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Avis 20217342 - Séance du 27/01/2022
Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 novembre 2021, à la suite du refus opposé par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères à sa demande de communication des documents suivants :
1) l'appel d'offres X, portant sur une mission de représentation (conseil juridique) de la République française, dans le cadre d'une procédure arbitrale contre l'investisseur X, en lien avec l'affaire X, sous le traité d'investissement X ;
2) le résultat dudit appel d'offres ;
3) la copie de la « notice of dispute » (X) et de la « request of arbitration » (X) soumis par les investisseurs.
Après avoir pris connaissance des observations du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par les articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code.
Ainsi qu'il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables.
En l'espèce, la commission relève que si aucun appel d’offres n’a été formalisé pour sélectionner le conseil juridique mentionné au point 1) de la présente demande d’avis, une lettre de consultation a été émise dans le cadre de la passation d’un marché à procédure adaptée. La commission estime que ce document est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'il n’est, en principe, pas susceptible de comporter des informations couvertes par le secret des affaires. Elle émet donc sur ce point un avis favorable.
S’agissant du point 2) de la demande, la commission estime qu’il doit être regardé, non comme une demande de renseignement, mais comme une demande de communication de l'un des documents détenus par l'administration mentionnant le résultat de la consultation, par exemple le marché passé avec le prestataire retenu, lequel est, sous la réserve de la protection du secret des affaires dans les conditions rappelées plus haut, communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Elle émet donc sur ce point et sous cette réserve, un avis favorable.
En ce qui concerne le point 3) de la demande, la commission rappelle que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, Mme X, n° 102627, aux T. p. 948), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est-à-dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, Mme X, n° 117480, T. p. 782).
A cet égard, la commission relève que l’arbitrage est un mode particulier de règlement juridictionnel des litiges, la sentence arbitrale étant de nature juridictionnelle, ce qui lui confère l’autorité de la chose jugée relativement à la question qu’elle tranche, selon les termes de l’article 1484 du code de procédure civile. Les sentences arbitrales prononcées peuvent, le cas échéant, donner lieu à un appel auprès des juridictions étatiques.
En l’espèce, la commission comprend qu’une demande indemnitaire a été formulée auprès du gouvernement français par l’entreprise russe X, en réparation de la décision du gouvernement français de ne pas prolonger X. Cette demande est formulée dans le cadre de l’article 7 de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l’Union des républiques socialistes soviétiques sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements fait à Paris le 4 juillet 1989 et publié par le décret n° 91-1062 du 14 octobre 1991. Cet article prévoit qu’en l’absence de règlement l’amiable d'un différend entre l'une des parties à l’accord et un investisseur de l'autre partie, ce différend peut être soumis par écrit à l'arbitrage et sera alors réglé définitivement, conformément au règlement d'arbitrage de la commission des Nations Unies pour le droit commercial international, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution 31/98 du 15 décembre 1976. A cet égard, la commission relève que les documents adressés au gouvernement français par la société X, la « notice of dispute », ou formulation du différend, et la « request of arbitration », ou demande d’arbitrage, s’inscrivent dans le cadre de cette procédure d’arbitrage international.
Dès lors que les documents demandés au point 3) sont intimement liés à la mise en œuvre d’une procédure juridictionnelle et plus généralement à l’activité de la juridiction arbitrale, la commission estime que ces documents sont de nature juridictionnelle et par suite exclus du champ d'application du régime de communication régi par le code des relations entre le public et l'administration.
Par suite, la commission se déclare incompétente pour se prononcer sur le point 3) de la présente demande d’avis.