Avis 20226638 - Séance du 24/11/2022

Avis 20226638 - Séance du 24/11/2022

Mairie de Paris

Maître X, conseil de Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 octobre 2022, à la suite du refus opposé par la maire de Paris à sa demande de communication des documents suivants concernant les deux déclarations préalables X délivrées par la maire de Paris respectivement les 14 avril 2022 et 8 juin 2022 aux fins, pour la première, de non-opposition aux travaux déclarés par Monsieur X pour le ravalement de la façade et la création de trois lucarnes sans extension au rez-de-jardin, et pour la seconde, de création en sus d'une extension de 15,6 m2 au X à Paris :
1) l'entier dossier originel du pétitionnaire ;
2) les pièces complémentaires ;
3) le recours gracieux dont il apparaît que la ville de Paris a été saisie par le pétitionnaire avant la délivrance de la deuxième non-opposition à déclaration préalable du 8 juin 2022.

En réponse à la demande d'observations qui lui a été adressée, la maire de Paris a informé la Commission que les documents sollicités ont été communiqués au demandeur par courriel du 8 novembre 2022. La Commission relève toutefois que ce courriel ne fait état de la transmission que de la seule déclaration préalable, dont elle n'a pu prendre connaissance, et non de l'ensemble des documents sollicités. Elle estime, par suite, que la demande conserve son objet.

En premier lieu, la Commission rappelle qu’elle a estimé dans son conseil de partie II n° 20181909 du 25 octobre 2018 que les documents produits et reçus par l’administration en matière d’autorisations individuelles d’urbanisme, telles que les déclarations préalables, sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, notamment la sécurité publique ou la sécurité des personnes et la protection de la vie privée, et qu’ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, soit que la décision ait été effectivement prise, soit que l'autorité compétente ait renoncé à son projet. En vertu du principe de l’unité du dossier, le droit à communication s’applique à tous les documents du dossier soumis au maire, y compris ceux qui ne sont pas mentionnés par les articles R431-35 à R431-37 du code de l’urbanisme, qu’ils émanent du pétitionnaire ou aient été élaborés par l’administration.

La Commission indique, par ailleurs, que lorsque le maire statue, au nom de la commune, par une décision expresse (favorable ou défavorable) sur une demande d’autorisation individuelle d’urbanisme, celle-ci est alors communicable sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des délibérations et des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». Ce droit d’accès s’étend à l’ensemble des pièces annexées à ces actes (Conseil d’État, 11 janvier 1978, n° 04258, recueil X p. 5). La Commission estime que, s’agissant d’une déclaration préalable de travaux, doivent être regardées comme annexées à l’arrêté les seules pièces qui doivent obligatoirement figurer dans le dossier soumis au maire, en application des articles R431-35 à R431-37 du code de l’urbanisme. Les autres pièces, s’il en existe, relèvent du régime du code des relations entre le public et l'administration exposé ci-dessus.

La Commission précise que, si l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tel que notamment le secret de la vie privée (CE, 17 mars 2022, n° 449620 ; Conseil d’État, 11 janvier 1978, n° 04258, recueil X p. 5).

En application de ces principes, la Commission considère que doivent être occultés au titre du secret de la vie privée, avant toute communication, le cas échéant :
- la date et le lieu de naissance du pétitionnaire ;
- les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique du pétitionnaire, qu'il s'agisse d'une personne morale ou d'une personne physique ;
- les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique de l'architecte ;
- le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) de la personne à laquelle le pétitionnaire souhaite que les courriers de l’administration (autres que les décisions) soient adressés, sauf s'il s'agit de l'architecte, à l'exception de ses coordonnées téléphoniques et de son adresse de messagerie électronique ;
- le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) du propriétaire ou du bénéficiaire de l’autorisation individuelle d’urbanisme qui doit s'acquitter de la participation pour voirie et réseaux, s'il est différent du pétitionnaire ;
- la finalité du projet (logement destiné par exemple à la vente ou à la location).

En revanche, la Commission estime qu'il n’y a pas lieu d’occulter le nom et l'adresse du pétitionnaire, cette dernière pouvant s’avérer au demeurant nécessaire à une personne pour notifier son recours contentieux, en application de l’article R600-1 du code de l’urbanisme. Sont également communicables le nom et l'adresse de l'architecte, l'objet de l’autorisation individuelle d’urbanisme, la date d'autorisation et la déclaration d'ouverture de chantier, le cas échéant.

Elle émet, sous les réserves ainsi rappelées, un avis favorable aux points 1) et 2) de la demande.

En second lieu, la Commission considère que les recours gracieux sont des documents administratifs, au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, soumis au droit de communication instauré par le livre III du même code.

De manière générale, la Commission précise, d’une part, que les recours gracieux, qu’ils soient dirigés contre un acte individuel ou un acte réglementaire, présentent un caractère préparatoire, faisant obstacle à leur communication, lorsque la demande est présentée antérieurement à l’expiration du délai de deux mois imparti à l’administration pour statuer sur ce recours, et d’autre part, qu’ils présentent un caractère administratif et non judiciaire, de sorte que leur communication ne porte pas atteinte au f) du 2° de l’article L311-15 du code des relations entre le public et l’administration.

S’agissant des recours gracieux dirigés contre un acte réglementaire, la Commission estime qu’ils sont communicables à leur auteur ainsi qu’aux tiers, sous réserve, dans cette seconde hypothèse, d'occulter les mentions contenues dans ces recours gracieux qui seraient couvertes par les dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.

S’agissant des recours gracieux dirigés contre un acte individuel, la Commission considère qu’il y a lieu de distinguer selon l’auteur de la demande de communication.

La Commission rappelle tout d’abord que, lorsque la demande émane de l’auteur du recours gracieux, celui-ci lui est librement communicable, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Elle précise qu’en matière d’urbanisme, un recours gracieux est également communicable au bénéficiaire d’une autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol (permis de construire, déclaration de travaux) sans que cela méconnaisse les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration dès lors que l’article R600-1 du code de l’urbanisme organise la notification de ces recours gracieux aux pétitionnaires.

La Commission rappelle, ensuite, qu’en application du 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, n’est communicable qu’à l’intéressé un document faisant apparaître le comportement d’une personne, lorsque la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. La Commission estime qu’à la différence d’un recours gracieux dirigé contre un acte réglementaire, le contenu d’un recours gracieux dirigé contre un acte individuel traduit nécessairement le comportement de son auteur et que sa communication est susceptible de lui porter préjudice. Elle en déduit qu’un recours gracieux dirigé contre un acte individuel n’est pas communicable à un tiers autre que le titulaire de l’autorisation d’urbanisme mentionné précédemment.

La Commission émet, dès lors, un avis défavorable à la communication du recours gracieux mentionné au point 3) de la demande.