Avis 20224385 - Séance du 13/10/2022

Avis 20224385 - Séance du 13/10/2022

Groupement d'intérêt public France 2023

Madame X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général du Groupement d'intérêt public France 2023 à sa demande de communication des documents suivants relatifs aux liens établis entre le groupement d’intérêt public France 2023 et l’entreprise X, dans le cadre de l'organisation de la coupe du monde de rugby 2023 :
1) les contrats de partenariats de sponsoring ou de financement conclus entre le GIP France 2023 et X (ou toute autre entité du groupe X, dont la fondation d’entreprise X), ainsi que toute autre pièce liée à l’exécution du ou des contrats ou partenariats, notamment :
2) le montant des financements et les modalités de versement ;
3) les autres modes de partenariats établis, notamment ceux relatifs à « la mise en place d’un plan de mobilité décarboné et la fourniture d’énergie verte », le rôle de « conseil » joué par X dans l’accompagnement de la minimisation de l'impact carbone, son rôle quant au « recyclage du plastique », au « déploiement d’un plan de mobilité bas carbone » et au développement d’une application ad hoc prévue à cet effet ;
4) la durée de la convention ;
5) les contreparties prévues pour X.

I. Sur les points 2) à 5) de la demande :

La Commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées.

Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur les points 2) à 5) de la demande, qui portent en réalité sur des renseignements.

II. Sur le point 1) de la demande :

II.1 La Commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, (…) les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (…) »

La Commission relève que le groupement d’intérêt public (GIP) France 2023 est un groupement régi par les dispositions du chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ainsi que du décret n° 2012-91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d’intérêts publics. Il est, aux termes de sa convention constitutive approuvée par arrêté du ministre de l'action et des comptes publics et de la ministre des sports du 26 avril 2018, chargé d’une mission de service public industriel et commercial pour organiser et promouvoir la coupe du monde de rugby 2023. En ce sens, l’article 1.2 de cette convention dispose que le groupement a pour objet d’organiser la coupe du monde dans tous ses aspects et en exclusivité (point 1.2.1) et énumère les missions dont le groupement est notamment chargé en vue de la réalisation de son objet (point 1.2.2), au nombre desquelles figurent la préparation, le financement et l’organisation de la coupe du monde « sur les plans sportif, technique, juridique et financier ».

La Commission, qui relève qu’une telle présentation est similaire à celle des attributions du Comité d'organisation des jeux olympiques « Paris 2024 », estime, comme elle a pu le faire s’agissant de ce dernier (conseil n° 20191480 du 5 septembre 2019), que le GIP France 2023 est ainsi chargé d’une mission de service public globale, définie à l’article 1.2, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les différentes missions qui y sont précisément listées dès lors qu'elles participent toutes à l'organisation et à la promotion de la coupe du monde de rugby 2023.

La Commission, qui a pris connaissance des observations du groupement et du document demandé, relève que ce dernier consiste en une convention de sponsoring conclue entre le GIP France 2023 et l’entreprise X. Elle constate que, si ce contrat revêt une nature commerciale pour l’entreprise en ce qu’il lui permet, en contrepartie de son soutien financier et/ou matériel d’obtenir différentes formes de visibilité (exposition dans les stades, visibilité sur les médias …) ainsi que divers avantages (invitations, billetterie, hospitalité …), il a également directement trait au financement et à la mise en œuvre des missions de service public menées par le groupement, telles que décrites à l’article 1.2 de sa convention constitutive. Elle en déduit que le document demandé est un document administratif au sens et pour l’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration (comp. avis n° 20216119 du 16 décembre 2021 ; CE 22 juillet 1994, Office municipal d’aménagement et de gestion d’Allauch, n° 122709).

La Commission relève d’ailleurs qu’il n’est fait état d’aucune « ventilation » des ressources du groupement telles que mentionnées au point 4.3 de sa convention constitutive de sorte qu’aucune affectation entre une ressource et une activité déterminée ne saurait en tout état de cause être opérée (comp. avis n° 20141170 du 19 juin 2014).

II.2 La Commission rappelle, ensuite, qu’aux termes de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, « Ne sont pas communicables : / (…) / 2° Les (…) documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (…) / d) (…), à la sécurité publique, à la sécurité des personnes (…) ».

En réponse à la demande qui lui a été adressée, le GIP France 2023 a informé la Commission de ce que la divulgation des éléments de la convention relatifs à l’exposition dont bénéficiera X (modes et temps d’exposition), aux hospitalités accordées (places en tribunes) et aux modalités d’utilisation de la Coupe Webb Ellis (le trophée), serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique et à celle des personnes, dès lors qu’ils pourraient permettre à X de perturber le bon déroulement de la compétition. Il se prévaut, en ce sens, d’un incident ayant affecté un match entre la France et l’Allemagne lors de l’Euro 2021 de football.

La Commission relève qu’un risque d’atteinte à la sécurité publique ou des personnes peut provenir de circonstances étrangères au document lui-même, comme le comportement agressif du demandeur (CE 12 juill. 1995, X, n° 147200 ; CE 23 déc. 1994, X, n° 123253 ; CE 29 mars 1993, Min. de l'Intérieur c/ X, n° 105129) ou encore l’utilisation malveillante qui pourrait en être faite (avis n° 20072710 du 26 juill. 2007). Elle précise toutefois que les conséquences susceptibles de s'attacher à la divulgation d’un document doivent être suffisamment manifestes ou clairement établies pour qu’elles y fassent obstacle (comp. CE 22 févr. 2013, Féd. chrétienne des témoins de Jéhovah de France, n°s 337987 et 337988, Lebon T.).

La Commission estime qu’en l’espèce, le seul précédent d’un incident isolé ne permet pas d’en déduire que la divulgation de la convention sollicitée présenterait nécessairement un tel risque. Elle en déduit que le d) de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration ne fait pas obstacle à la communication, en tout ou partie, du document demandé.

II.3 La Commission rappelle, enfin, que l’article L311-6 s’oppose à ce que soient divulgués à des tiers les documents dont la « communication porterait atteinte (…) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L300-2 est soumise à la concurrence ».

La Commission relève, comme précédemment, que le sponsoring constitue, pour le sponsor, un élément de communication, participant de sa stratégie de notoriété, qu’il acquiert en contrepartie de la fourniture d’un soutien matériel et/ou financier. Il traduit donc l’achat d’un élément d’actif (patrimoine) et se distingue en ce sens, des conventions de mécénat qui, régies par une « intention libérale », ne revêtent pas le caractère d’une opération commerciale et ne peuvent être regardées comme participant d’une telle stratégie.

La Commission en déduit en l’espèce, au regard du caractère hautement concurrentiel du secteur, que la communication d’informations précises relatives aux prestations acquises par X et au prix versé en contrepartie, avant même la tenue des manifestations, est de nature à porter atteinte au secret des stratégies commerciales ou industrielles tel que défini à l’article L311-6 (comp. CE 8 avril 2022, Société Editrice du Monde et a., n° 447701).

La Commission relève, toutefois, des premières observations du GIP France 2023 que « l’essentiel des éléments de la convention de partenariat (montant financier, contreparties) a été diffusé publiquement dans de nombreux articles de presse publiés à cette occasion ».

La Commission rappelle que, selon l’article L151-1 du code de commerce, est protégée par le secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : « (…) / 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; / 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; / 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. ».

Elle rappelle également qu’eu égard aux travaux préparatoires de l'article 4 de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, il convient de se reporter à ces dispositions pour apprécier ce secret (avis n° 20183478 du 21 mars 2019).

La Commission relève que les articles L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et L151-1 du code de commerce font état de critères de nature différente et reposent sur une économie différente. Elle estime, par suite, clarifiant sa doctrine antérieure, qu’ils ne sauraient faire l’objet d’une lecture « combinée » mais cumulative. Ainsi, une information ne relève du secret des affaires qu’à la condition de répondre à la définition prévue à l’article L311-6 et de satisfaire les conditions posées à l’article L151-1.

La Commission souligne néanmoins les difficultés voire l’impossibilité, pour les administrations, de porter une appréciation circonstanciée sur les documents qu’elles détiennent au regard des exigences de l’article L151-1 du code de commerce, compte tenu de la nature de celles-ci et de la connaissance des entreprises et des secteurs qu’elles supposent.

La Commission en déduit, infléchissant sa doctrine antérieure (cf. conseil n° 20190911 du 5 septembre 2019, point II), que lorsque les informations contenues dans un document administratif relèvent du secret des procédés, des informations économiques et financières ou des stratégies commerciales ou industrielles, il y a lieu de présumer que les exigences prévues par le code de commerce sont satisfaites et que le document relève du secret des affaires. Il appartiendra, le cas échéant, au demandeur ou à l’administration de constater que ces exigences ne sont pas remplies pour contester ou remettre en cause une telle présomption. La Commission relève d’ailleurs qu’elle procède, en pratique, d’ores et déjà ainsi.

En réponse à la demande de complément d’information qui lui a été adressée, le GIP France 2023 a précisé que les éléments financiers de la convention n’ont pas été diffusés dans la presse, seuls l’ayant été des informations portant essentiellement sur l’existence même du partenariat et l’objectif commun de « placer le développement durable au cœur de [la] stratégie, [des] projets et [des] opérations ».

La Commission constate qu’il ne ressort pas des éléments portés à sa connaissance que les exigences de l’article L151-1 du code de commerce ne seraient pas remplies en l’espèce.

Dans ces conditions, dès lors que les mentions couvertes par le secret des affaires, tenant notamment aux prestations acquises par X et au prix versé en contrepartie, ne peuvent être communiquées qu'aux personnes intéressées et que leur occultation en application des dispositions des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration priverait de tout intérêt la communication de la convention, la Commission émet un avis défavorable à sa communication à Madame X.