Avis 20230301 - Séance du 09/03/2023

Avis 20230301 - Séance du 09/03/2023

Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement - Centre Clermont Auvergne Rhône Alpes (INRAE 63)

Maître X, conseil de la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le Président de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) à sa demande de communication des documents suivants concernant le marché public de substitution passé avec la société X portant sur la réhabilitation et la réorganisation fonctionnelle du laboratoire n° 1 de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement Centre Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes, à la suite de la résiliation du marché public portant sur le même objet attribué à sa cliente aux frais et risques de cette dernière :
1) l'offre technique intégrale de la société X ;
2) les descriptifs des matériels techniques utilisés par la société X dans le cadre de son offre.

Après avoir pris connaissance de la réponse du président de l’INRAE, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.

Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code, qui dispose que ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte au secret des affaires. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.

En l’espèce, la commission comprend, en premier lieu, que la société X était attributaire d’un marché, dont la résiliation a été prononcée à ses frais et risques, et qu’elle demande communication de documents de l’offre présentée par le titulaire du marché de substitution conclu par l’acheteur public pour l’achèvement des travaux.

Dans le cas d’une telle résiliation aux frais et risques, l’article 48 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicables au marché en cause, prévoit que le marché de substitution doit être transmis pour information au titulaire défaillant et que ce dernier est autorisé à en suivre l’exécution sans pouvoir entraver les ordres du maître d’œuvre et de ses représentants. Le cocontractant défaillant doit être mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution ainsi conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants découlant des surcoûts supportés par le maître d’ouvrage en raison de l’achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur étant à sa charge (CE, 9 juin 2017, n°399382 ; CE, 27 avril 2021, n°437148).

La commission relève que ces stipulations ne prévoient pas que le cocontractant défaillant doive recevoir communication de l’ensemble des documents se rapportant au nouveau marché conclu pour l’achèvement des travaux. Elle estime par ailleurs que le droit contractuel au suivi de l’exécution de ce marché ne confère pas au titulaire du marché initial la qualité de personne intéressée au sens de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.

La commission en conclut que les documents relatifs à la passation du marché de substitution conclu par l’INRAE avec la société X sont communicables à la société X, qui dispose à leur égard de la qualité de tiers, sous réserve de l’occultation des mentions se rapportant au cocontractant actuel protégées par l’article L311-6 de ce code.

La commission rappelle, en second lieu, qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public. Dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).

En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.

L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.

En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.

La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.

En application de ces principes, la commission considère que l’offre technique intégrale et les descriptifs des matériels techniques utilisés par la société X dans le cadre de son offre sont couverts par le secret des affaires de cette société et ne sont donc pas communicables à des tiers.

Elle émet par conséquent un avis défavorable à la demande.