Conseil 20231017 - Séance du 11/05/2023

Conseil 20231017 - Séance du 11/05/2023

Communauté d'agglomération Mont Saint-Michel Normandie

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 11 mai 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à un élu communautaire d’une part, et à un tiers d’autre part, du décompte général et définitif d’un marché de travaux reprenant les décompositions de prix.

La commission vous rappelle, en premier lieu, que l’article L2121-13 du code général des collectivités territoriales auquel renvoie l’article L5216-4 du même code, dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». La commission en a déduit qu’elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux et communautaires tirent, en cette qualité, de ces textes. Elle précise, toutefois, que cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.

En deuxième lieu, la commission vous précise qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article L311-2 de ce code, le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration.

La commission relève à cet égard que le décompte général et définitif d’un marché public de travaux, c’est-à-dire le compte rassemblant l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution du marché et dont le solde détermine les droits et obligations définitifs des parties, est établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés de travaux.

En vertu des articles 12.3 et 12.4 du CCAG Travaux dans sa version approuvée par arrêté du 30 mars 2021, après l’achèvement des travaux, le titulaire du marché doit d’abord établir le projet de décompte final, qui constitue la demande de paiement finale, établissant le montant total des sommes auquel il prétend du fait de l’exécution du marché dans son ensemble, et l’adresser au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage. Le maître d’œuvre accepte ou rectifie ce projet de décompte final, qui devient alors le décompte final. Il appartient ensuite au maître d’œuvre d’établir le projet de décompte général et de le transmettre au maître de l’ouvrage. Celui-ci valide, le cas échéant rectifie, et signe ce projet de décompte général, qui devient alors le décompte général.

Le décompte général est enfin adressé au titulaire du marché et devient le décompte général et définitif du marché lorsque ce dernier l’a signé sans réserve ou lorsqu’il est réputé l’avoir accepté en vertu de l’article 12.4.5.

Si le titulaire refuse de le signer ou émet des réserves, le désaccord entre le maître d’ouvrage et le titulaire doit être réglé dans le cadre de la procédure de règlement des différends organisée à l’article 55.1 du CCAG Travaux. A compter de la réception du mémoire en réclamation que le titulaire doit adresser dans un délai de trente jours suivant la notification du décompte général, le maître d’ouvrage doit lui-même notifier sa décision au titulaire dans un délai de trente jours, l’absence d’une telle notification valant rejet de la demande.

Au regard de la procédure ainsi organisée par le CCAG Travaux, la commission considère que le projet de décompte final, le décompte final et le décompte général revêtent un caractère préparatoire jusqu’à la naissance du décompte général et définitif ou, en cas d’engagement de la procédure de règlement des différends, jusqu’à l’intervention de la décision, tacite ou implicite, du maître d’ouvrage sur la réclamation du titulaire.

La commission constate en l’espèce que vous indiquez que le document sur lequel vous l’interrogez, bien qu’intitulé projet de décompte final, est devenu le décompte général et définitif du marché de travaux concerné. Elle en déduit que ce document ne revêt par conséquent plus de caractère préparatoire.

En troisième lieu, la commission considère de façon constante que les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.

Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables.

En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables aux tiers. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique.

Dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, la commission a considéré que les factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public n’étaient également communicables aux tiers qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.

La commission estime, en revanche, que les mentions du décompte général et définitif relatives au coût total et à la nature des travaux réalisés, qui correspondent aux prestations fournies par l’entreprise attributaire, sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande. Doit seulement être réservée l’hypothèse où ces mentions révèleraient par elles-mêmes un élément couvert par le secret des affaires, tel que le détail des moyens humains et techniques ou le secret des procédés.

En quatrième lieu, la commission considère que les mentions et les montants relatifs aux autres sommes qui seraient dues au titulaire du marché, à raison par exemple de travaux supplémentaires, de travaux indispensables à la réalisation de l’ouvrage conformément aux règles de l’art ou à titre d’indemnisation, sont communicables aux tiers dans les mêmes conditions que celles évoquées au paragraphe précédent.

Pour ce qui concerne enfin les éléments du décompte général et définitif relatifs aux sommes qui seraient dues par le titulaire du marché, telles que les réfactions pour malfaçons, les coûts de reprise de malfaçons, les frais liés à la conclusion d’un marché de substitution ou les pénalités, la commission rappelle que dans son conseil du 20 février 2020 n° 20193758, elle a estimé que le 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration faisait obstacle à la communication à un tiers des décisions infligeant une pénalité à un cocontractant d’une personne publique, qu’elle a regardées comme des décisions révélant le comportement d’une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice. Elle a en revanche considéré que cette protection ne s’opposait pas à la communication des documents relatifs à l’exécution budgétaire et financière d’un marché public, y compris lorsque des pénalités ont été mises à la charge du cocontractant par la collectivité.

La commission saisit la présente demande de conseil pour préciser que les éléments du décompte général et définitif faisant apparaître l’intitulé et le montant des sommes mises à la charge du titulaire du marché sont, en principe, communicables à toute personne qui en fait la demande. Doivent en revanche être occultées, d’une part, les mentions éventuelles qui relèveraient du secret des affaires, d’autre part, en application du 3° de l’article L311-6 précité, les mentions qui décriraient les faits à l’origine des moins-values imputées au titulaire du marché

En application de ces principes et après avoir pris connaissance du décompte général et définitif que vous lui avez transmis, la commission vous indique que le solde, les montants totaux par tranche ainsi que les mentions récapitulant les prestations mises en œuvre sont en l’espèce librement communicables à toute personne en faisant la demande. Sont en revanche couvertes par le secret des affaires les mentions qui figurent dans les colonnes se rapportant aux unités, quantités et prix unitaires. La commission considère qu’il en va de même, en l’espèce, du montant correspondant à chaque prestation dès lors que la présence de prestations par nature forfaitaires permettrait de reconstituer tout ou partie des prix unitaires.

Elle vous invite donc à faire droit aux demandes dont vous avez été saisies après avoir procédé à l’occultation des seules mentions dont la divulgation serait susceptible de porter atteinte aux secret des affaires, cette occultation ne privant pas le document de son sens ni la communication de son intérêt.