Avis 20226362 - Séance du 15/12/2022

Avis 20226362 - Séance du 15/12/2022

Présidence de la République

Monsieur X, pour X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de cabinet du Président de la République à sa demande de communication, par courriel, des documents administratifs relatifs aux missions confiées par l’État aux cabinets de conseil :
1) l'ensemble des correspondances (courriers, e-mails, ou autres) reçues ou envoyées par la Présidence de la République, mentionnant les sociétés X entre le 1er et le 30 janvier 2021 (période marquée par une polémique sur les contrats passés entre l’État et ces cabinets de conseil sur la campagne de vaccination) ;
2) l'ensemble des correspondances (courriers, e-mails, ou autres) reçues ou envoyées par la Présidence de la République, mentionnant les « cabinets de conseil » et les « prestations intellectuelles » entre le 1er mars et le 30 avril 2022 (période marquée par la publication d'un rapport du Sénat sur le sujet).

1. Sur la recevabilité de la demande de Monsieur X :

En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur de cabinet du Président de la République a fait valoir, auprès de la commission, l’imprécision de la demande de Monsieur X au motif que ses deux points portent sur un ensemble de correspondances caractérisées uniquement par la mention de certains mots ou expressions entre, d’une part, des agents non identifiés au sein des services de la Présidence de la République et, d’autre part, des interlocuteurs indéterminés.

La commission rappelle que le droit d'accès aux documents administratifs défini par le livre III du code des relations entre le public et l’administration ne contraint pas l'administration à effectuer des recherches pour répondre à une demande et que les administrations ne sont pas tenues de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE, 27 septembre 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ X, n° 56543, Lebon 267 ; CE, 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, n° 83477).

Elle estime ainsi irrecevables les demandes portant sur des échanges intervenus entre une ou des administrations et une autre administration ou une personne privée, lorsqu’elles sont trop imprécises quant à l'objet des documents demandés (avis n° 20216781 du 16 décembre 2021), quant à leur nature (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à l'administration et/ou ses composantes en cause (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à son ou ses interlocuteurs (avis n° 20194880 du 12 mars 2020 ; n° 20213868 du 15 juin 2021), quant au cadre d'élaboration du document (avis n° 20213868 du 15 juin 2021) ou encore quant à la période de temps visée (avis n° 20213868 du 15 juin 2021).

La commission relève, en l’espèce, que si la demande est susceptible de porter sur un grand nombre de documents, en ce qu’elle vise deux « ensembles des correspondances (courriers, e-mails, ou autres) », elle ne porte que sur des périodes de temps limitées, d’un mois s’agissant du point 1) et de deux mois s’agissant du point 2). Elle relève également que si cette demande porte sur des correspondances de l’ensemble de la Présidence de la République, c’est-à-dire d’une administration comprenant plus de 800 agents, la précision des circonstances de leur échange – à savoir « période marquée par une polémique sur les contrats passés entre l’État et ces cabinets de conseil sur la campagne de vaccination » s’agissant du point 1) et « période marquée par la publication d'un rapport du Sénat sur le sujet » s’agissant du point 2) – permet de circonscrire le nombre des membres du cabinet du Président de la République et des agents des services de la Présidence de la République, expéditeurs ou destinataires, effectivement concernés. Elle relève enfin que le fait de se référer à de simples mots ou expressions pour caractériser l’objet d’une demande ne conduit pas nécessairement à ce que celle-ci soit regardée comme imprécise dès lors que ces mots ou expressions s’avèrent suffisamment significatifs et distinctifs, ce qui est le cas s’agissant du point 1) de la demande qui vise le nom de quatre sociétés aisément identifiables. Elle constate, en revanche, que tel n’est pas le cas de son point 2) qui se réfère aux expressions « cabinets de conseil » et « prestations intellectuelles », dont les termes généraux ne peuvent permettre à la Présidence de la République d’identifier les documents y répondant, sans avoir à effectuer, au préalable, des recherches d’une ampleur conséquente.

La commission estime, dès lors, la demande recevable en son point 1) mais ne peut que déclarer irrecevable son point 2) et inviter le demandeur, s'il le souhaite, à préciser ou circonscrire celui-ci auprès de l'administration.

2. Sur le caractère communicable des documents visés au point 1) de la demande :

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par L’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. / (…) ».

La commission précise que les courriers détenus ou reçus par les agents publics, y compris sur leurs terminaux électroniques professionnels (avis n° 20184184 du 6 décembre 2018), constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions, communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du même code, s'ils sont en possession de l’administration et sont susceptibles de faire l’objet d’une extraction par un traitement automatisé d'usage courant, dans le respect des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 de ce code, et par suite, le cas échéant, après occultation des mentions relevant de ces derniers ou disjonction des documents qui en relèveraient entièrement en application des dispositions de l’article L311-7 dudit code.

En l’espèce, la commission, qui n’a pu prendre connaissance des documents sollicités, comprend néanmoins que ceux-ci s’inscrivent dans le cadre des missions de service public assurées par la Présidence de la République. Elle en déduit qu’ils constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, à l’exception toutefois des éventuelles correspondances qui n’auraient pas été échangées dans ce cadre mais à titre privé, et qui échappent à sa compétence.

Elle estime qu’ils sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous les réserves prévues par les articles L311-5 et L311-6 et le cas échéant dans les conditions prévues à l'article L311-7 du même code. En application de ces dispositions doivent notamment être disjoints ou occultés les éléments qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, qui font apparaître d'une personne physique ou morale un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ou dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, sauf à ce que ces disjonctions ou occultations privent d'intérêt la communication de ce document.

La commission émet donc, sous ces réserves, un avis favorable au point 1) de la demande.