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Avis 20223664 - Séance du 07/07/2022
Monsieur X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 juin 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de l'URSSAF d’Aquitaine à sa demande de communication, par voie informatique, au format Excel ou csv, des documents et informations suivants, relatifs aux établissements basés dans la région, ayant pour codes NAF (APE) 9499Z (autres organisations fonctionnant par adhésion volontaire), NAF (APE) 9609Z (autres services personnels), NAF (APE) 0143Z (élevage de chevaux et d'autres équidés), NAF (APE) 0149Z (élevage d'autres animaux) : le SIRET, le nom, l'adresse postale, le code postal, la ville, le téléphone, l'email et le nombre de salariés pour chaque personne morale.
La Commission relève, à titre liminaire, que la présente demande s’inscrit dans le cadre d’une série de demandes portant sur des documents de même nature et ayant le même objet, adressées par le même demandeur à seize URSSAF. En application de l’article 8 quater C de son règlement intérieur, cette demande a été choisie par la Commission pour être examinée lors de sa séance du 7 juillet 2022 en partie II, afin de dégager les principes de communication communs aux documents demandés et de procéder à une appréciation des données de fait susceptibles de varier d’un dossier à l’autre. La solution adoptée dans cet avis sera ensuite reprise dans les autres dossiers de la série donnant lieu à un avis de partie III inscrit à la même séance.
En réponse à la demande d’observations qui leur a été adressée, plusieurs URSSAF ont fait valoir que la demande de Monsieur X porterait sur des informations non contenues dans un document préexistant ou susceptibles d’être obtenues par un traitement automatisé d’usage courant et que, en outre, leur système d’informations ne permettrait pas la réalisation d’une extraction des informations demandées de manière anonymisée ou avec les mentions portant atteinte à la vie privée dûment occultées.
Elles ont également indiqué que les éléments demandés par Monsieur X seraient couverts par le secret professionnel auquel sont soumis les organismes de sécurité sociale en application des dispositions des articles 9 du code civil et 226-13 du code pénal.
En premier lieu, la Commission rappelle qu’une demande de communication de documents administratifs qui lui est adressée est déclarée sans objet lorsque l'autorité saisie communique spontanément le document demandé postérieurement à l’enregistrement de la demande ou lorsqu'il résulte des indications fournies par cette autorité que le document demandé n'a jamais existé, a été détruit ou a été égaré.
Elle précise également, à toutes fins utiles, que le refus de communication n’est pas établi et la demande d’avis est déclarée irrecevable, lorsque l’administration saisie d’une demande de communication, communique spontanément dans les délais qui lui sont impartis le document demandé au demandeur.
En second lieu, la Commission relève que l’URSSAF étant un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public dévolue par l'article L213-1 du code de la sécurité sociale, les décisions qu'elle prend et les pièces qu'elle produit dans ce cadre sont des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration et l'administration, soumis au droit d'accès prévu par le livre III de ce code.
En troisième lieu, la Commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection, n° 152393)
En revanche, la Commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective.
La Commission précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant (avis n° 20222817, 20222850 et 20222936 du 23 juin 2022). Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable.
En quatrième lieu, la Commission rappelle qu’en application de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte aux secrets énumérés aux a) à g) du 2° de cet article, non plus que, aux termes de son h), aux autres secrets protégés par la loi. En outre, l’article L311-6 du même code mentionne les documents administratifs qui ne sont communicables qu’à l’intéressé, en particulier ceux dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ou au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles. Elle souligne toutefois que ce n’est que dans l’hypothèse où l'importance des occultations à pratiquer pour protéger ces secrets dénaturerait le sens d'un document ou priverait sa communication de tout intérêt que cette communication peut être refusée par l'autorité administrative auprès de laquelle le document a été sollicité en vertu de l'article L311-7 du même code.
La Commission constate qu’aucune disposition législative particulière n’institue un secret professionnel spécifique aux missions des URSSAF ou aux informations et documents qu’elles détiennent, qui devrait être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, justifiant un refus de communication.
Elle relève que certaines URSSAF invoquent pour justifier un refus de communication les dispositions de l’article 226-13 du code pénal, aux termes duquel: « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
La Commission estime que ces dispositions ne peuvent être regardées comme faisant par principe obstacle à la communication des documents demandés, sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions couvertes par l’un des secrets mentionnés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
La Commission rappelle, à ce titre, que le risque d’atteinte à la vie privée que comporte la communication d’un document administratif s’apprécie au regard du seul contenu de ce document. Eu égard aux principes régissant l’accès aux documents administratifs, qui n’est pas subordonné à un intérêt établi, les motifs pour lesquels une personne demande la communication d’un document administratif sont sans incidence sur sa communicabilité (CE, 8 novembre 2017, Association spirituelle de l’Église de Scientologie Celebrity Centre, n° 375704).
Dans ce cadre, la Commission estime qu’il y a lieu pour l’administration d’occulter l’adresse du siège de l'association, de l'établissement ou de l’élevage lorsque celle-ci correspond au domicile personnel d'un membre de l'association, de l'entrepreneur ou de l’éleveur, la mention du nom de la commune pouvant dans ce cas répondre au mieux à la demande.
Elle considère en revanche que, ni le nom de l'association, de l'établissement ou de l’éleveur, qu’il soit une personne physique ou morale, ni leur adresse postale, leur adresse électronique ou leur numéro de téléphone, lorsqu'ils sont distincts des coordonnées personnelles des membres de l’association, de l’entrepreneur ou de l’éleveur, ne sont couverts par le secret de la vie privée.
Enfin, la Commission estime que le nombre de salariés des personnes morales de droit privé visées par la demande, qui est une information de nature à révéler leur niveau d’activité, constitue une mention protégée par le secret des informations économiques et financières, couverte par le secret des affaires en application de l’article L311-6 précité.
En application des principes ainsi rappelés, la Commission estime que les informations sollicitées par Monsieur X sont communicables à toute personne qui en fait la demande sous réserve qu’elles existent ou soient susceptibles d’être obtenues par un traitement automatisé d’usage courant dans les conditions sus-exposées, et sous les réserves tenant au secret des affaires et au secret de la vie privée.
Par suite, elle émet un avis favorable à la demande, dans cette mesure.