Avis 20226583 - Séance du 15/12/2022

Avis 20226583 - Séance du 15/12/2022

Direction générale des finances publiques (DGFIP)

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général des finances publiques à sa demande de copie, sur cédérom ou clé USB, des documents suivants concernant la commune de Bouchain :
1) les mandats, les bordereaux de mandat des comptes 6226 et 6227 pour les années 2015 à 2022 ;
2) l’ensemble des titres de dépenses et recettes pour les exercices 2015 à 2021 ;
3) l’état des dépenses du compte 6532 pour les exercices 2015 à 2021.

La commission rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des comptes de la commune. La communication de ces documents peut être obtenue aussi bien auprès du maire que des services déconcentrés de l'État. Il ressort de la doctrine de la CADA que le droit à communication institué par ces dispositions porte sur l'ensemble des écritures et documents comptables de la commune, au fur et à mesure de leur élaboration, y compris les pièces justificatives. Les mandats de dépenses et les titres de recettes émis par l’ordonnateur, de même que les journaux divisionnaires des mandats et des titres tenus par le comptable sont ainsi concernés.

La commission précise toutefois que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues aux articles L311-5 et L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).

Dans la mesure où le caractère communicable des titres de recettes et des mandats doit être apprécié pièce par pièce au regard des secrets opposables, la Commission considère, de manière constante, qu'une demande de communication de l’ensemble des titres de recettes, mandats et pièces justificatives des dépenses d'une commune, portant sur plusieurs exercices comptables, est insuffisamment précise pour permettre à l’autorité saisie de distinguer les documents communicables de ceux qui ne le sont pas, dans la limite des charges que le législateur a entendu faire peser sur l'administration (avis de partie II n° 20141563 du 13 mai 2014 ; avis n° 20181749 du 13 septembre 2018).

La commission déduit de ce qui précède que la présente demande est imprécise et par suite irrecevable en ce qui concerne le point 2).

La commission relève, s’agissant des points 1) et 3), que le demandeur souhaite plus particulièrement obtenir les mandats et bordereaux des mandats imputés aux comptes 6226 « honoraires » et 6227 « frais d'acte et de contentieux » au titre des exercices 2015 à 2022, ainsi que le journal divisionnaire des mandats du compte 6532 « frais de missions des élus » au titre des exercices 2015 à 2021, détenus par le directeur général des finances publiques et se rapportant à la commune de Bouchain. Elle considère que ces demandes sont formulées avec suffisamment de précision pour permettre au directeur général des finances publiques d’y répondre.

La commission estime que ces documents sont communicables à toute personne en faisant la demande sur le fondement de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, sous réserve de l’occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par un secret protégé par la loi (CE, 27 septembre 2022, n° 452614).

S’agissant des mandats de paiement et bordereaux de mandats du compte 6227 « frais d’acte et de contentieux », la commission rappelle qu’aux termes de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». En application de ces dispositions, le Conseil d’État (CE, ass., 27 mai 2005, n° 268565) a jugé que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, en l’espèce une commune, notamment les consultations juridiques rédigées par l'avocat à son intention, sont des documents administratifs couverts par le secret professionnel. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de cassation que le secret professionnel de l’avocat couvre la convention d'honoraires et les facturations y afférentes (Cass., Civ-1, 13 mars 2008, pourvoi n° 05-11-314). La Cour de cassation a par ailleurs précisé qu’alors même qu’il s’agit de pièces comptables, les factures d’avocat jointes à une correspondance d'avocats sont couvertes par le secret professionnel, sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre la correspondance elle-même et les pièces qui s'y trouvent jointes (Cass., Civ, 6 décembre 2016, pourvoi n° 15 14.554).

La commission saisit l’occasion de la demande d’avis pour réaffirmer sa doctrine constante selon laquelle les documents comptables produits par une commune en vue du paiement des factures d’honoraires d’avocats ne peuvent être regardés comme des « correspondances échangées entre le client et son avocat », protégées par le secret professionnel auquel l’article L2121-26 n’aurait pas entendu déroger. Seules les factures d’avocats, bien que constituant des pièces justificatives du paiement, sont protégées par ce secret, dès lors qu’elles constituent des correspondances échangées entre la commune et son avocat.

La commission relève que devront en revanche être occultées les éventuelles mentions couvertes par le secret de la vie privée ou par le secret en matière industrielle et commerciale. Elle souligne, sur ce dernier point, que le détail des prix susceptible, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé, doit être occulté (avis n° 20221246 et n° 20221455 du 21 avril 2022).

La commission émet donc, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.

Enfin, s'agissant des modalités de communication, la commission rappelle qu'en vertu de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document.

La Commission précise que l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration ne fait pas obligation à l’administration de copier un document sur un support fourni par le demandeur (CD-Rom, clé USB…). Il lui est toutefois loisible d’y procéder, si elle le souhaite. Dans ce cas, les frais de reproduction ne sauraient inclure le coût du support prévu à l’article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration.