Avis 20226084 - Séance du 03/11/2022

Avis 20226084 - Séance du 03/11/2022

Syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (SYVADE)

Monsieur X, X, a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 septembre 2021, à la suite du refus opposé par le président du syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (SYVADE) à sa demande de communication, par courriel, de la copie des documents suivants :
1) l'arrêté de nomination ou le contrat d'embauche de X, X ;
2) la fiche de paie à l'embauche et la dernière fiche de paie de X ;
3) le statut du SYVADE ;
4) le statut de la société d'économie mixte (SEM) dont le SYVADE est actionnaire ;
5) le bail de location entre le SYVADE et la SEM qui occuperait le siège du SYVADE ;
6) le bail de location entre le SYVADE et le centre de gestion de la Guadeloupe (CDG 971) ou tout autre élément juridique relatif au local occupé par le CDG 971 à Ernestine Webb ;
7) le rapport de la cour régionale des comptes (CRC) sur le SYVADE.

1. Sur la communication des rapports des chambres régionales des comptes

La commission relève que l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières, prévoit que « les documents des chambres régionales des comptes mentionnés aux articles L241-1 et L241-4 » du code des juridictions financières ne sont pas communicables. La commission relève que l’article L241-1 mentionne, dans son premier alinéa, les « rapports d'instruction et observations de la chambre régionale des comptes ».
Revenant sur sa doctrine antérieure opérant une distinction entre les rapports d’observations provisoires, non communicables, et les rapports d’observations définitives, librement communicables à toute personne qui en fait la demande (conseil n° 20010507 du 8 février 2001, conseil n° 20050551 du 3 février 2005 et avis n° 20111409 du 31 mars 2011), la commission déduit de ces dispositions combinées que tous les rapports d’observations des chambres régionales échappent au droit d’accès en application de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Elle émet, dès lors, un avis défavorable à la demande sur ce point.

La commission relève, à toutes fins utiles, qu’en vertu de l’article L243-6 du code des juridictions financières, le rapport d’observations définitives est communiqué par l'exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public à son assemblée délibérante. Elle rappelle, en outre, qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. Des dispositions identiques figurent aux articles L3121-17 pour les départements, L4132-16 pour les régions, L5211-46, L5421-5, L5621-9 pour les établissements publics de coopération intercommunale, interdépartementale et interrégionale et L5721-6 pour les syndicats mixtes ouverts. S’il est annexé à une délibération ou au procès-verbal de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement, le rapport d’observations définitives est ainsi susceptible d’être communiqué à toute personne qui en fait la demande en application de ces dispositions particulières.

Elle observe, par ailleurs, que l'article III-85 du recueil des normes professionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, qui s'impose aux magistrats et aux personnels des chambres régionales des comptes en vertu de l'article L220-5 du code des juridictions financières, prévoit la publication des observations définitives des chambres régionales et territoriales des comptes.

2. Sur la communication des autres documents :

En l’absence de réponse du président du SYVADE à la date de sa séance, la commission rappelle en premier lieu, s’agissant de l’arrêté de nomination mentionné au point 1), que les actes de nomination des agents des syndicats mixtes ouverts sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L5721-6 du code général des collectivités territoriales. Elle précise, toutefois, que si ces dispositions ont institué un régime spécifique d'accès aux documents des syndicats mixtes ouverts, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tel que, notamment, le secret de la vie privée (CE, 17 mars 2022, n° 449620). En outre, et ainsi que le Conseil d’État l'a jugé dans sa décision Commune de Sète du 10 mars 2010, n° 303814, les dispositions du code général des collectivités territoriales, dont la portée n'est pas limitée aux arrêtés réglementaires, ne sauraient être interprétées, eu égard à leur objectif d'information du public sur la gestion municipale, comme prescrivant la communication des arrêtés portant des appréciations d'ordre individuel sur les fonctionnaires territoriaux. La commission émet donc un avis favorable à la demande, sous ces réserves.

En deuxième lieu, s’agissant du contrat d’embauche et des fiches de paie mentionnés aux points 1) et 2), la commission rappelle que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime. Les mentions intéressant la vie privée des agents au nombre desquelles figurent la date de naissance, l’adresse personnelle, l’adresse électronique professionnelle, la situation familiale et numéro de sécurité sociale, ne sont ainsi pas communicables à des tiers en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.

S'agissant des éléments de rémunération, la commission est défavorable à la communication des informations liées, soit à la situation familiale et personnelle (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent, tel que le montant du RIFSEEP et plus généralement les primes pour travaux supplémentaires et primes de rendement, ou encore de celles relatives aux horaires de travail, aux indemnités et heures supplémentaires. Il en va de même, pour le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent.

Elle précise que lorsque la rémunération qui figure dans le contrat de travail de l'agent ou sur ses bulletins de paye résulte de l'application des règles régissant l'emploi en cause, sa communication n'est pas susceptible de révéler une appréciation ou un jugement de valeur, au sens de ces dispositions. En revanche, lorsqu'elle est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans être déterminée par de telles règles, elle révèle nécessairement une appréciation et un jugement de valeur portés sur la personne recrutée. La communication de ces documents ne peut, dans ce cas, intervenir qu'après occultation des éléments relatifs à la rémunération (CE, 24 avril 2013, Syndicat CFDT Culture, n° 343024).

La commission indique également que dans son avis de partie II, n° 20210741, du 11 février 2021, elle a par ailleurs fait évoluer sa position en ce qui concerne le temps de travail des agents publics mentionnés sur les fiches de paye. Elle considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procéderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée.

Enfin, s'agissant des mentions supplémentaires présentes sur le bulletin de paye des agents publics depuis l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la commission estime que la mention du taux d'imposition, qui apparaît soit comme un taux personnalisé soit comme un taux « neutre », est susceptible, d'une part, de permettre la révélation d'informations liées à la situation personnelle et familiale de l'agent concerné, notamment par le biais de croisement de ces informations avec d'autres éléments disponibles. D'autre part, le taux d'imposition constitue une information propre à la situation fiscale de l'agent qui relève du champ d'application de l'article L103 du livre des procédures fiscales, dispositions particulières dérogeant au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, et de la vie privée.

En l’espèce, la commission émet un avis favorable à la communication des documents mentionnés aux points 1) et 2), sous ces réserves.

En troisième lieu, la commission estime que les statuts mentionnés aux points 3) et 4) de la demande constituent des documents administratifs librement communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l’article L5721-6 du code général des collectivités, sous réserve qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une diffusion publique au sens du quatrième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable sur ces points.

En quatrième lieu, s’agissant des documents mentionnés aux points 5) et 6), la commission rappelle que les documents relatifs à la gestion du domaine privé des collectivités territoriales et de leurs groupement sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L300-3 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable, le cas échéant, des mentions relevant du secret de la vie privée ou du secret des affaires, protégées par les dispositions du 1° de l'article L311-6 du même code. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable à la communication de ces documents.

En cinquième et dernier lieu, la commission estime, s’agissant du point 6), que la demande, en tant qu’elle porte sur « tout autre élément juridique relatif au local occupé par le CDG 971 à Ernestine Webb », est formulée de manière trop imprécise et générale pour permettre à l'administration d'identifier précisément les documents dont la communication est sollicitée. Elle la déclare, par suite, irrecevable.