Avis 20227605 - Séance du 26/01/2023

Avis 20227605 - Séance du 26/01/2023

Ecole nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA)

Madame X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 29 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le directeur de l’École nationale vétérinaire d'Alfort à sa demande de communication du registre des entrées et des sorties des animaux utilisés ou destinés à être utilisés à des fins scientifiques au sein de l'établissement.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article R214-97 du code rural et de la pêche maritime : « Le responsable d'un établissement utilisateur ou d'un établissement éleveur ou fournisseur d'animaux destinés à des procédures expérimentales tient des registres des animaux dans lesquels sont consignés les éléments de suivi des animaux définis par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de la recherche. Ces registres sont conservés pendant cinq années ».

La commission estime que le registre de suivi des animaux destinés à des procédures expérimentales, lorsque son détenteur est une autorité administrative au sens de l’article L300 2 du code des relations entre le public et l’administratif, constitue un document administratif soumis au droit d’accès prévu par le livre III du même code.

La commission précise qu’aux termes de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, les administrations sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande. Ce droit doit toutefois s’exercer dans le respect des intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 de ce code. Enfin, aux termes de l’article L311-7 : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ».

La commission relève que le registre de suivi des animaux utilisés à des fins scientifiques, qui comporte autant de chapitres qu’il y a d’espèces animales détenues, comporte les informations suivantes, énumérées à l'annexe III de l'arrêté du 1er février 2013 fixant les conditions d'agrément, d'aménagement et de fonctionnement des établissements utilisateurs, éleveurs ou fournisseurs d'animaux utilisés à des fins scientifiques et leurs contrôles : « a) Le sexe, l'âge, le nombre d'animaux, le numéro individuel d'identification pour chaque animal des espèces bovine, ovine, caprine, porcine, équine, canine, féline ainsi que pour les primates ; b) La date de naissance (si elle a lieu dans l'établissement utilisateur) ; c) La date d'entrée, la provenance, en précisant notamment s'ils sont élevés en vue d'une utilisation dans des procédures et, dans le cas d'une importation, mention de cette importation avec ses références documentaires ; d) Pour les utilisateurs, les références des projets dans lesquels les animaux sont utilisés ; e) La date de sortie et la destination, le nom et l'adresse du destinataire des animaux ; f) La date et les causes de la mort (si elle a lieu dans l'établissement utilisateur) ».
Elle estime que ce document est librement communicable à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l’occultation préalable des mentions couvertes par un secret protégé.

1. Mentions protégées par l’article L311-5 :

La commission rappelle que ne sont pas communicables, en application des dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, les mentions ou documents dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique ou la sécurité des personnes. Elle précise que l’atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ne se présume pas et doit être établie au regard du contenu du document et des conséquences susceptibles de s'attacher à sa divulgation.

Pour s’opposer à la communication du document sollicité, le directeur de l’École nationale vétérinaire d'Alfort a attiré l’attention de la commission sur la sensibilité des informations liées aux projets d’expérimentation à des fins scientifiques impliquant des animaux.

La commission estime toutefois que la communication du registre des animaux utilisés au sein des établissements menant des expérimentations animales n’est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. Elle considère, en revanche, que cette atteinte est caractérisée s’agissant de la divulgation de la mention des causes de la mort lorsque, comme en l’espèce, les recherches sont effectuées dans une unité mixte de recherches de virologie. Elle estime, par suite, que cette information doit être préalablement occultée.

2. Mentions protégées par l’article L311-6 :

La commission rappelle qu'aux termes de l'article L311-6, ne sont communicables qu'à la personne intéressée, c'est-à-dire la personne que le document concerne directement, les documents : « 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, (…) et au secret des affaires ; (…) ».

La commission estime, en premier lieu, qu’en supposant qu’il s’agisse d’une personne physique, la divulgation du nom et de l'adresse du destinataire des animaux est de nature à porter atteinte à la protection de la vie privée des personnes intéressées. Elle estime, dès lors, que ces mentions, figurant au point e) de l’annexe III de l’arrêté du 1er février 2013, doivent être occultées dans cette mesure.
La commission rappelle, en second lieu, s'agissant du secret des affaires, que les documents administratifs et financiers relatifs aux conditions d’exercice des missions des personnes morales de droit public chargées d'une mission de service public dont l'objet principal n'est ni industriel, ni commercial sont intégralement communicables à toute personne, sans que puisse être opposé le secret des affaires et nonobstant le fait que leur activité s’inscrive dans un environnement concurrentiel (avis n° 20210291, du 4 mars 2021).

Le directeur de l’École nationale vétérinaire d’Alfort a, en l’espèce, attiré l’attention de la commission sur le fait que la communication du registre sollicité fournirait des éléments fondamentaux sur les projets de recherche scientifique, notamment les essais pré-cliniques effectués dans l’unité mixte de recherche de virologie de l’école. Il évoque un risque de détournement des données scientifiques élaborées ou utilisées dans le cadre de ces essais.

La commission relève toutefois, que l’École nationale vétérinaire d'Alfort est un établissement public d’enseignement supérieur et de recherche associé à la mission de service public administratif de la recherche. Le registre de suivi des animaux, produit dans le cadre de cette mission, est dès lors communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sans que puisse être opposé le secret des affaires.

3. Sur la réserve des droits de propriété intellectuelle :

La commission rappelle qu'aux termes de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration : « les documents administratifs sont communiqués sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ». Dans sa décision du 8 novembre 2017, n° 375704, le Conseil d’État a précisé que la réserve des droits de propriété intellectuelle implique, avant de procéder à la communication d’un document n’ayant pas déjà fait l’objet d’une divulgation, au sens de l’article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l’accord de son auteur. Dans un avis n° 20224541, du 8 septembre 2022, la commission a précisé que les agents publics qui entrent dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, à l’instar des personnels de recherche des établissements publics tels que l’École nationale vétérinaire d’Alfort, détiennent des droits de propriété intellectuelle sur les œuvres de l’esprit qu’ils créent.

La commission estime que s’il se borne à mentionner les références des projets dans lequel les animaux sont utilisés, ainsi que le prévoit l’annexe III de l’arrêté précité du 1er février 2013, le registre de suivi des animaux n’entre pas dans le champ des documents communicables sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. En revanche, dans l’hypothèse où il ferait apparaître la description d’un projet de recherche grevé de droits d'auteur n’ayant pas fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, le registre de suivi des animaux ne pourrait être communiqué à des tiers qu'avec l'autorisation du ou des personnels de recherche menant ce projet.

La commission émet, dès lors, un avis favorable à la demande dans cette mesure et sous ces réserves.