Avis 20226355 - Séance du 15/12/2022

Avis 20226355 - Séance du 15/12/2022

Ministère de la santé et de la prévention

Monsieur X, pour X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le ministre de la santé et de la prévention à sa demande de communication, par courriel, des documents administratifs relatifs aux missions confiées par l’État aux cabinets de conseil :
1) l'ensemble des correspondances (courriers, e-mails, ou autres) reçues ou envoyées par le ministre de la santé, X et son cabinet mentionnant les sociétés X entre le 1er et le 30 janvier 2021 (période marquée par une polémique sur les contrats passés entre l’État et ces cabinets de conseil sur la campagne de vaccination) ;
2) l'ensemble des correspondances (courriers, e-mails, ou autres) reçues ou envoyées par le directeur général de la santé, son adjoint et son cabinet, mentionnant les sociétés X entre le 1er et le 30 janvier 2021.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. / (…) ».

La commission précise que les courriers détenus ou reçus par les agents publics, y compris sur leurs terminaux électroniques professionnels (avis n° 20184184 du 6 décembre 2018), constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions, communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du même code, s'ils sont en possession de l’administration et sont susceptibles de faire l’objet d’une extraction par un traitement automatisé d'usage courant, dans le respect des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 de ce code, et par suite, le cas échéant, après occultation des mentions relevant de ces derniers ou disjonction des documents qui en relèveraient entièrement en application des dispositions de l’article L311-7 dudit code.

La commission rappelle toutefois que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration.

Par sa décision du 14 novembre 2018, ministre de la culture c/ X, n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêtent un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose.

La commission précise que, depuis un avis n° 20220207 du 10 mars 2022, elle retient que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620).

En réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre de la santé et de la prévention indique que le point 1) de la demande de Monsieur X revêt un tel caractère, compte tenu de la charge de travail qu’il représente pour l’administration détentrice de ces documents à raison, d’une part, du périmètre particulièrement large de recherche induit et, d’autre part, des difficultés de dépouillement rencontrées.

La commission relève, d’une part, des éléments portés à sa connaissance que les correspondances demandées, qui ont fait l’objet d’un protocole de remise au sens de l’article L213-4 du code du patrimoine, sont détenues par la mission des archives auprès des ministères sociaux, sous sa seule responsabilité. Elle note, à cet égard, qu’une telle mission ne compte qu’un nombre réduit d’agents, dont le rôle est de conseiller et d’accompagner la politique d’archivage au sein du ministère. Elle constate, par ailleurs, le positionnement particulier de ces missions, la possibilité de signer un protocole de remise trouvant son fondement, ainsi que l’indique le Service interministériel des Archives de France, « dans la volonté d’assurer la collecte de fonds d’un intérêt majeur pour l’histoire de la Cinquième République en nouant une relation de confiance avec leurs producteurs. Pour ce faire, un effort de sensibilisation est mené par les archivistes missionnaires dès la prise de fonction des membres des gouvernements ».

La commission relève, d’autre part, que le point 1) de la demande de Monsieur X est formulé de manière relativement large en ce qu’il vise l’ensemble des correspondances, sous quelle que forme que ce soit, reçues par le ministre et son cabinet d’expéditeurs non identifiés ou adressées par ceux-ci à des destinataires pas davantage déterminés, pendant une période d’une durée d’un mois. Elle relève également que l’objet des correspondances sollicitées n’est caractérisé que par certains noms de sociétés, sans précision des circonstances de leur envoi, ni même du contexte général dans lequel elles devraient s’inscrire. Elle note que ce point de la demande vise ainsi, en excluant les messageries fonctionnelles, vingt-huit versements de messageries électroniques correspondant à quatre-vingt-trois fichiers d’une taille conséquente, qui ne sont pas constitués chronologiquement, de sorte que la période de temps visée ne permet pas de réduire le nombre de fichiers à dépouiller, ainsi que vingt-six versements d’archives « papier », également d’une taille importante.

La commission relève enfin les difficultés propres au dépouillement de chaque catégorie de documents. Elle note, s’agissant des courriers « papier », qu’ils sont classés en chrono par secrétariat sans indexation, de sorte que l’identification des documents demandés suppose une consultation de chaque pièce. Elle note, s’agissant des messageries collectées, les très importantes difficultés techniques rencontrées dans leur traitement se traduisant par des manipulations multiples, des risques d’échec des opérations d’indexation ou d’indexation partielle, et un temps de chargement pouvant s’avérer particulièrement long selon les volumes de données à analyser. Elle note également les difficultés techniques de recherche au sein de ces messageries, en l’absence de classement thématique ou de classement complet.

La commission estime en conséquence qu’en l’état, le traitement du point 1) de la demande de Monsieur X, dont le périmètre est large, confronté aux contraintes propres aux missions des archives, ainsi qu’aux difficultés particulières d’appréhension des documents qui leur sont remis, impliquerait, pour la mission des archives auprès des ministères sociaux, une charge excessive, nonobstant l’intérêt qui s’attacherait à la communication des documents sollicités pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public.

Elle émet, par suite et en l’état, un avis défavorable au point 1) de la demande.

S’agissant du point 2), elle émet un avis favorable, sous les réserves susmentionnées et prend acte de l’intention du ministre de donner une suite favorable à la demande sur ce point