Avis 20225470 - Séance du 15/12/2022

Avis 20225470 - Séance du 15/12/2022

Sociéte publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) Noisy-Est

Monsieur X, en sa qualité de conseiller municipal, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général de la société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) Noisy-Est à sa demande de communication, par courrier postal ou courrier électronique, d'une copie des documents suivants :
1) les statuts ;
2) la composition du conseil d'administration ;
3) les ordres du jour du conseil d'administration ;
4) le bilan du dernier exercice budgétaire.

1. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général de la SPLA-IN Noisy-Est a informé la commission de ce que les statuts visés au point 1) de la demande, ont été transmis à Monsieur X par courriel du 29 septembre 2022 dont il joint une copie, et de ce que la composition du conseil d’administration visée au point 2) de la demande figure à l’article 7 de ces mêmes statuts.
La commission, qui comprend que les deux points de la demande ont en réalité le même objet, constate néanmoins que le document produit ne comporte pas l’intégralité des pages des statuts, de sorte que la demande doit être regardée comme conservant son objet sur ces points.

Le directeur général de la SPLA-IN Noisy-Est indique également, s’agissant du point 3) de la demande, qu’il serait trop imprécis pour qu’il y soit fait droit, faute pour la demande de préciser à quel conseil d’administration il est fait référence.
La commission comprend toutefois que, la SPLA-IN Noisy-Est ayant été créée en 2017, le point 3) de la demande vise l’ensemble des ordres du jour des conseils d’administration intervenus depuis sa création, de sorte que la demande ne peut être regardée comme irrecevable, pour ce motif, sur ce point.

2. La commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, (…) les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (…) »

La commission relève que le Conseil d’État, dans sa décision n° 264541 du 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission.

La commission relève que, prévues par les dispositions des articles L327-1 et 3 du code de l’urbanisme, les SPLA-IN sont des sociétés, revêtant la forme de sociétés anonymes régies par le livre II du code de commerce, créées par l’État ou certains de ses établissements publics avec au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dont ils détiennent la totalité du capital. Elles sont compétentes pour « organiser, réaliser ou contrôler : / 1° Toute action ou opération d'aménagement, au sens du [code de l’urbanisme], relevant de la compétence de l’État ou de l'un de ses établissements publics (…) ou de la compétence d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales actionnaire ; / 2° Toute action ou opération de construction ou de réhabilitation d'équipements d'intérêt collectif et de services publics relevant de la compétence d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales actionnaire. », ainsi que les opérations listées au dernier alinéa de l’article L327-1.

La commission, qui comprend qu’une SPLA-IN est nécessairement créée à l’initiative de personnes publiques, comprend un actionnariat intégralement composé de personnes publiques et n’exerce d’opérations que procédant de la compétence d’une personne publique, en déduit qu’une telle société doit être regardée comme étant, en principe et pour l’ensemble de ses activités, chargée d’une mission de service public au sens de la jurisprudence précitée. Elle constate que tel est effectivement le cas en l’espèce, la SPLA-IN Noisy-Est ayant été créée à l’initiative d’EPA MARNE et de la ville de Noisy-le-Grand, son capital étant désormais détenu par EPA MARNE (34%), la métropole du Grand Paris (35%) et l’Établissement Public Territorial (EPT) Grand Paris Grand Est en raison du transfert de la compétence « aménagement » aux EPT intervenu le 1er janvier 2018 (31%), et un traité de concession d’aménagement ayant d’ailleurs été signé avec la ville de Noisy-le-Grand le 29 décembre 2017.

La commission estime, par suite, que les documents élaborés ou détenus par la SPLA-IN Noisy-Est qui ont un lien suffisamment direct avec la mission de service public dont elle a la charge sont des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration soumis au droit d’accès ouvert par le livre III du même code (CE 24 avril 2013, Mme L., n° 338649). Ainsi, si les budgets et comptes sont regardés comme ayant, par principe, un lien direct avec la mission de service public (CE 20 juillet 1990, Ville de Melun et Association Melun culture loisirs c/X, n° 69867-72160, au rec. ; CE 25 juillet 2008, Commissariat à l'énergie atomique, n° 280163, aux T.), il n'en est pas de même des documents, décisions ou délibérations, relatifs au fonctionnement interne de la société (CE 24 avril 2013, Mme L., n° 338649 ; Conseil n° 20191480 du 5 septembre 2019).

Elle précise, à cet égard, que la circonstance qu’une SPLA-IN soit créée à l’initiative de personnes publiques qui en contrôlent l’organisation et le fonctionnement et qui lui procurent l’essentiel de ses ressources, c’est-à-dire qu’elle puisse revêtir un caractère « transparent » (CE 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt, n° 281796, ccl. X, p. 130 ; TC 6 juillet 2020, Société X c/ Établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris, n° 4191, aux T.) est sans incidence sur ce dernier point, dès lors qu’est en l’espèce en cause un régime légal.

La commission en déduit que les statuts de la SPLA-IN visés aux points 1) et 2) de la demande, qui définissent l’étendue de la mission de service public confiée à la société, de même que le bilan visé au point 4), dans la mesure où, en tant qu’élément des comptes de la société, il retrace les conditions dans lesquelles la société exerce sa mission de service public, constituent des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration.

Elle estime, en revanche, que tel n’est pas le cas de l’ensemble des ordres du jour du conseil d’administration, visés au point 3) de la demande, ceux-ci pouvant le cas échéant revêtir un caractère privé s’ils ne se rattachent pas de manière suffisamment directe aux missions de service public dont la société est investie. Elle précise, par exemple, que l’ordre du jour du dernier conseil d’administration en tant qu’il porte sur un contrat d’acquisition d’un bien auprès d’une personne privée constitue un document administratif, mais que les ordres du jour relatifs à des événements relevant de l’organisation interne de la SPLA-IN revêtent, pour leur part, un caractère privé.

La commission ne peut, par suite, que se déclarer incompétente pour se prononcer sur les ordres du jour visés au point 3) revêtant un caractère privé.

3. La commission rappelle, ensuite, que l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration s’oppose à ce que soient divulgués à des tiers les documents dont la « communication porterait atteinte (…) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L300-2 est soumise à la concurrence ».

La commission relève que les SPLA-IN sont des sociétés dont le capital est détenu en totalité par des personnes publiques et qui ne peuvent exercer d’activité autre que celles qui lui sont confiées par ses actionnaires. Elle souligne que le législateur a ainsi entendu confier à une entité privée entièrement contrôlée par des collectivités publiques le soin de mener des actions ou opérations d’aménagement qui pourraient être accomplies par la collectivité.

Elle relève également que les personnes publiques actionnaires peuvent recourir de gré à gré à ces sociétés dès lors que les conditions prévues à l’article L300-5-2 du code de l’urbanisme sont remplies (CE, 4 mars 2021, Soc. X, n° 437232). Elle note que ces conditions sont similaires à celles dégagées par la jurisprudence de la Cour de justice pour caractériser une situation de « in house » ou « quasi-régie » (CJCE, 11 janvier 2005, X, aff. C-26/03), à savoir que le concédant doit exercer sur l’aménageur « un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services » et que ce dernier doit réaliser « l'essentiel de ses activités avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent ».

Elle en déduit que, sauf configuration particulière dans laquelle ces conditions ne seraient pas remplies (comp. CE, 6 novembre 2013, Cne de Marsannay-la-Côte et SPLA de l’agglomération dijonnaise, n°s 365079, 365082, 366544) - ce qui n’est pas le cas en l’espèce -, une SPLA-IN est en situation de quasi-régie, n’a pas de « vocation de marché », et ne peut utilement se prévaloir du secret des informations économiques et financières, ni de celui des stratégies commerciales et industrielles.

La commission rappelle également que l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration s’oppose à ce que soient divulgués à des tiers les documents dont la « communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, (…) ».

Elle relève que le Conseil d’État, dans une décision du 7 octobre 2022, Association Anticor (n° 443826), a jugé que ces dispositions doivent être entendues, s’agissant de leur application aux personnes morales de droit privé, comme excluant en principe, sous réserve qu’elle ne soit pas imposée ou impliquée par d’autres dispositions, la communication à des tiers, par l’autorité administrative qui les détient, des documents relatifs notamment à leur fonctionnement interne et à leur situation financière.

La commission estime qu’il en va toutefois différemment en l’espèce dès lors que les documents administratifs demandés, qui retracent la mission de service public exercée par la SPLA-IN et qui, eu égard à la composition de son capital, ne font que refléter les conditions d’engagement et de participation des collectivités publiques actionnaires, ne relèvent pas, à la différence d’actes de même nature de sociétés dont le capital serait détenu en tout ou partie par des personnes privées, du secret de la vie privée.

Elle estime, en définitive, que les documents administratifs demandés sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sans qu’il y ait lieu de procéder, au préalable, à des occultations.

Elle émet donc, dans cette mesure, un avis favorable à la demande.