Avis 20227962 - Séance du 09/03/2023

Avis 20227962 - Séance du 09/03/2023

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 décembre 2022, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à sa demande de publication en ligne et de mise à jour hebdomadaire du nombre d'amendes forfaitaires délictuelles délivrées par les services de police nationale et de gendarmerie depuis septembre 2020, en distinguant :
1) le mois et l'année ;
2) le délit ;
3) la circonscription de police ou la brigade de gendarmerie ;
4) le département ;
5) le service (police ou gendarmerie) ayant infligé l'amende.

A titre liminaire, la commission relève que l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, établissement public administratif de l’Etat placé sous la tutelle du ministre de l’intérieur, agit en qualité de prestataire de services de l'Etat ou de collectivités territoriales pour les infractions routières et en qualité de prestataire de services de l'Etat, de collectivités territoriales ou de tout organisme public ou privé chargé d'une mission de service public pour les infractions autres que routières pouvant faire l'objet d'une amende forfaitaire, en vertu de l’article 2 du décret n°2011-348 du 29 mars 2011. L’agence a notamment pour missions la conception, l'entretien, la maintenance, l'exploitation et le développement des systèmes et applications nécessaires au traitement automatisé des infractions, la préparation et l'envoi des avis d'amendes forfaitaires délictuelles établis par voie électronique ou dans le cadre du traitement automatisé des infractions, ainsi que l'organisation et la gestion du traitement automatisé des infractions qui lui est confié en qualité de prestataire.

En premier lieu, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, X, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, X, n° 152393).

La commission considère en revanche, de manière constante, que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions, les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable laquelle doit être appréciée de façon objective.

Elle précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant (avis n° 20222817, 20222850 et 20222936 du 23 juin 2022). Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (Conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable.

En l’espèce, la commission relève que l’arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé placé sous le contrôle et l’autorité du ministre de l’intérieur prévoit, pour les infractions faisant l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire, l’enregistrement des données relatives à l'infraction (nature de l'infraction, lieu, date et heure, identifiant et nom, corps et unité ou service d'affectation des agents verbalisateurs), à l’identification de la personne physique ou morale auteur de l’infraction, au montant de l’amende et à sa nature. Elle en déduit que l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions dispose des informations sollicitées dans une base de données. Elle comprend toutefois de la réponse du directeur de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions que ces données n’ont, en l’état, pas fait l’objet d’une extraction. La commission observe qu’il ne ressort pour autant pas de cette réponse qu’une telle extraction ne serait pas susceptible d’être obtenue par un traitement automatisé d’usage courant sans charge de travail déraisonnable, au sens des principes qui viennent d’être rappelés. La commission relève au demeurant que des statistiques relatives au nombre d’amendes forfaitaires infligées pour usage illicite de stupéfiants sont d’ores et déjà élaborées par l’agence et publiées en ligne dans le cadre du baromètre des résultats de l’action publique.

Par conséquent, elle estime que les statistiques demandées relatives aux amendes forfaitaires délictuelles infligées depuis septembre 2020 constituent des documents administratifs existants, au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration.

En deuxième lieu, la commission estime que ces statistiques sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 de ce code. Elle précise que cette communication ne doit toutefois pas porter atteinte à un secret protégé en application des articles L311-5 et L311-6 de ce code. Elle souligne qu'aux termes de l'article L311-6, « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ». La commission rappelle également qu'aux termes de l’article L311-7 du même code « lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ». Elle précise que l'occultation peut consister à anonymiser un document, à condition que cette anonymisation soit suffisante pour prévenir tout risque d'identification des personnes intéressées.

En outre, l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, notamment par « publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6 ». La publication en ligne de documents administratifs par l’administration ne peut toutefois s’effectuer que sous réserve du respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du même code, qui dispose que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (...) ».

La commission en déduit que, s’il peut être procédé à la publication d’un document administratif dès lors que son contenu respecte les secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ce document doit, en outre, satisfaire aux conditions posées au deuxième alinéa de l’article L312-1-2 s’agissant de la protection des données à caractère personnel, s’il comporte des données de cette nature. Il résulte de ces dispositions que des documents comportant des données personnelles ne peuvent être publiés en ligne que s'ils ont fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes, ou dans les trois hypothèses suivantes : - si une disposition législative autorise une telle publication sans anonymisation ; - si les personnes intéressées ont donné leur accord ; - si les documents figurent dans la liste prévue par l'article D312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration.

En l’espèce, en l’état des informations dont elle dispose, la commission considère que les données relatives à la circonscription de police ou à la brigade de gendarmerie ayant infligé une amende forfaitaire délictuelle, eu égard à leur degré de précision, sont susceptibles, par rapprochement avec les autres données sollicitées, de permettre d’identifier une infraction en particulier et donc la personne qui s’en est rendue auteur. Elle estime par suite que les données relatives à la circonscription de police ou à la brigade de gendarmerie ne sont pas communicables au demandeur à ce titre et ne peuvent pas être publiées en ligne.

La commission émet par suite un avis favorable à la demande de publication en ligne, sous réserve de l’occultation de ces données.

En dernier lieu, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l’administration garantit un droit d’accès aux documents existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne permet pas aux demandeurs d’exiger pour l’avenir qu’ils soient rendus systématiquement destinataires de documents au fur et à mesure de leur élaboration. Elle déclare donc irrecevable la demande en tant qu'elle porte sur la mise à jour hebdomadaire de l’extraction sollicitée.