Conseil 20231656 - Séance du 20/04/2023

Conseil 20231656 - Séance du 20/04/2023

Communauté d'agglomération de La Rochelle

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 20 avril 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable des mémoires techniques liés à la problématique de nuisances olfactives sur l’usine de valorisation énergétique, en particulier sur le point de savoir s’ils sont assimilables à des documents administratifs et s’ils sont communicables alors que leur auteur indique, en page de couverture, une protection au titre du droit d’auteur.

La commission observe que vous avez été saisi d’une demande de communication qui porte sur « l’intégralité des documents liés à la problématique de nuisances olfactives sur l’usine de valorisation énergétique, incluant les rapports d’inspection de la DREAL, l’étude du prestataire spécialisé mandaté par la communauté d’agglomération et les études relatives à la mise en place du système de désodorisation ». Elle comprend des échanges intervenus que le « mémoire technique » que vous avez joint est une étude sur les solutions techniques préconisées pour remédier à des nuisances olfactives. Cette étude a été réalisée par la société X, spécialisée dans le traitement des problématiques d’odeurs, à la demande de la société X, titulaire d’un marché global de performance portant sur l’exploitation et l’entretien de l’usine d’incinération d’ordures ménagères concernée. La commission relève que vous êtes le propriétaire du site concerné ainsi que son exploitant en titre au regard de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, de sorte que vous avez été destinataire des rapports d’inspection des services préfectoraux, de cette étude technique et des études relatives à la mise en place du système de désodorisation, consistant en la modélisation des flux avant et après mise en œuvre des solutions proposées.

La commission vous rappelle, en premier lieu, qu’en vertu de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration sont considérés comme documents administratifs, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions.

En application de ces principes, l’ensemble des documents dont la communication a été demandée, reçus dans le cadre de vos missions de service public, constituent des documents administratifs soumis au droit d’accès organisé par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Ils sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 de ce code.

En deuxième lieu, la commission appelle votre attention sur les dispositions des articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, qui assurent la transposition en droit interne de la directive n°2003/04/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement. Elles prévoient le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration et sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement.

Aux termes de l’article L124-2 de ce code, est considérée comme information relative à l’environnement toute information disponible concernant : « 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère (…) ; 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1°, ainsi que les décisions et les activités destinées à protéger ces éléments ; 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes (…) , dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement ».

Le I de l’article L124-4 du code de l’environnement dispose que : « Après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, l’autorité publique peut rejeter la demande d’une information relative à l’environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : 1°) Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration (…) », au nombre desquels figure le secret des affaires.

En revanche, en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du même code, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des émissions de substances dans l'environnement que dans le cas où sa communication porterait atteinte : « 1°A la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale ; 2° Au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ; 3°A des droits de propriété intellectuelle ». Ces dispositions font ainsi obstacle à ce que l'autorité administrative en refuse la communication au motif qu'elles comporteraient des mentions couvertes par le secret des affaires.

Pour ce qui concerne la notion d'émissions dans l'environnement, par deux arrêts C-673/13 et C-442/14 du 23 novembre 2016, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que, pour l'application de la directive du 28 janvier 2003 précitée, il y avait lieu d'interpréter ces dispositions à l'aune de sa finalité, qui est de garantir le droit d’accès aux informations concernant des facteurs, tels que les émissions, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement, notamment sur l’air, l’eau et le sol et de permettre au public de vérifier si les émissions, rejets ou déversements ont été correctement évalués et de raisonnablement comprendre la manière dont l’environnement risque d’être affecté par lesdites émissions. Cette notion vise ainsi les informations qui « ont trait à des émissions dans l’environnement », c’est-à-dire celles qui concernent ou qui sont relatives à de telles émissions, et non les informations présentant un lien, même direct, avec les émissions dans l’environnement. Par son arrêt C-442/14 du 23 novembre 2016, la CJUE a précisé que les indications concernant la nature, la composition, la quantité, la date et le lieu effectif ou prévisible, des émissions dans l'environnement ainsi que les données relatives aux incidences, à plus ou moins long terme, de ces émissions sur l'environnement, en particulier les informations relatives aux résidus présents dans l'environnement après l'application du produit en cause et les études portant sur le mesurage de la dérive de la substance lors de cette application, que ces données soient issues d'études réalisées en tout ou partie sur le terrain, d'études en laboratoire ou d'études de translocation, relèvent de cette même notion.

Ainsi, la commission estime que les nuisances olfactives, liées au surplus en l’espèce au fonctionnement d’une usine d’incinération de déchets soumise à la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, constituent des émissions de substances dans l’environnement au sens de la directive du 28 janvier 2003 et du code de l’environnement. Elle en déduit que les documents décrivant ces nuisances, leurs interactions avec d’autres éléments de l’environnement ou leurs impacts sur les conditions de vie des personnes, tout comme ceux exposant les mesures prises ou prévues pour limiter ou remédier à de telles nuisances, en vertu du 2° de l’article L124-2 du même code, comportent des informations relatives à l’émission de substances dans l’environnement. L’autorité publique qui les détient ne peut donc en refuser la communication que dans les hypothèses limitativement énumérées au II de l’article L124-5 de de ce code.

La commission relève enfin que vous lui avez précisé que l’étude technique remise par la société X a vocation à être intégrée dans un cahier des charges pour des travaux sur l’usine d’incinération concernée, dont le principe est arrêté et qui devraient faire ultérieurement l’objet d’un appel à la concurrence en vue de leur réalisation par des entreprises tierces. Elle en déduit que les informations relatives à l’émission de substances dans l’environnement que comporte ce document, qui ne constitue pas un élément de l’offre d’un candidat dans un processus de sélection, se rapportent à des décisions et activités susceptibles d’avoir des incidences sur l’état d’éléments de l’environnement ou destinées à les protéger, au sens des dispositions précitées du 2° de l’article L124-2 du code de l’environnement (comp. s’agissant des offres de candidats à l’attribution d’une opération d’aménagement : Conseil d’État, 1er mars 2021, n°436654).

Par suite, la commission estime que l’ensemble des documents dont la communication est sollicitée relèvent du régime de communication des informations relatives à des émissions de substances dans l’environnement, défini au II de l’article L124-5 de ce code. Il en résulte que ces documents sont librement communicables, en l’espèce, sous la seule réserve tenant à une atteinte éventuelle à des droits de propriété intellectuelle.

En troisième lieu, la commission vous précise à cet égard que pour l’application de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration (« Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous des réserves des droits de propriété littéraire et artistique »), le Conseil d’État a jugé dans sa décision du 8 novembre 2017, n°375704, que cette disposition implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur. La commission souligne que pour être protégées par des droits de propriété intellectuelle, la jurisprudence exige que les œuvres de l’esprit se caractérisent par une certaine originalité, en ce qu’elles font apparaître l’empreinte, le style ou encore la personnalité de leur auteur, ou encore l’apport ou l’effort intellectuel de ce dernier. Elle en déduit que si l’autorité saisie l’informe qu’un tiers détenant des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en sa possession n’a pas donné son accord à la communication, il lui incombe de démontrer que le document sollicité constitue effectivement une œuvre de l’esprit, en fournissant des éléments circonstanciés justifiant son apport créatif. La commission estime qu’un simple renvoi aux stipulations contractuelles retenant cette qualification est, à cet égard, insuffisant (avis du 23 juin 2022, n°20221454).

En l’espèce, à supposer que l’étude fournie par la société X réponde aux conditions nécessaires pour être protégée au titre du droit d’auteur, la commission constate que ce document indique en page de garde que son auteur en a cédé les droits d’utilisation, de reproduction et de modification pour l’affaire en objet, que les travaux soient exécutés ou non, et que le client à un droit non-exclusif d’utiliser cette étude pour la réalisation de l’ouvrage, son entretien et sa maintenance. La commission en déduit que la communication de cette étude ne porterait pas atteinte à des droits de propriété intellectuelle. Elle vous invite à vous référer aux stipulations du contrat conclu avec la société concernée à cet égard et, le cas échéant, à vous rapprocher de cette dernière pour vous en assurer.

Enfin, la commission vous rappelle que même en présence d’un motif légal de refus, il appartient à l’autorité saisie d’apprécier au cas par cas si la préservation des intérêts ou secrets protégés est de nature à faire obstacle à la communication des informations concernées, compte tenu de l’intérêt public que leur divulgation servirait.

En l’état des informations dont elle dispose, la commission vous recommande par conséquent de faire droit à la demande de communication dont vous êtes saisi.