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Avis 20220207 - Séance du 10/03/2022
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 janvier 2022, à la suite du refus opposé par la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) à sa demande de communication, dans un format numérique ouvert et réutilisable, par téléchargement ou attachée à un courrier électronique, d'une copie des documents suivants et leurs annexes relatifs :
1) à l'application « Tous Anti Covid Verif », et notamment :
a) la liste, si elle existe ou peut être extraite par un traitement automatisé d'usage courant, des contrôles réalisés par la CNIL relatifs à l'application suscitée ;
b) les bilans, comptes rendus, annexes et documents relatifs à ces opérations de contrôle ;
c) les documents transmis par les institutions contrôlées à la CNIL dans le cadre de ces opérations de contrôle ;
d) les courriers, courriels et échanges entre la CNIL et le ministère des Solidarités et de la Santé relatif à ce sujet ;
e) les courriers, courriels et échanges, relatif à l'application, entre la CNIL et les autres organismes impliqués dans la mise en œuvre de cette application ;
2) à l'application « Tous Anti Covid » et notamment :
a) la liste, si elle existe ou peut être extraite par un traitement automatisé d'usage courant, des contrôles réalisés par la CNIL relatifs à l'application suscitée ;
b) les bilans, comptes rendus, annexes et documents relatifs à ces opérations de contrôle ;
c) les courriers, courriels et échanges entre la CNIL et le ministère des Solidarités et de la Santé relatif à ce sujet ;
d) les courriers, courriels et échanges, relatif à l'application, entre la CNIL et les autres organismes impliqués dans la mise en œuvre de Tous Anti Covid.
3) au fichier « Contact Covid » et au suivi des cas contacts, et notamment :
a) la liste, si elle existe ou peut être extraite par un traitement automatisé d'usage courant, des contrôles réalisés par la CNIL relatifs au fichier et au suivi des cas contact ;
b) les bilans, comptes rendus, annexes et documents relatifs à ces opérations de contrôle ;
c) les documents transmis par les institutions contrôlées à la CNIL dans le cadre de ces opérations de contrôle ;
d) les courriers, courriels et échanges entre la CNIL et le ministère des Solidarités et de la Santé relatif à ce sujet ;
e) les courriers, courriels et échanges, relatif à l'application, entre la CNIL et les autres organismes impliqués dans la mise en œuvre de ce fichier et du suivie des cas contacts ;
4) au fichier « SI-DEP » :
a) la liste, si elle existe ou peut être extraite par un traitement automatisé d'usage courant, des contrôles réalisés par la CNIL relatifs à ce fichier ;
b) les bilans, comptes rendus, annexes et documents relatifs à ces opérations de contrôle ;
c) les courriers, courriels et échanges entre la CNIL et le ministère des Solidarités et de la Santé relatif à ce sujet ;
5) au passe sanitaire « activités » et notamment :
a) la liste, si elle existe ou peut être extraite par un traitement automatisé d'usage courant, des contrôles réalisés par la CNIL relatifs au passe sanitaire « activités » ;
b) les bilans, comptes rendus, annexes et documents relatifs à ces opérations de contrôle ;
c) les documents transmis par les institutions contrôlées à la CNIL dans le cadre de ces opérations de contrôle ;
d) les courriers, courriels et échanges relatifs à ce sujet entre la CNIL et les différents ministères ;
e) les courriers, courriels et échanges, relatifs à l'application, entre la CNIL et les autres organismes impliqués dans la mise en œuvre du passe sanitaire « activités » ;
6) au fichier « Vaccin Covid » :
a) la liste, si elle existe ou peut être extraite par un traitement automatisé d'usage courant, des contrôles réalisés par la CNIL relatifs au fichier suscité ;.
b) les bilans, comptes rendus, annexes et documents relatifs à ces opérations de contrôle ;
c) les documents transmis par les institutions contrôlées à la CNIL dans le cadre de ces opérations de contrôle ;
d) les courriers, courriels et échanges entre la CNIL et la direction générale de la santé et la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), relatifs à ce fichier ;
e) les courriers, courriels et échanges, relatifs à l'application, entre la CNIL et les autres organismes impliqués dans la mise en œuvre de ce fichier.
En premier lieu, la commission, qui a pris connaissance des observations de la présidente de la CNIL, rappelle qu'aux termes des 1er et 2ème alinéas de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés et ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration. Elle précise néanmoins qu’un document ne revêt un caractère préparatoire au sens de ces dispositions que lorsqu'il est destiné à éclairer l’administration en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue ou que l’autorité compétente n’a pas manifestement renoncé à la prendre. En outre, lorsqu’un projet comporte des phases distinctes donnant lieu à l'édiction de plusieurs décisions successives, il importe d’identifier la nature des pièces dont le caractère préparatoire est levé par l’intervention de chacune de ces décisions.
La commission comprend des informations portées à sa connaissance que les procédures de contrôle initiées dès la mise en œuvre de chacun des traitements mentionnés dans la demande ont été découpées par phases et ont déjà donné lieu à plusieurs décisions de la CNIL. Elle considère que seuls les documents se rapportant à des contrôles en cours d’instruction, n’ayant à ce stade donné lieu à aucune décision, présentent un caractère préparatoire au sens des dispositions précitées.
En deuxième lieu, s’agissant des documents mentionnés aux points a) de la demande, la CNIL a informé la commission que la liste complète des entités contrôlées au cours de l'année 2020 est disponible à l'adresse suivante : https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/controles-realises-par-la-cnil/. Cette liste ayant ainsi fait l'objet d'une diffusion publique, au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, la commission ne peut que déclarer la demande Monsieur X irrecevable, dans cette mesure.
En troisième lieu, la commission rappelle que les documents produits ou reçus par la CNIL dans le cadre de ses missions de service public sont des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration à l'exclusion, d'une part, des pièces échangées avec l'autorité judiciaire et les juridictions dans le cadre des dispositions des e) et f) du 2° de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978, et de l'article 41 de cette loi, qui revêtent un caractère judiciaire, et, d'autre part, des documents dont la communication est régie exclusivement par la loi du 6 janvier 1978, en particulier de ceux qui sont adressés par les responsables de traitement dans le cadre des procédures d'autorisation et de déclaration, qui ne sont pas soumis au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
En revanche, la commission relève qu'elle a déduit des dispositions des article 35 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et 90 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés qu’une analyse d’impact relative à la protection des données, portant sur un traitement mis en œuvre par ou pour le compte de l’une des personnes visées à l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, constituait un document administratif au sens de cet article, communicable par cette autorité administrative à toute personne qui en fait la demande sur le fondement du code des relations entre le public et l’administration en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous les réserves prévues par les articles L311-5 et L311-6 du même code (avis 20183041 du 8 novembre 2018).
Au regard de ces principes, la commission estime que, dans la mesure où ils n'auraient pas été adressés à la CNIL dans le cadre de procédures d'autorisation ou de déclaration, les documents sollicités, s'ils existent, sont achevés et ne revêtent pas un caractère préparatoire, sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l'occultation préalable des mentions dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations, conformément au d) du 2° de l'article L311-5 de ce code, ainsi que, en application de l'article L311-6 du même code, des mentions qui comporteraient une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, qui feraient apparaître, de la part d'une personne autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ainsi que de celles dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée ou au secret des affaires.
Par ailleurs, la commission rappelle qu'aux termes de l'article L311-7 du même code, lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions.
La commission émet donc, dans la limite des documents existant et aisément identifiables et sous ces réserves, un avis favorable.
En quatrième et dernier lieu, la commission rappelle qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ». Elle souligne que le caractère abusif doit être apprécié pour chaque demande, compte tenu d’éléments circonstanciés. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives.
Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent.
Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’Etat a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623).
La commission rappelle que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle estime toutefois nécessaire, à l’occasion de cet avis, de préciser sa doctrine, en retenant, que dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public.
En l’espèce, la commission relève que Monsieur X a saisi la CNIL à vingt-neuf reprises depuis le 24 juillet 2020, de demandes très larges portant sur l’ensemble des documents concernant un dispositif ou un traitement mis en œuvre par un, voire plusieurs organismes. La CNIL l’a informée que cette demande, à l’instar des précédentes, fait peser sur ses services une charge de travail considérable, compte tenu du volume de documents à traiter et des efforts nécessaires à l'occultation préalable des mentions dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par les dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission observe, toutefois, que le demandeur, qui a la qualité de journaliste, inscrit sa démarche dans une finalité d’investigation journalistique. Elle relève, en outre, que les documents demandés sont en lien avec les sujets auxquels il s’intéresse et sur lesquels il publie, à savoir les questions de numérique et, plus particulièrement, l’impact des nouvelles technologies sur notre quotidien.
En l’espèce, à la lumière des principes exposés ci-dessus, eu égard, d’une part, à l’intérêt qui s’attache à la communication des documents sollicités pour le demandeur, lequel sert d’ailleurs un objectif d’information du public et, d’autre part, aux moyens matériels et humains dont la CNIL est dotée, il n’est pas apparu à la commission que le traitement de cette demande ferait peser sur l’autorité saisie une charge de travail disproportionnée. La commission estime, par suite, que cette demande ne présente pas un caractère abusif.
Elle souligne enfin, à toutes fins utiles, que si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est en revanche fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services.
La commission émet donc, sous les réserves précitées, un avis favorable à la demande.