Avis 20221454 - Séance du 23/06/2022

Avis 20221454 - Séance du 23/06/2022

Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS)

Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 février 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général délégué du centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) à sa demande de communication des codes sources permettant le fonctionnement de la plateforme électronique eVote.

La commission relève, en premier lieu, que dans le cadre de l’instruction de cette saisine, elle a sollicité des éléments d’information complémentaires auprès du directeur général délégué du CNOUS, ce dernier s’étant borné, dans ses observations initiales, à maintenir son refus de communiquer en faisant valoir, sans autre précision, que les codes sources sollicités, qui sont la propriété du prestataire privé X, sont couverts par le secret industriel et commercial.
Elle regrette qu’en dépit de deux relances, cette autorité n’ait toutefois pas été en capacité de lui apporter les éléments d’information attendus en temps utiles, soit avant qu’elle ne décide de renvoyer le dossier à la séance du 23 juin 2022, en vue de son examen en partie I. Elle souligne que cette situation est de nature à entraver les conditions dans lesquelles elle est amenée à exercer son office.

En second lieu, la commission relève que par une note complémentaire du 8 juin 2022, les représentants du CNOUS lui ont finalement indiqué que les codes sources de la plateforme électronique eVote, qui sont protégés par le droit d’auteur, ne leur ont jamais été communiqués.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), seuls les documents produits ou reçus par les autorités publiques dans le cadre de leur mission de service public présentent un caractère administratif.

A l’état des informations ainsi portées à sa connaissance, la commission estime que les codes sources sollicités, dès lors qu’ils ne sont pas détenus par le CNOUS, ne revêtent pas un caractère administratif au sens de ces dispositions. Elle rappelle, en outre, que sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui font obligation à une autorité administrative saisie d’une demande de communication de documents qu’elle ne détient pas de transmettre cette demande à l’autorité susceptible de les détenir, ce code ne saurait avoir pour effet d'imposer à une telle autorité de solliciter d'un tiers la remise d'un document qui n’est pas en sa possession afin de satisfaire à une demande de communication.

La commission ne peut, compte tenu de ces éléments, que se déclarer incompétente pour se prononcer sur la présente demande d’avis.

Elle estime toutefois opportun, en l’espèce, de préciser à titre informatif la portée de son avis de partie II, n° 20220816, du 31 mars 2022 relatif à l’articulation entre le secret de la propriété intellectuelle et le secret des affaires, s’agissant d’un code source qui serait détenu par l’administration et qui aurait été acquis auprès d'un tiers ou élaboré par un prestataire.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L311-4 du CRPA : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ». Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil d’État, qu'avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, il appartient à l'administration saisie de recueillir l'accord de leur auteur (CE, 8 novembre 2017, Association spirituelle de l’Église de scientologie, n° 375704).

La commission souligne que pour être protégées par des droits de propriété intellectuelle, la jurisprudence exige que les œuvres de l’esprit se caractérisent par une certaine originalité, en ce qu’elles font apparaître l’empreinte, le style ou encore la personnalité de leur auteur, ou encore l’apport ou l’effort intellectuel de ce dernier. Elle en déduit que si l’autorité saisie l’informe qu’un tiers détenant des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en sa possession n’a pas donné son accord à la communication, il lui incombe de démontrer que le document sollicité constitue effectivement une œuvre de l’esprit, en fournissant des éléments circonstanciés justifiant son apport créatif. La commission estime qu’un simple renvoi aux stipulations contractuelles retenant cette qualification est, à cet égard, insuffisant.

Dans l’hypothèse où l’autorité saisie apporterait cette preuve, l’article L311-4 du CRPA trouverait à s'appliquer. Les droits de propriété intellectuelle feraient alors obstacle à la demande de communication et la commission émettrait, par suite, un avis défavorable sur ce fondement.

Dans l’hypothèse inverse, le secret des affaires prévu au 1° de l'article L311-6 du CRPA, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles, serait un motif permettant à l’autorité saisie de s’opposer à la communication d’un code source ou a minima, de procéder à l’occultation ou à la disjonction des mentions couvertes. La commission relève qu’un code source est protégé, notamment, au titre du secret des procédés et des savoir-faire, en ce que sa communication révélerait un procédé particulier dont la divulgation pourrait porter à l’organisme l’ayant développé un préjudice commercial dans ses activités concurrentielles en révélant à des tiers des développements qui lui sont propres contribuant à la performance de ses systèmes d'information, à la résilience de ses services et à l'architecture logicielle sous-jacente de ses systèmes. Il incombe à l’organisme concerné de faire la preuve de la matérialité du préjudice commercial allégué (avis n° 20193176, du 16 janvier 2020).

Comme indiqué dans l’avis n° 20220816 du 31 mars 2022, un refus de communication ne peut être opposé, sur le fondement du 1° de l’article L311-6 du CRPA, que si l’atteinte au secret des affaires est établie et fait obstacle à la communication du document dans son intégralité. Il appartient à l’autorité saisie de se livrer à cette analyse et de fournir des éléments probants en ce sens, en se rapprochant, le cas échéant, de l’organisme concerné.

Enfin, la commission relève que la diffusion publique des codes sources se rapportant aux dispositifs de vote électroniques utilisés par l’administration lors des processus électoraux est un enjeu majeur de transparence administrative et de confiance des citoyens dans les procédures électorales. Elle constate que dans l’hypothèse la plus fréquemment rencontrée où, comme en l’espèce, l’administration recourt à des prestataires de service spécialisés ne lui communiquant pas les codes sources des logiciels assurant la mise en œuvre du vote, le régime juridique de ces documents empêche leur communication. La garantie de la sécurité et de la rectitude des opérations est alors le fait d’un tiers de confiance. Ainsi qu’elle en a fait part au commissaire du Gouvernement présent lors de sa séance, la commission estime, par suite, qu’une réflexion pourrait être menée par le Gouvernement en la matière en vue de ménager un équilibre plus juste entre la transparence administrative garantissant la confiance des citoyens, d’une part, les droits et libertés d’autrui, qui incluent le secret des affaires et la propriété intellectuelle, d’autre part.