Avis 20220816 - Séance du 31/03/2022

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Avis 20220816 - Séance du 31/03/2022

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 décembre 2021, à la suite du refus opposé par le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) à sa demande de communication et publication, dans un format numérique, ouvert et réutilisable, du code source du logiciel Fin’Pol utilisé pour le dépôt des comptes de campagne de façon dématérialisée.

A titre liminaire, la Commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission » et que constituent de tels documents notamment les codes sources.

Elle souligne que dans son avis n° 20144578 du 8 janvier 2015, relatif au code source du logiciel simulant le calcul de l'impôt sur les revenus des personnes physiques développé par la direction générale des impôts, elle a estimé, après avoir rappelé qu’un code source est un programme informatique contenant les instructions devant être exécutées par un micro-processeur, que les fichiers informatiques constituant les modèles sollicités en l’espèce, produits par l’administration dans le cadre de sa mission de service public, revêtaient le caractère de documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle a fait de même dans son avis n° 20161990 du 23 juin 2016 relatif à l’algorithme développé par le ministère de l’éducation nationale connu sous le nom d’admission post bac dit « APB » et dans un avis n° 20180276, estimé que le modèle « Saphir », modèle de simulation qui décrit les revenus des ménages de France métropolitaine et les transferts monétaires induits par les prestations sociales et les prélèvements obligatoires, le modèle « Mésange », modèle macro-économétrique développé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et la direction générale du trésor afin de réaliser des évaluations de l’impact de différentes mesures de politique économique sur l’emploi, le produit intérieur brut ou les prix et le modèle « Opale », modèle utilisé pour prévoir les principales variables macroéconomiques sur une ou deux années, développés par le ministre de l'économie et des finances constituaient des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande et publiables en ligne.

1. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de la CNCCFP a informé la Commission de ce que le code source de l’application Fin'Pol ne pourrait être considéré à ce jour comme un document achevé au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration dans la mesure où la version, livrée le 19 mars 2022, par son prestataire - la société X - serait toujours soumise aux opérations de vérifications définies aux articles 24 et suivants du cahier des clauses administratives générales (CCAG-TIC) et aménagées dans le cahier des clauses administratives particulières de l'accord-cadre.

La Commission rappelle qu’aux termes de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. » Elle précise que cette restriction a pour objet d’éviter l’immixtion du public dans l’élaboration formelle d’un document et à préserver la confidentialité des échanges internes à l’administration.

La Commission relève, en l’espèce, que, conformément au « planning prévisionnel du projet Fin’Pol », une première version du logiciel a été livrée à la CNCCFP par son prestataire, le 19 mars 2022, et que, comme cela est prévu dans ce planning, cette version fait l’objet d’opérations de vérifications de service régulier (VSR) d’une durée de trois mois, à l’issue desquelles la CNCCFP pourra prononcer sa réception. Elle relève également que le code source du logiciel est, par suite, susceptible d’évoluer en fonction des correctifs sollicités au cours des opérations de VSR.

Elle constate ainsi que le code source sollicité est susceptible de revêtir, jusqu’à sa réception, des états successifs et provisoires et ne saurait être regardé comme un document achevé au regard de la destination qui est la sienne. Elle émet donc, en l’état, un avis défavorable à la demande.

2. Le président de la CNCCFP a également informé la Commission de ce que, ne détenant pas les droits d’auteur sur 70 % du code source sollicité, il ne serait, en tout état de cause, pas communicable dans cette mesure au regard du 1° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et les 30 % restants seraient difficilement compréhensibles.

Elle rappelle toutefois, à toutes fins utiles, que l’existence de droits d’auteurs détenus par un tiers à l’administration mise en cause est appréhendée par les seules dispositions de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration selon lesquelles : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. » Dans sa décision du 8 novembre 2017 n° 375704, le Conseil d’État a jugé que cette disposition implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur.

La Commission souligne, à cet égard, dans l’hypothèse où aucune stipulation en ce sens ne figurerait dans le contrat, qu'aux termes de l'article L112-2 du code de la propriété intellectuelle : « Sont considérés notamment comme œuvres de l'esprit au sens du présent code : / (...) / 13° Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ; / (…) » et que le juge judiciaire a étendu ces dispositions aux codes sources. En outre, pour être protégées par des droits de propriété intellectuelle, la jurisprudence exige que les œuvres de l’esprit se caractérisent par une certaine originalité, en ce qu’elles font apparaître l’empreinte, le style ou encore la personnalité de leur auteur, ou encore l’apport ou l’effort intellectuel de ce dernier.

La Commission rappelle également qu'il appartient à l'autorité administrative qui refuse la communication d'un document administratif ou qui effectue des occultations sur le fondement du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration d’être en mesure de justifier que les mentions concernées révèlent, par leur nature et leur degré de précision, des informations économiques et financières relatives à une entreprise, la stratégie commerciale de celle-ci ou le secret de ses procédés et de ses savoir-faire. Dans l’hypothèse où l’administration demande à une entité de lui formuler des propositions d’occultations de mentions relevant du secret des affaires, il lui appartient donc de lui demander de justifier du caractère secret des informations dont elle demande l’occultation au regard tant de ces critères matériels que des critères tenant à leur confidentialité, à leur valeur commerciale, réelle ou potentielle, parce que secrète et aux mesures de protection dont elles font l’objet, afin d’être elle-même en mesure d’apprécier la pertinence des propositions et de fonder son éventuel refus de communication (avis n° 20183968 du 28 février 2019).

La Commission en déduit que, dans un cas comme celui d’espèce, il appartient à l’administration saisie, de déterminer successivement, pour l’application de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration, si le document demandé peut être considéré, en toute ou partie, comme une œuvre de l’esprit protégée par des droits d’auteur et ne peut donc être communiqué qu’après autorisation de son auteur et si, en toute hypothèse et au vu des principes précédemment rappelés, le secret des affaires s’oppose à une telle communication.