, du respect de la chaîne du froid, du défaut de ventilation, sans interaction avec des éléments environnementaux. Il ne comporte donc pas d’information environnementale au sens de l’article L124-2 du code de l’environnement.

La commission estime que le repreneur d’un fonds de commerce constitue une personne intéressée au sens de l’article précité pour les documents relatifs à la sécurité sanitaire de cet établissement adressé à l’ancien propriétaire.

Par un avis n° 20183379, la commission a en outre considéré que les administrateurs et mandataires judiciaires peuvent également être considérés comme personnes intéressées au sens de ces dispositions, en fonction des missions qui leur sont confiées par la loi et le juge judiciaire.

Ainsi lorsque l'administrateur judiciaire, qui est défini par l'article L811-1 du code du commerce comme un mandataire chargé « par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens », se voit confier, par le juge, l'administration provisoire d'une entreprise, sa désignation entraîne le dessaisissement du représentant légal de l'entreprise (Cass. 3e civ., 25 oct. 2006). Il constitue alors une personne intéressée au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.

En revanche, l'administrateur judiciaire ne peut être regardé comme une personne intéressée, quand le juge le charge d'un mandat ad hoc pour une mission ponctuelle, sans que les dirigeants soient relevés de leurs fonctions d'administration courante, ou de la mise en œuvre d'une procédure de sauvegarde, dès lors que, dans un tel cas, le dirigeant n'est pas dessaisi de la gestion de l'entreprise et que l'administrateur n'exerce à son égard qu'une mission de surveillance ou d'assistance (article L622-1 du code du commerce).

Enfin, dans le cas de l'engagement d'une procédure de redressement judiciaire, il résulte de l'article L631-12 du code du commerce que la mission de l'administrateur est fixée par le tribunal, qui peut le charger d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux, ou d'assurer seuls, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise. La commission considère que ce n'est que dans cette dernière hypothèse, que l'administrateur judiciaire doit être assimilé à une personne intéressée susceptible d'accéder aux documents de l'inspection du travail sans occultation.

Quant au mandataire judiciaire, défini par l'article L812-1 du code du commerce comme le mandataire « chargé par décision de justice de représenter l'ensemble des créanciers dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire et de procéder à la liquidation d'une entreprise », la commission considère que celui-ci ne doit pas être regardé comme une personne directement intéressée au sens du code des relations entre le public et l'administration lorsque sa mission ne consiste, dans le cadre d'une procédure collective, qu'à représenter les créanciers. Il en va différemment lorsqu'il a été désigné liquidateur de la société et qu'il est alors chargé de mettre en œuvre la cession globale de l'entreprise avec ses salariés ou la vente séparée de ses actifs mobiliers et immobiliers et recouvrer les sommes dues par les clients.

Avant de procéder à la communication de documents administratifs à un administrateur ou à un mandataire judiciaire, la commission vous conseille, par conséquent, de leur demander la production préalable de la décision de justice par laquelle ils ont été nommés et qui a défini l'étendue de leurs missions, afin de déterminer s'ils peuvent avoir accès, sans occultation, aux documents de l'inspection sanitaire concernant l’établissement dont ils ont la charge.