Avis 20232169 - Séance du 20/07/2023

Avis 20232169 - Séance du 20/07/2023

Mairie de Carquefou

Monsieur X, pour la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 avril 2023, à la suite du refus opposé par la maire de Carquefou à sa demande de communication d'une copie du permis de construire ou de toute autre autorisation d'urbanisme liée à la construction, par la X, de l'immeuble X.

En premier lieu, la maire de Carquefou a informé la commission que, par jugement du 14 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Nantes a, notamment, fait interdiction au demandeur d’entrer en relation avec la mairie de Carquefou et toute personne y travaillant, pendant une durée de deux ans, sur le fondement de l’article 132-45 du code pénal.

Cependant, la commission constate que la peine prononcée est sans incidence sur la capacité juridique de Monsieur X à demander accès à des documents administratifs sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration comme à saisir la Commission d’accès aux documents administratifs en cas de refus. Il appartiendra à la seule juridiction judiciaire d’apprécier, le cas échéant, les conséquences à tirer de la demande formée auprès de la mairie de Carquefou. La commission considère par suite sa saisine recevable.

En deuxième lieu, la commission rappelle que les documents produits et reçus par l’administration en matière d’autorisations individuelles d’urbanisme sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, notamment la sécurité publique ou la sécurité des personnes et la protection de la vie privée, et qu’ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, soit que la décision (expresse ou tacite) soit effectivement intervenue, soit que le pétitionnaire ait expressément renoncé à son projet. En vertu du principe de l’unité du dossier, le droit à communication s’applique à tous les documents du dossier soumis au maire, y compris ceux qui ne sont pas mentionnés par les articles R431-5 à R431-34-1 du code de l’urbanisme s'agissant d'un permis de construire et R431-35 à R431-37 du même code s'agissant d'une déclaration préalable de travaux, qu’ils émanent du pétitionnaire ou aient été élaborés par l’administration.

La commission indique, par ailleurs, que lorsque le maire statue, au nom de la commune, par une décision expresse (favorable ou défavorable) sur une demande d’autorisation individuelle d’urbanisme, celle-ci est alors communicable sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des délibérations et des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». Ce droit d’accès s’étend à l’ensemble des pièces annexées à ces actes (Conseil d’État, 11 janvier 1978, n°04258). La commission estime que, s’agissant d’un arrêté portant permis de construire, doivent être regardées comme annexées à l’arrêté les seules pièces qui doivent obligatoirement figurer dans le dossier soumis au maire, en application des articles R431-5 à R431-34-1 du code de l’urbanisme, et R431-35 à R431-37 pour les déclarations préalables de travaux. Les autres pièces, s’il en existe, relèvent du régime du code des relations entre le public et l'administration exposé ci-dessus.

La commission précise que si l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tel que notamment le secret de la vie privée (CE, 17 mars 2022, n°449620).

En application de ces principes, la commission considère que doivent être occultés au titre du secret de la vie privée, avant toute communication :
- la date et le lieu de naissance du pétitionnaire ;
- les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique du pétitionnaire, qu'il s'agisse d'une personne morale ou d'une personne physique ;
- les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique de l'architecte ;
- le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) de la personne à laquelle le pétitionnaire souhaite que les courriers de l’administration (autres que les décisions) soient adressés, sauf s'il s'agit de l'architecte, à l'exception de ses coordonnées téléphoniques et de son adresse de messagerie électronique ;
- le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) du propriétaire ou du bénéficiaire du permis de construire qui doit s'acquitter de la participation pour voirie et réseaux, s'il est différent du pétitionnaire ;
- la finalité du projet (logement destiné par exemple à la vente ou à la location).

En revanche, la commission estime qu'il n’y a pas lieu d’occulter le nom et l'adresse du pétitionnaire, cette dernière pouvant s’avérer au demeurant nécessaire à une personne pour notifier son recours contentieux, en application de l’article R600-1 du code de l’urbanisme. Sont également communicables le nom et l'adresse de l'architecte, l'objet de l'autorisation, la date d'autorisation et la déclaration d'ouverture de chantier.

En l’espèce, en application de ces principes, la commission estime que les pièces relatives à l’autorisation individuelle d’urbanisme qui aurait été délivrée pour la construction concernée constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, après occultation des mentions couvertes par l’un des secrets protégés par la loi.

En troisième lieu, la commission comprend que, compte tenu de la condamnation prononcée à l’encontre de Monsieur X, la maire de Carquefou n’entend pas donner une suite favorable à sa demande.

La commission rappelle toutefois que le droit d’accès aux documents administratifs, garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (décision du Conseil constitutionnel n° 2020-834, du 3 avril 2020), peut être exercé par toute personne, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un intérêt particulier. Par ailleurs, le caractère communicable ou non d’un document administratif s’apprécie, de façon objective et quels que soient les motifs pour lesquels le demandeur sollicite la communication du document, au regard du contenu de ce dernier, dans les conditions fixées aux articles L300-2 et L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration. Les autorités saisies sont ainsi tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, sous réserve des secrets protégés par la loi.

Cependant, le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du même code.

La commission souligne à cet égard qu’une demande ne peut être regardée comme abusive que lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou lorsqu'elle aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (CE, n° 420055, 422500, 14 novembre 2018). Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives.

La commission précise que c’est un faisceau d’indices qui permet de qualifier une demande d’abusive. Parmi les critères pouvant la conduire à considérer qu’une demande a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration, figurent le nombre de demandes adressées par le demandeur à la même administration et leur fréquence, les termes employés dans la demande de communication ou encore la détention, par le demandeur, des documents demandés ou la connaissance qu'il a de leur inexistence. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande.

En l’espèce, si Monsieur X a été condamné pour des faits d’envois réitérés de messages malveillants à la commune et notamment à son maire, ces faits, pour répréhensibles qu’ils soient, sont indépendants de la présente demande d’accès aux documents administratifs, laquelle a au surplus été formulée dans des termes adaptés. La commission estime ainsi que ce contexte ne suffit pas à regarder la demande comme abusive au sens des principes qui viennent d’être rappelés.

Par ailleurs, la commission relève que cette demande porte sur la communication d’une autorisation individuelle d’urbanisme, désignée avec une précision suffisante, qui constitue un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande, après les occultations nécessaires en particulier au titre de la protection de la vie privée, ainsi qu’il a été dit. La commission constate également qu’il n’est pas fait état devant elle de demandes nombreuses d’accès aux documents administratifs formées par le même demandeur. Enfin, la commission estime que la communication des pièces relatives à cette unique autorisation ne représenterait pas une charge de travail excédant les sujétions que le législateur a entendu faire peser sur l’administration.

Dans ces conditions, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, il n’apparaît pas à la commission que la demande aurait pour objet de perturber le fonctionnement de la mairie ni qu’elle ferait peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose.

La commission émet, par conséquent, un avis favorable à la demande, sous les réserves qui ont été précisées.