Avis 20232197 - Séance du 06/07/2023

Avis 20232197 - Séance du 06/07/2023

Premier ministre

Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 avril 2023, à la suite du refus opposé par la Première ministre à sa demande de communication des documents relatifs à Madame X et à la politique des ressources humaines du ministère de la justice :
1) le bulletin de salaire du mois de décembre 2022 la concernant ;
2) la fiche de poste ;
3) le contrat de travail ;
4) le document relatif à sa nomination à ce poste ;
5) l’organigramme la rattachant au garde des sceaux ;
6) le nombre de tests pratiqués sur le personnel du ministère en 2022 relatifs aux drogues, alcool et à la prise de médicaments psychotropes (dépression, etc. …) ;
7) l'enquête administrative demandée au Procureur général de Pau à l’encontre des officiers de police judiciaire de Thèze et à l'inertie de leur hiérarchie ;
8) l'enquête personnelle autorisant la rédaction du courrier du 13 juillet 2022 de Madame X.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues (…) de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. » Elle précise toutefois que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du même code. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives.

Une demande ne peut en effet être regardée comme abusive que lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou lorsqu'elle aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (CE, 14 novembre 2018, n° 420055 et 422500).

La commission précise que c’est un faisceau d’indices qui permet de qualifier une demande d’abusive. Parmi les critères pouvant la conduire à considérer qu’une demande a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration, figurent notamment le nombre de demandes adressées par le demandeur à la même administration et leur fréquence, les termes employés dans la demande de communication ou encore la détention, par le demandeur, des documents demandés ou la connaissance qu'il a de leur inexistence. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande.

En l’espèce, la commission constate, en premier lieu, que Monsieur X lui a déjà adressé, depuis le début de l’année 2023, treize demandes d’avis, dont sept concernent les services de la Première ministre et du ministre de la justice. Elle relève que le demandeur adopte le plus souvent, dans le cadre de ses saisines, une position de dénigrement à l’égard de l’administration en général et de certains agents en particulier. Ses demandes, qu’il n’adresse au demeurant délibérément pas aux personnes responsables de l’accès aux documents administratifs désignées, sont en outre formulées en termes imprécis voire confus, ne permettant pas aisément aux autorités saisies d’identifier les documents qu’il sollicite, ni à la CADA d’émettre des avis éclairés.

La commission relève, en deuxième lieu, que c’est à la suite de la signature d’un courrier ne lui ayant pas donné satisfaction que Monsieur X a demandé la communication de documents relatifs « aux agissements » de l’adjointe à la cheffe du bureau du statut et de la déontologie, en l’espèce son bulletin de salaire, sa fiche de poste, son contrat de travail, le document relatif à sa nomination, l’organigramme la rattachant au ministre et l’enquête personnelle autorisant l’intéressée à signer ce courrier. Compte tenu du contexte particulier dans lequel elle s’inscrit, de la nature des documents sollicités, ainsi que du ton employé et des propos outranciers et injurieux tenus à l’égard du ministère de la justice et de cette agente en particulier, la commission estime que cette demande s’apparente à une mise en cause personnelle et poursuit une volonté vexatoire, traduisant un usage dévoyé du droit d’accès aux documents administratifs.

La commission relève, en troisième et dernier lieu, d’une part, que la demande en son point 6) doit être regardée comme une demande de renseignements ne relevant pas du champ d’application du code des relations entre le public et l’administration et, d’autre part, qu’elle s’est déjà prononcée dans son avis n° 20226529 du 24 novembre 2022, sur la communication des documents sollicités au point 7).

Dans les circonstances particulières de l’espèce, la commission estime ainsi que la demande de Monsieur X vise à perturber le bon fonctionnement de l’administration. Elle la déclare, pour ce motif, abusive et émet, par suite, un avis défavorable.