Avis 20235064 - Séance du 23/11/2023

Avis 20235064 - Séance du 23/11/2023

Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 octobre 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à sa demande de communication des derniers bilans annuels des établissements d'abattages autorisés par arrêtés préfectoraux à déroger à l'obligation d'étourdissement des animaux, conformément à la note de service DGAL/SDSSA/N° 2012-8250, mentionnant notamment :
1) les données relatives à la commande ou la vente, en nombre de têtes ou en poids ;
2) la date de la commande ou de la vente ;
3) la date des abattages rituels effectués sans étourdissement qui se rattachent à chacune de ces commandes ou ventes ;
4) la caractérisation des animaux abattus : espèce, nombre, conditions d'abattage (rites halal ou kasher).

La commission relève, à titre liminaire, que la présente demande s'inscrit dans le cadre d'une série de demandes au sens du deuxième alinéa de l'article L342-1 du code des relations entre le public et l'administration, portant sur des documents de même nature et ayant le même objet, adressées par le même demandeur au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à quatre-vingt-douze préfectures. En application des dispositions de l'article précité et du sixième alinéa de l'article R343-3-1 du même code, la commission ne peut être saisie que d'un refus de communication opposé au demandeur, cette saisine valant recours administratif préalable obligatoire pour chacune des demandes correctement identifiées ayant fait l'objet d'un refus de communication et pour laquelle il a été satisfait à la condition d'information de l'administration concernée prévue par le troisième alinéa de l'article L342-1, et elle n'émet qu'un avis. L'avis ainsi émis dégage les principes de communication communs aux documents demandés et s'applique à l'ensemble des demandes rattachées à cette série.

1. En ce qui concerne les questions liminaires :

La commission rappelle, en premier lieu, qu'une demande de communication de documents administratifs qui lui est adressée est déclarée sans objet lorsque l'autorité saisie communique spontanément le document demandé postérieurement à l'enregistrement de la demande ou lorsqu'il résulte des indications fournies par cette autorité que le document demandé n'a jamais existé, a été détruit ou a été égaré.

La commission indique, en deuxième lieu, que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, n°128797 ; CE, 22 mai 1995, n° 152393). En revanche, la commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, ceux qui sont susceptibles d'être obtenus par un traitement automatisé d'usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d'Etat du 13 novembre 2020, n°432832, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l'administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être appréciée de façon objective.

La commission précise, en troisième lieu, que le refus de communication n'est pas établi et la demande d'avis est déclarée irrecevable, lorsque l'administration saisie d'une demande de communication, communique spontanément dans les délais qui lui sont impartis le document sollicité au demandeur.

2. En ce qui concerne les principes de communication des documents sollicités :

L’article R214-70 du code rural et de la pêche maritime dispose que l’étourdissement des animaux avant l’abattage ou la mise à mort est obligatoire. Ce texte prévoit toutefois la possibilité d’y déroger notamment lorsque cet étourdissement n'est pas compatible avec la pratique de l'abattage rituel. Cette dérogation fait l’objet d’une autorisation accordée par le préfet du département aux abattoirs qui justifient de la présence d'un matériel adapté et d'un personnel dûment formé, de procédures garantissant des cadences et un niveau d'hygiène adaptés à cette technique d'abattage ainsi que d'un système d'enregistrements permettant de vérifier que l'usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales qui le nécessitent. L’arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux conditions d'autorisation des établissements d'abattage à déroger à l'obligation d'étourdissement des animaux précise que les enregistrements permettant de vérifier que l'usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales qui le nécessitent sont conservés pendant une durée minimale d'un an. Parmi les éléments devant faire l’objet de ces enregistrements tel que l’a précisé la note de service du ministère de l’alimentation, de l’agriculture, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire DGAL/SDSPA/SDSSA n°2012-8056 du 13 mars 2012, figurent notamment les données relatives à la commande ou la vente, en nombre de têtes ou en poids, la date de la commande ou de la vente, la date des abattages rituels effectués sans étourdissement qui se rattachent à chacune de ces commandes ou ventes et la caractérisation des animaux abattus : espèce, nombre, conditions d'abattage (rites halal ou kasher).

La commission déduit de ce qui précède que la demande porte sur les données devant faire l’objet d’un système d’enregistrements par les abattoirs bénéficiant d’une dérogation à l’obligation d’étourdissement.

La commission rappelle, en premier lieu, que sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, le droit d’accès aux documents administratifs ne saurait avoir pour effet d'imposer à l’autorité administrative saisie de solliciter d'un tiers, autre qu’une administration ou un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public, la remise d'un document qui n’est pas en sa possession afin de satisfaire à une demande de communication.

Par conséquent, la présente demande ne saurait faire obligation à l’autorité saisie de solliciter des abattoirs concernés les documents nécessaires pour y répondre. En revanche, si l’autorité saisie détient, dans le cadre de sa mission de service public, les bilans annuels transmis par les abattoirs concernés ou les données conservées dans le système d’enregistrements que ces derniers ont l’obligation de mettre en place et de tenir à sa disposition, ces documents constituent, qu’ils existent en l’état ou soient susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, des documents administratifs soumis au droit d’accès garanti par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.

En second lieu, la commission souligne qu’en vertu de l’article L311-6 du même code, ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte au secret des affaires. Sont notamment visées par cette réserve les mentions relatives au secret des procédés, à celui des informations économiques et financières ainsi qu’à celui des stratégies commerciales ou industrielles. La commission rappelle que le secret des affaires est apprécié en tenant compte du caractère concurrentiel ou potentiellement concurrentiel de l’activité exercée et eu égard à la définition donnée à l’article L151-1 du code de commerce. Aux termes de cet article est protégée par le secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : « (…) 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ».

En l’espèce, la commission rappelle d’abord que l’arrêté préfectoral autorisant un abattoir à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux avant abattage constitue lui-même un document administratif librement communicable à toute personne qui en fait la demande, en vertu de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle relève ensuite que les documents sollicités par X se rapportent à cette seule activité dont l’exercice est subordonné à la délivrance d’une autorisation administrative par dérogation et qu’ils ne fournissent qu’une indication très partielle et indirecte sur le niveau d’activité des établissements concernés.

Dans ces conditions, revenant sur sa doctrine antérieure quant au caractère communicable de l’état des commandes commerciales des abattoirs titulaires d’une telle dérogation (avis du 27 mars 2014 n°20140842 et 202140843 ; avis du 20 février 2020 n°20194730 et autres), la commission considère que les documents sollicités ne comportent pas de mentions dont la divulgation porterait atteinte au secret des affaires.

La commission émet par suite un avis favorable à la demande, dans la seule mesure où ces documents sont détenus par l’autorité saisie.