Avis 20235185 - Séance du 21/09/2023
Monsieur X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 août 2023, à la suite du refus opposé par la présidente-directrice générale de Météo-France à sa demande de communication de l’intégralité de la base de données concernant le « Climascope », faisant l’objet d’une projection publique depuis le 1er juillet 2023 à l’Observatoire du Mont Aigoual, dans le cadre de l’exposition du Climatographe sur le changement climatique.
La commission observe que le Climascope est un outil interne aux agents de Météo-France qui rassemble des données climatiques et qui permet de les visualiser notamment sous formes de cartes et de séries temporelles.
La commission rappelle, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (...), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ». En application de l’article L311-1 du même code, les administrations concernées sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, sous réserve des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6.
En l’espèce, la commission relève qu’en vertu du décret n° 93-861 du 18 juin 1993, Météo-France, établissement public de l’État à caractère administratif, a notamment pour mission « de surveiller l'atmosphère, l'océan superficiel et le manteau neigeux, d'en prévoir les évolutions et de diffuser les informations correspondantes » et « de contribuer, au plan international, à la mémoire et à la prévision du changement climatique ». A cette fin, cet établissement est chargé de mettre « un système d'observation, de traitement des données, de prévision météorologique et climatique, d'archivage et de diffusion lui permettant d'accomplir ses missions » et « de conserver la mémoire du climat et d'étudier ses évolutions ; à cet effet, il constitue et gère les bases de données climatologiques nécessaires aux activités nationales ou confiées à la responsabilité de la France par des conventions internationales. »
Les données climatiques alimentant le Climascope constituent ainsi des documents produits ou reçus par une personne publique dans le cadre de ses missions de service public, soumis au droit d’accès aux documents administratifs organisé par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration. La commission rappelle à cet égard que sont des documents administratifs existants, au sens de l’article L300-2 de ce code, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective.
La commission souligne par ailleurs que ces données constituent également des informations relatives à l’environnement au sens de l’article L124-2 du code de l’environnement, qui qualifie comme telles toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui concernent en particulier l’état des éléments de l’environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau et le sol, ainsi que les interactions entre ces éléments.
Elle en déduit que les données sollicitées constituent des documents administratifs librement communicables à toute personne qui en fait la demande, en vertu de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration et des articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement.
En deuxième lieu, la présidente-directrice générale de Météo-France a indiqué à la commission que les données utilisées par le Climascope sont, pour partie, accessibles gratuitement sur internet aux adresses www.drias.climat.fr et www.meteofrance.com/climathd et, pour d’autres, accessibles moyennant redevance à partir du portail www.publitheque.meteo.fr.
La commission rappelle qu'en application du quatrième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, le droit à communication des documents administratifs ne s'exerce plus lorsque les documents sollicités font l'objet d'une diffusion publique. Elle souligne à cet égard, qu'une diffusion publique au sens de cette loi requiert que le document soit aisément accessible techniquement, géographiquement et financièrement.
En l’espèce, la commission constate d’abord que l’outil Climascope rassemble de nombreux jeux de données, de sorte que les données sollicitées, à supposer même qu’elles puissent être identifiées par le demandeur, ne sont pas accessibles par une opération de téléchargement simple. Surtout, la commission relève que ces données ne sont accessibles que moyennant le paiement de redevances, prévues par une décision n° 2020/251 du 9 mars 2021, dont il n’est pas établi ni même soutenu qu’elles auraient été fixées conformément aux dispositions de l’article R311-11 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, elle estime que les données objet de la demande n’ont pas fait l’objet d’une diffusion publique au sens de l’article L311-2 de ce code.
En troisième lieu, la commission relève que le livre III du code des relations entre le public et l'administration comporte un titre II dédié à la réutilisation des informations publiques. A cet égard, l’article L321-1 prévoit que les informations publiques figurant dans les documents communiqués ou publiés par les administrations peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d'autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus, dans les limites et sous les conditions fixées par le titre II. En vertu de l’article L323-1, la réutilisation d’informations publiques peut donner lieu à l’établissement d’une licence, qui est obligatoire lorsque la réutilisation est soumise au paiement d’une redevance. Les articles L324-1 et suivants définissent les administrations autorisées à établir de telles redevances et en encadrent la fixation des montants.
En l’espèce, Météo-France est bien au nombre des administrations autorisées à établir des redevances pour réutilisation mentionnées à l’article D324-5-1 du code des relations entre le public et l'administration, dans sa rédaction aujourd’hui en vigueur.
La commission souligne toutefois que le droit d’accéder à un document administratif, sur le fondement du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration, s’apprécie distinctement du droit de réutiliser les informations publiques figurant dans le document ainsi obtenu, garanti par le titre II du même livre. Comme elle l’a fait dans son avis de partie II du 8 janvier 2015 n° 20144561, la commission rappelle que le versement de la redevance et la souscription d’une licence ne peuvent être exigés que des demandeurs qui souhaitent réutiliser des données. En revanche, une demande de communication d’un document administratif ne peut donner lieu, le cas échéant, qu’au paiement des frais prévus par l’article R311-11 du code des relations entre le public et l'administration.
Or, en l’espèce, la commission observe que la demande de Monsieur X porte seulement sur la communication des données utilisées par le Climascope et non sur la réutilisation de ces données. La commission considère par suite que Météo-France ne peut légalement subordonner la communication de ce document administratif à la souscription de la licence et au paiement de la redevance.
La commission émet par suite un avis favorable à la demande de communication des données du Climascope à Monsieur X.
Elle indique à ce dernier que, s’il souhaite réutiliser les informations publiques figurant dans ce document, cette réutilisation sera soumise, en l’état des textes, au paiement d’une redevance et à la souscription d’une licence. Le réutilisateur devra par ailleurs se conformer aux règles générales de réutilisation fixées par les articles L322-1 et L322-2 du code des relations entre le public et l'administration.