Avis 20225103 - Séance du 13/10/2022

Avis 20225103 - Séance du 13/10/2022

Présidence de la République

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 août 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de cabinet du Président de la République à sa demande de communication des documents suivants :
1) les courriels des conseillers, préparatoires à la rencontre entre Madame Brigitte MACRON et Monsieur X, X de X en janvier 2022, ainsi que les notes prises par ces conseillers et les documents reçus ou échangés lors de ce rendez-vous ;
2) les SMS échangés entre Monsieur Emmanuel MACRON et Monsieur X, patron de X et d'X.

1. La commission, qui a pris connaissance des observations de la secrétaire générale du Gouvernement sur ce point, rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. / (…) ».

Comme elle l'a indiqué dans son avis n° 20184184 du 6 décembre 2018, la commission considère que les courriers électroniques détenus ou reçus par les agents publics dans le cadre de leurs missions sur leurs terminaux professionnels, ce qui exclut les messages identifiés comme étant personnels, s’ils sont en possession de l’administration et sont susceptibles de faire l’objet d’une extraction par un traitement automatisé d'usage courant, sont des documents administratifs au sens des dispositions précitées, communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du même code, dans le respect des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6, et par suite, le cas échéant, après occultation de ces derniers ou disjonction des documents qui en relèveraient entièrement en application des dispositions de l’article L311-7.

La commission relève néanmoins que le droit d’accès aux documents administratifs est garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » (Cons. const., déc. n° 2020-834 QPC du 3 avril 2020). Elle estime que ce droit, tel qu’il figure au livre III du code des relations entre le public et l’administration, doit être appréhendé compte tenu notamment de cette finalité.

La commission relève, à cet égard, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 67 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 : « Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. »

La commission en déduit que des correspondances émanant directement du Président de la République, agissant en cette qualité, ne peuvent être qualifiées de documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle estime qu’il en va nécessairement de même des courriers, courriels et autres documents adressés personnellement au Président de la République et à l’origine de ces correspondances, ainsi que des réponses à celles-ci.

La commission entend, en effet et ce faisant, poursuivre sa doctrine issue de son avis de principe n° 20090869 du 5 novembre 2009 par lequel elle a estimé que le Président de la République ne saurait être regardé comme l'une des autorités mentionnées à l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, alors applicable, tenues, en application de l'article 2 de cette même loi, de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent à toute personne qui en fait la demande.

Elle ne peut, en conséquence, que déclarer irrecevable le point 2) de la demande.

2. S’agissant du point 1) de la demande, la commission rappelle qu’à la différence des documents susmentionnés propres au Président de la République lui-même, agissant en cette qualité, ceux que détient la Présidence de la République dans le cadre des missions qui lui sont dévolues constituent des documents administratifs entrant dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration (v. s'agissant des documents comptables relatifs à des dépenses engagées par la Présidence de la République : CE, 27 novembre 2000, Association Comité Tous Frères, aux tables du Rec. Lebon).

La commission estime que les échanges intervenus entre des collaborateurs de la Présidence de la République et des représentants d’une entreprise dans le cadre de la préparation d’une entrevue, ainsi que les notes prises par ces collaborateurs et les documents échangés à cette occasion, constituent des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle relève qu’est sans incidence, à cet égard, la circonstance que l’entrevue ait été organisée, non pas à l’intention du Chef de l’État ou d’un autre agent public, mais pour son épouse, agissant dans le cadre de la Charte de transparence relative au statut de conjoint du Chef de l’État, et qu’elle ait été présidée par celle-ci. Elle précise, en revanche, que les documents produits et reçus par le conjoint du Chef de l’État lui-même, dans ce cadre, ne sont pas des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, soumis au droit d’accès prévu par l’article L300-1, mais des documents privés.

En l’absence d’observations, sur ce point, du directeur de cabinet du Président de la République à la date de sa séance, la commission estime que les documents visés au point 1) de la demande sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve de l’occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par le secret en application de l’article L311-6 du même code, notamment le secret des affaires.

Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable à ce point de la demande.