Avis 20221110 - Séance du 31/03/2022

Avis 20221110 - Séance du 31/03/2022

Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 février 2022, à la suite du refus opposé par la directrice générale du centre Hospitalier Intercommunal de Créteil à sa demande de communication gratuite de son dossier médical alors que l'établissement lui demande de s'acquitter du paiement d'une somme de dix euros en contrepartie.

La Commission rappelle que l'article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît le droit à toute personne d'accéder aux informations concernant sa santé, détenues par des professionnels ou des établissements de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. En vertu du même article et du dernier alinéa de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ces informations sont communiquées au demandeur, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet.

La Commission, qui a pris connaissance des observations de la directrice générale du centre Hospitalier de Créteil, constate que la demande ne porte pas sur le principe de la communication du dossier sollicité au regard des dispositions législatives précédemment mentionnées mais sur le principe même d’une tarification demandée par l'établissement pour obtenir des copies de ce dossier.

La Commission rappelle que si elle considère qu’une demande tendant à ce qu’elle apprécie in abstracto, c’est-à-dire en dehors d’une demande de communication, les tarifs pratiqués par une autorité administrative en contrepartie de la communication de documents administratifs est irrecevable, elle s’estime en revanche compétente pour se prononcer sur une demande de paiement intervenant à l’occasion d’une demande de communication d’un document et considère que les tarifs pratiqués, lorsqu’ils ne répondent pas à la réglementation applicable, doivent être assimilés à des refus de communication (avis n° 20164876 du 12 janvier 2017).

1. La Commission relève, en l’espèce, que le II de l’article 14 de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a supprimé de l’article L1111-7 du code de la santé publique, la phrase prévoyant la possibilité d’exiger des frais pour la délivrance (reproduction et envoi) de copies, ne laissant que le début de l’alinéa relatif à la gratuité de la consultation sur place.

La Commission constate que, pour autant, le législateur n’a pas expressément institué un régime de gratuité en la matière. Elle constate également qu’aucune intention de la sorte du législateur ou du Gouvernement ne résulte des travaux préparatoires disponibles à ce jour de cette loi, de l’étude d’impact ou encore de l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi.

La Commission en déduit qu’en supprimant cette disposition spéciale, le législateur n’a pas nécessairement écarté l’application des dispositions générales de l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration selon lesquelles l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document.

La Commission ajoute que la circonstance, relevée dans son conseil n° 20184657du 17 mai 2019, qu’il résulte de l’article 12 paragraphe 5 du règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD) que la communication initiale des données à caractère personnel à la personne intéressée ne peut être conditionnée à un paiement, est sans incidence sur l’application de ces dispositions, le droit d’accès aux documents administratifs ne relevant pas de ce règlement et la demande n’ayant, en l’espèce, pas été présentée sur le fondement de ce dernier.

2. A cet égard, la Commission rappelle qu'en vertu de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, « des frais correspondant au coût de reproduction et, le cas échéant, d'envoi de celui-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Pour le calcul de ces frais sont pris en compte, à l'exclusion des charges de personnel résultant du temps consacré à la recherche, à la reproduction et à l'envoi du document, le coût du support fourni au demandeur, le coût d'amortissement et de fonctionnement du matériel utilisé pour la reproduction du document ainsi que le coût d'affranchissement selon les modalités d'envoi postal choisies par le demandeur ». Les frais autres que le coût de l'envoi postal ne peuvent excéder des montants définis par l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001, à savoir 0,18 euro la page en format A4, 1,83 euro pour une disquette et 2,75 euros pour un cédérom. L'intéressé est avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé.

Lorsque l’administration est tenue d’externaliser la prestation en raison de ses propres contraintes techniques, la Commission considère que le barème fixé par l’arrêté ne s’applique pas, cet arrêté ne s’appliquant que pour autant que la reproduction des documents est effectuée par l’administration elle-même. Dans ce cas, l’administration est alors fondée à facturer le prix exact de la reproduction, par le prestataire, des pièces en cause. Un devis, permettant au demandeur de connaître le détail de la prestation, doit cependant lui être préalablement soumis pour qu’il décide d’y donner suite, s’il y a lieu.

Enfin, lorsque les supports ne sont pas prévus par les dispositions de l'arrêté mentionné plus haut et qu’elle assure elle-même la prestation, la Commission considère qu’il appartient à l’administration de fixer elle-même le tarif, dans le respect des dispositions de l’article R311-1 du code des relations entre le public et l’administration rappelées ci-dessus. Elle apprécie alors également si le prix ne paraît pas excessif.

Au total, les dispositions qui viennent d'être rappelées n'interdisent pas en elles-mêmes la mise en place d'une politique tarifaire. Elles n'imposent d’ailleurs pas à l'administration de facturer les frais de reproduction ou d'envoi mais seulement, lorsqu'elle facture ces frais et qu'elle assure elle-même la reproduction, de ne pas excéder les plafonds fixés par l'arrêté du 1er octobre 2001, le cas échéant en y ajoutant le coût d'affranchissement. La Commission en déduit qu'une politique tarifaire forfaitaire de reproduction que mettrait en place une administration ne doit pas excéder, pour chaque dossier, le tarif résultant de cet arrêté pour les supports qu'il prévoit et le prix réel de reproduction dans les conditions qui viennent d'être rappelées pour les autres supports.

Dans ces conditions et dès lors qu’il n’est pas soutenu par Madame X que les tarifs demandés seraient excessifs au regard des exigences sus rappelées, la Commission ne peut qu’émettre un avis défavorable à la demande.