Avis 20227896 - Séance du 26/01/2023

Avis 20227896 - Séance du 26/01/2023

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 décembre 2022, à la suite du refus opposé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à sa demande de communication des documents suivants se rapportant au projet évoqué dans le résumé non technique n°NTS-FR-145325 publié sur la base de données de la Commission européenne ALURES :
1) le dossier de demande d’autorisation de la procédure expérimentale « préparation de poumons de rongeurs (ou cobayes) pour la fabrication de médicaments homéopathiques » ;
2) l’acte d’autorisation de cette procédure, délivré par le ministère ;
3) l’avis complet du comité d’éthique saisi de cette procédure.

Il résulte de l’article R412-11 du code de l’environnement, pris en application de l’article L412-2 du même code, que : « La réalisation d'expériences biologiques, médicales ou scientifiques sur des animaux d'espèces non domestiques non tenus en captivité doit satisfaire aux conditions fixées à la section 6 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime ». Ces dispositions assurent la transposition de la directive européenne 2010/63/UE du 22 septembre 2010, relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. L’article R124-122 du code rural et de la pêche maritime dispose que : « (…) la réalisation d'un projet comportant l'exécution d'une ou de plusieurs procédures expérimentales est soumise à l'obtention d'une autorisation accordée par le ministre chargé de la recherche dans les conditions prévues à l'article R214-123 ». La composition du dossier de demande d’autorisation a été précisée par un arrêté ministériel du 1er février 2013, relatif à l'évaluation éthique et à l'autorisation des projets impliquant l'utilisation d'animaux dans des procédures expérimentales.

S’agissant des points 2) et 3) :

En réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a informé la commission que les documents sollicités aux points 2) et 3) ont été communiqués à Maître X par courrier du 3 janvier 2023, dont elle a joint une copie. La commission en prend acte et déclare la demande d'avis sans objet sur ces deux points.

S’agissant du point 1) :

La commission relève, à titre liminaire, qu’aux termes de l’article 5 de l’arrêté précité du 1er février 2013, le dossier de demande d’autorisation comprend les éléments suivants : « - la proposition de projet tel que défini au 2° de l'article R. 214-89 du code rural et de la pêche maritime ; -un résumé non technique du projet, anonyme et ne contenant ni le nom ni l'adresse de l'utilisateur ou des membres de son personnel, qui, sous réserve de garantir le respect de la propriété intellectuelle et de la confidentialité des informations, fournit des informations sur les objectifs du projet, y compris les avantages et les dommages attendus, ainsi que sur le nombre et les types d'animaux utilisés. Il fournit également une démonstration de la conformité avec les exigences de remplacement, de réduction et de raffinement ; -des informations sur : a) La justification du projet du point de vue scientifique, éducatif ou requis par la loi ; b) La pertinence et la justification : i) De l'utilisation d'animaux, y compris en ce qui concerne leur origine, les espèces, les nombres estimés et les stades de développement et, le cas échéant, en application du dernier alinéa de l'article R. 214-90, les éléments scientifiques justifiant la demande de dérogation concernant les espèces utilisées ; ii) Des procédures expérimentales ; c) L'application de méthodes pour remplacer, réduire et raffiner l'utilisation des animaux dans les procédures expérimentales ; d) Le recours prévu à l'anesthésie, à l'analgésie et à d'autres méthodes pour soulager la douleur ; e) Les dispositions prises en vue de réduire, d'éviter et d'atténuer toute forme de souffrance des animaux, de la naissance à la mort, le cas échéant ; f) Le recours à des points limites adaptés, suffisamment prédictifs et précoces pour permettre de limiter au maximum la douleur, sans remettre en cause les résultats du projet ; g) La stratégie d'expérimentation ou d'observation et le modèle statistique utilisé afin de réduire au minimum le nombre d'animaux, la douleur, la souffrance et l'angoisse infligées et l'impact environnemental, le cas échéant ; h) La réutilisation des animaux et l'effet cumulatif de cette réutilisation sur les animaux ; i) La proposition concernant la classification des procédures expérimentales selon leur degré de gravité, conformément à l'annexe ; j) Les dispositions prises pour éviter tout double emploi injustifié des procédures expérimentales, le cas échéant ; k) Le numéro d'agrément du ou des établissements utilisateurs, attribué selon les modalités de l'arrêté interministériel du 1er février 2013 fixant les conditions d'agrément, d'aménagement et de fonctionnement des établissements utilisateurs, éleveurs ou fournisseurs d'animaux utilisés à des fins scientifiques et leurs contrôles ; l) Les méthodes de mise à mort utilisées et, le cas échéant, en application du quatrième alinéa de l'article R. 214-98, les éléments scientifiques justifiant la demande de dérogation concernant les méthodes utilisées ; m) Les compétences des personnes participant au projet, selon les modalités de l'arrêté interministériel du 1er février 2013 relatif à l'acquisition et à la validation des compétences des personnels des établissements utilisateurs, éleveurs et fournisseurs d'animaux utilisés à des fins scientifiques dans les conditions définies à l'article R. 214-114 ; n) Le nom de la ou des personnes responsables du bien-être des animaux ; o) Le nom de la ou les personnes responsables de la mise en œuvre générale du projet et de sa conformité à l'autorisation ; p) Conformément à l'article R. 214-99, les éléments scientifiques justifiant la demande de dérogation pour faire réaliser tout ou partie des procédures expérimentales en dehors de l'établissement agréé dont le responsable a déposé la demande d'autorisation de projet ».

En premier lieu, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche fait état de ce que chaque autorisation de projet fait l'objet d'un résumé non technique, reprenant certains éléments du dossier de demande, publié sur le site de la Commission européenne, de sorte que ces éléments, faisant l'objet d'une diffusion publique au sens de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables. La commission constate toutefois que le résumé non technique du projet ne constitue que l’une des pièces du dossier de demande d’autorisation. Elle déclare, par suite, la demande d’avis irrecevable dans cette seule mesure.

La commission relève, en deuxième lieu, que les dispositions de la directive européenne 2010/63/UE du 22 septembre 2010, qui prévoient une publication, sous forme anonyme et dans le respect de la propriété intellectuelle et de la confidentialité des informations, des résumés non techniques des projets ne font pas obstacle à l'application des dispositions législatives des articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui garantissent à tout administré le principe de la liberté d'accès aux documents administratifs.

La commission en déduit que les dossiers de demande d’autorisation de projets détenus par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche dans le cadre de ses missions de service public constituent des documents administratifs soumis au droit d’accès régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.

Ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code précité, sous réserve des règles de confidentialité organisées au niveau national en matière d’accès aux documents administratifs, en particulier par les articles L311-5 et L311-6 du code précité.

1. Éléments protégés par l’article L311-5 :

La commission rappelle que ne sont pas communicables, en application des dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, les mentions ou documents dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique ou la sécurité des personnes.

En l’espèce, la commission ne dispose d’aucun élément d’information lui permettant de considérer que la communication du dossier de demande d’autorisation serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. Elle précise que l’atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ne se présume pas et doit être établie au regard du contenu du document et des conséquences susceptibles de s'attacher à sa divulgation.

2. Éléments protégés par l’article L311-6 :

La commission rappelle qu'aux termes de l'article L311-6, ne sont communicables qu'à la personne intéressée, c'est-à-dire la personne que le document concerne directement, les documents : « 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, (…) et au secret des affaires ; (…) ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. »

La commission estime, en premier lieu, que les éléments permettant d’identifier le personnel d’un établissement de recherche sont couverts par le secret de la vie privée des personnes intéressées, à condition toutefois qu’il ne s’agisse pas d’agents publics.

Elle considère également que la divulgation de cette information, quel que soit le statut du personnel concerné, est de nature à porter préjudice aux personnes intéressées.

Elle estime, dès lors, que les dossiers de demande d’autorisation doivent être préalablement occultés de ces mentions, en application des dispositions combinées du 1° et/ou du 3° de l’article L311-6 et de l’article L311-7 du code des relations entre le public et d'administration.

En second lieu, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche fait valoir que les informations relatives aux protocoles scientifiques issues de la réflexion des chercheurs et des laboratoires sont protégées par le secret des procédés en ce qu’elles dévoilent l’inventivité et l’originalité du questionnement scientifique, mais aussi les protocoles expérimentaux développés dans le cadre de projets de recherche pouvant conduire au dépôt de brevets ou à des publications. La communication des dossiers de demandes d’autorisation de projets expérimentaux avant l’issue des recherches serait ainsi, selon elle, susceptible de favoriser une concurrence déloyale et de causer un préjudice commercial important aux organismes de recherche concernés, publics et privés.

La commission rappelle toutefois que le secret des affaires est apprécié en tenant compte du caractère concurrentiel ou potentiellement concurrentiel de l’activité exercée et eu égard à la définition donnée à l’article L151-1 du code de commerce. Elle précise également qu’elle considère que les documents administratifs et financiers relatifs aux conditions d’exercice des missions des personnes morales de droit public chargées d'une mission de service public dont l'objet principal n'est ni industriel, ni commercial sont intégralement communicables à toute personne, sans que puisse être opposé le secret des affaires et nonobstant le fait que leur activité s’inscrive dans un environnement concurrentiel (avis n° 20210291, du 4 mars 2021).

En application de ces principes, la commission estime que le secret des procédés, composante du secret des affaires, est de nature à faire obstacle à la communication des éléments du dossier de demande d’autorisation susceptible de dévoiler les travaux de recherche de l’organisme concerné, à condition qu’il s’agisse d’un organisme de droit privé ou d’un organisme de droit public agissant dans le cadre d’une activité industrielle et commerciale. Elle considère, en revanche, que les éléments du dossier tels que le numéro d’agrément de l’établissement utilisateur, les compétences des personnes participant au projet ou encore ceux qui traduisent le respect des normes imposées en vue de garantir le bien-être animal, n’entrent pas dans le champ des mentions protégées par ce secret.

Elle précise enfin que les éléments à occulter, le cas échéant, au titre du secret des affaires pour les organismes qui ne sont pas chargés d’une mission de service public administratif ne sont pas d’une ampleur telle qu’ils priveraient de tout intérêt la communication des dossiers de demande d’autorisation.

3. Sur la nécessité de solliciter l’accord préalable des auteurs du projet de recherche :

La commission rappelle qu'aux termes de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration : « les documents administratifs sont communiqués sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ». Dans sa décision du 8 novembre 2017, n° 375704, le Conseil d’État a précisé que la réserve des droits de propriété intellectuelle implique, avant de procéder à la communication d’un document n’ayant pas déjà fait l’objet d’une divulgation au sens de l’article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l’accord de son auteur.

Il en résulte que lorsqu'un tiers détient des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en possession de l'administration, cette dernière doit solliciter son autorisation avant de procéder à la communication du document. Dans un avis n° 20224541, du 8 septembre 2022, la commission a précisé que les agents publics qui entrent dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, à l’instar des personnels de recherche des établissements publics, détiennent également des droits de propriété intellectuelle sur les œuvres de l’esprit qu’ils créent.

En l'espèce, et en l'absence de précision sur ce point, la commission estime que si le dossier de demande d’autorisation se rapporte à un projet de recherche grevé de droits d'auteur n’ayant pas fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, il ne pourra être communiqué à des tiers qu'avec l'autorisation du ou des personnels de recherche menant ce projet de recherche, y compris s’il s’agit d’agents publics.

La commission, qui ne dispose pas d’information sur le statut de l’organisme ayant déposé le dossier de demande d’autorisation sollicité en l’espèce, émet dès lors dans ces conditions et sous l’ensemble ces réserves un avis favorable à la demande.