Avis 20233552 - Séance du 20/07/2023

Avis 20233552 - Séance du 20/07/2023

Office français de la Biodiversité (OFB)

Madame X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 juin 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'Office français de la Biodiversité à sa demande de communication de la note de service datée du 20 avril 2023, évoquée dans l’article « Pesticides : les arboriculteurs hors de contrôles » publié dans le journal Le Monde du 6 mai 2023, et qui préciserait la « conduite à tenir » pour les opérations de police judiciaire consacrées au contrôle du respect des prescriptions de l’arrêté ministériel du 20 novembre 2021 relatif à la protection des abeilles et des autres insectes pollinisateurs et à la préservation des services de pollinisation lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques.

A titre liminaire, la commission relève qu'il résulte des articles L131-8 et L131-9 du code de l'environnement que l'Office français de la biodiversité (OFB) est un établissement public de l’État qui contribue, s'agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu'à la gestion équilibrée et durable de l'eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique. L’OFB contribue notamment à l’exercice des missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l'eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche ainsi qu'aux missions de police sanitaire en lien avec la faune sauvage.

La présente saisine porte sur le refus de communication de la note de service du 20 avril 2023, signée par la directrice de la police du permis de chasser, qui précise les modalités d’intervention des inspecteurs de l’environnement affectés à l’OFB dans le cadre de la réalisation de missions de police judiciaire relatives au non-respect des interdictions prévues par l’arrêté interministériel du 20 novembre 2021 relatif à la protection des abeilles et des autres insectes pollinisateurs.

En premier lieu, après avoir pris connaissance de la réponse du directeur général de l’OFB, la commission rappelle qu’en vertu de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs (…) quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. »

La commission considère que la note de service du 20 avril 2023, quoiqu’adressée aux seuls services de l’Office, constitue un document administratif au sens des dispositions de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, communicable en principe à tout personne qui en fait la demande en vertu de l’article L311-1 du même code, sous réserve des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6.

La commission indique à cet égard, en particulier, qu’en vertu du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte : « g) A la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature ». Il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État rendue en matière fiscale que sont notamment couvertes par cette réserve les mentions relatives aux critères retenus par l'administration pour sélectionner les dossiers afin d’entreprendre des opérations de contrôle (CE, 12 octobre 1992, n° 100036). La commission souligne que cette exception a pour objet de préserver, en toute hypothèse, l’efficacité des contrôles, de sorte qu’il n’y a pas lieu de différencier selon la plus ou moins grande sophistication des méthodes employées, ni selon que le document met en cause la recherche d’une infraction donnée ou pourrait de manière générale porter atteinte au contrôle de l’application d’une législation.

La commission rappelle également qu’aux termes de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 du même code mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. L’administration n’est fondée à refuser la communication d'un document dans son entier que lorsque l’occultation partielle priverait ce document de son intelligibilité (CE, 25 mai 1990, Lebon T. 780) ou de son sens (CE, 4 janv. 1995, req. n° 117750), ou la communication de tout intérêt (CE, 26 mai 2014, req. n° 342339).

En deuxième lieu, la commission indique que l’article L124-2 du code de l’environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1°, ainsi que les décisions et les activités destinées à protéger ces éléments ; 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement. »

En l’espèce, la note de service sollicitée a pour objet, d’une part, de présenter l’ensemble des règles applicables aux pulvérisations de produits phytopharmaceutiques sur les cultures attractives pour les insectes pollinisateurs en période de floraison et aux contrôles que peuvent effectuer les inspecteurs de l’environnement de l’OFB pour s’assurer du respect de ces règles et, d’autre part, de préciser la conduite à tenir par ces inspecteurs dans le cadre de la stratégie de contrôle de la mise en œuvre de l’arrêté interministériel du 20 novembre 2021.

La commission considère que cette note comporte ainsi des informations environnementales au sens du 2° de l’article L124-2 du code de l’environnement, contrairement à ce que fait valoir le directeur général de l’OFB. Ces informations sont par suite également soumises au droit de toute personne d'accéder à de telles informations, qui, selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. Elles sont ainsi communicables à toute personne qui en fait la demande, sous la seule réserve des motifs légaux de refus de communication énumérés à l'article L124-4 du code de l'environnement ou, en ce qui concerne les émissions dans l’environnement, au II de l'article L124-5 de ce code.

A cet égard, la commission rappelle, en troisième lieu, que le I de l’article L124-4 du code de l’environnement dispose que : « Après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, l’autorité publique peut rejeter la demande d’une information relative à l’environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : / 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e) et au h) du 2° de l'article L311-5 (…) ».

En revanche, en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 de ce code, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des « émissions de substances dans l'environnement » que dans le cas où sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. S'agissant de la notion d'« émissions dans l'environnement », la commission constate que, par deux arrêts C-673/13 et C-442/14 du 23 novembre 2016, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que, pour l'application de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, il y avait lieu d'interpréter ses dispositions à l'aune de sa finalité, qui est de garantir le droit d’accès aux informations concernant des facteurs, tels que les émissions, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement, notamment sur l’air, l’eau et le sol et de permettre au public de vérifier si les émissions, rejets ou déversements ont été correctement évalués et de raisonnablement comprendre la manière dont l’environnement risque d’être affecté par lesdites émissions. Cette notion vise ainsi les informations qui « ont trait à des émissions dans l’environnement », c’est-à-dire celles qui concernent ou qui sont relatives à de telles émissions, et non les informations présentant un lien, même direct, avec les émissions dans l’environnement. Par son arrêt C-442/14 du 23 novembre 2016, la même Cour a précisé que les indications concernant la nature, la composition, la quantité, la date et le lieu effectif ou prévisible, des émissions dans l'environnement ainsi que les données relatives aux incidences, à plus ou moins long terme, de ces émissions sur l'environnement, en particulier les informations relatives aux résidus présents dans l'environnement après l'application du produit en cause et les études portant sur le mesurage de la dérive de la substance lors de cette application, que ces données soient issues d'études réalisées en tout ou partie sur le terrain, d'études en laboratoire ou d'études de translocation, relèvent de cette même notion.

En l’espèce, la commission considère que la note sollicitée, dans le mesure où elle exprime les décisions prises par l’OFB pour assurer le respect des interdictions de pulvérisation de produits phytopharmaceutiques sur certaines cultures, comporte des informations relatives à l’émission de substances dans l’environnement au sens du II de l’article L124-5.

Toutefois, la commission relève que la communication des pages 7 et 8 de cette note, décrivant la conduite à tenir par les inspecteurs de l’environnement pour la constatation de pulvérisations susceptibles des peines d’emprisonnement et d’amende énoncées à l’article L253-17 du code rural et de la pêche maritime, est de nature à porter atteinte à la recherche d’infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, au sens du même II de l’article L124-5.

Si la divulgation de ces informations peut permettre au public d’apprécier l’action des pouvoirs publics en vue de la préservation de l’environnement et de la biodiversité, la commission estime que cette divulgation serait également de nature à porter atteinte à l’efficacité des contrôles menés dans le cadre de la mise en œuvre de l’arrêté du 20 novembre 2021. Elle considère qu’en l'espèce, l'intérêt tenant à la protection des insectes pollinisateurs poursuivie par cet arrêté est supérieur à l'intérêt, pour la protection de l'environnement, de la communication des informations figurant en pages 7 et 8 de la note de service.

La commission constate enfin que la disjonction de ces pages ne priverait pas la note de service de son intelligibilité ni la communication de tout intérêt.

La commission émet, dès lors, un avis favorable à la communication de la note de service du 20 avril 2023 après disjonction de ses pages 7 et 8.