Avis 20224442 - Séance du 22/09/2022

Avis 20224442 - Séance du 22/09/2022

Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le président de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées à sa demande de communication des documents et éléments suivants :
1) la version haute qualité du scan 3D de la sculpture « Panthère marchant » de Rembrandt BUGATTI et ses fichiers d'image de données colorimétriques associés ;
2) les deux versions de basse qualité des scans 3D de la même œuvre et leurs fichiers d’image de données colorimétriques associés ;
3) les conditions de licence et les redevances pour leur réutilisation.

S’agissant des points 1) et 2) :

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ». La reconnaissance du caractère administratif d’un document produit ou reçu par une personne morale de droit public autre que l’État ou les collectivités territoriales exerçant une mission de service public mais exerçant également des activités concurrentielles dépend de la caractérisation d’un lien suffisamment direct de ce document avec la mission de service public dévolue à cette personne (CE, 21 avril 2017, RATP, n° 395952, aux Tables ; avis de partie II, n° 20184334, du 18 avril 2019).

En l’espèce, la commission relève qu’aux termes du décret n° 2011-52 du 13 janvier 2011, la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées est un établissement public industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Aux termes du I de l’article 2 de ce décret, cet établissement a pour mission, dans le cadre de son projet culturel, notamment : « (…) 2° D'éditer et de diffuser, par tous moyens et sur tous supports, des ouvrages et des produits dérivés liés, notamment, aux collections nationales et d'en assurer la diffusion commerciale ; (…) 9° D'exercer, selon toute modalité appropriée, les activités commerciales utiles à l'exécution de ses missions ».

A la lumière de ces dispositions, la commission estime que la numérisation tridimensionnelle à des fins d’exploitation commerciale d’œuvres dont la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées assure la conservation est en lien direct avec les missions de service public dévolues à cet établissement. Les documents produits dans le cadre de cette activité présentent donc un caractère administratif et sont en principe librement communicables à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement de l’article L311-1 du code précité.

En l’espèce, l’autorité saisie a maintenu son refus en faisant valoir que la communication des numérisations tridimensionnelles de la « Panthère marchant » de Rembrandt BUGATTI à des tiers aura pour effet de révéler les procédés techniques et le savoir-faire particuliers développés par la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées, ce qui serait susceptible de créer une concurrence déloyale et de causer un préjudice commercial important à l’établissement.

La commission rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article L311-6 du code précité que le secret des affaires comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles. Il s’apprécie en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public est soumise à la concurrence, et eu égard à la définition donnée à l’article L151-1 du code de commerce. Aux termes de cet article est protégée par le secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : « (…) 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ». La commission estime que dans l’hypothèse où les documents se rattachent à une activité à caractère commercial s’inscrivant dans un cadre concurrentiel et en lien suffisamment direct avec la mission de service public de l’organisme concerné, le secret des affaires peut être utilement invoqué, notamment en ce qui concerne le secret des procédés, qui protège les informations susceptibles de dévoiler le savoir-faire, les techniques de fabrication ou les travaux de recherche de l’organisme concerné.

En l’espèce, la commission relève que les numérisations tridimensionnelles sollicitées et leurs fichiers associés ont été produits par la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées dans le cadre d’une activité à caractère commercial. Compte tenu de l’environnement concurrentiel caractéristique du secteur d’activité concerné, elle considère que la communication à des tiers de ces documents, dans l’hypothèse où ils révèleraient en eux-mêmes, en raison notamment du format retenu, la mise en œuvre de procédés techniques et de savoir-faire particuliers spécifiques à la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées, porterait atteinte au secret des affaires. Elle émet donc un avis favorable à la demande, sous cette réserve.

S’agissant du point 3) :

En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées a précisé que les documents mentionnés au point 3) n’existent pas. La commission en prend acte et déclare la demande d’avis sans objet dans cette mesure.