Avis 20235415 - Séance du

Avis 20235415 - Séance du

Préfecture d'Ille-et-Vilaine

Maître X X, conseil de la SAS X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 septembre 2023, à la suite du refus opposé par le préfet d'Ille-et-Vilaine à sa demande de communication, sous forme numérisée uniquement, des documents suivants :
1) l’étude de dangers établie par la société X pour son site de l'Hermitage (35) en cours d’instruction par la DREAL depuis février 2023 et annoncée à l’occasion de la commission de suivi de site (CSS) du 2 juin 2023 ;
2) l’étude de dangers antérieure ;
3) la nature précise des substances dangereuses manipulées ou stockées sur le site ;
4) les quantités maximales de substances dangereuses susceptibles d’être présentes sur le site et celles effectivement présentes sur le site avec leur emplacement ;
5) les quantités de produits alimentaires stockés sur le site et leurs emplacements ;
6) les relevés de stockage des produits dangereux et alimentaires en possession de l’administration depuis la reprise du site par X ;
7) les cartes ou plans des zones d’effet par phénomènes dangereux ou par installation et en particulier toute évolution de la zone d’exposition de l’entreprise X telle que précisée dans l’actuel PPRT (évolution éventuelle du rayon toxique).

La commission rappelle que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1°, ainsi que les décisions et les activités destinées à protéger ces éléments ; 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement. »

En l’espèce, la commission relève que les documents sollicités sont relatifs à une exploitation relevant de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement, prévue actuellement par le titre Ier du livre V du code de l'environnement. Elle en déduit par conséquent, que compte tenu de leur objet et de leur finalité, ils comportent des informations relatives à l'environnement et des informations relatives à des émissions de substances dans l'environnement.

La commission rappelle, d’autre part, que selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement.

A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 de ce code précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement, au nombre desquels ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations, à condition que le document sollicité soit lui-même achevé (avis n° 20054612 du 24 novembre 2005 et n° 20060930 du 16 mars 2006).

Il appartient en particulier à l'autorité administrative, en application des dispositions de l'article L124-4 du code de l'environnement, d'apprécier l'intérêt d'une communication et elle n'est fondée à rejeter une demande d'information relative à l'environnement que si elle porte atteinte : « 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L311-5 ; 2° A la protection de l'environnement auquel elle se rapporte ; (...) ». L'administration peut, après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, rejeter une demande tendant à obtenir une information environnementale, au motif, notamment, que sa communication porterait atteinte au secret de la vie privée, au secret des affaires ou ferait apparaître le comportement d’une personne physique dont la divulgation pourrait lui porter préjudice (avis n° 20132830 du 24 octobre 2013).

La commission souligne en outre que la communication des informations relatives à des émissions de substances dans l'environnement, entendue comme des émissions effectives ou prévisibles dans des conditions normales ou réalistes de fonctionnement de l’installation, ce qui n’est pas le cas des émissions susceptibles de résulter d’un accident éventuel, lesquelles présentent un caractère purement hypothétique, fait l'objet de dispositions particulières, figurant au II de l'article L124-5 du même code. En vertu de ces dispositions, interprétées conformément aux dispositions de la directive du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement (avis de partie II n° 20090271 du 29 janvier 2009), l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des « émissions de substances dans l'environnement », telles que les émissions sonores, atmosphériques ou aquatiques, que dans le cas où sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que l'autorité administrative en refuse la communication au motif qu'elles comporteraient des mentions couvertes par le secret des affaires ou le secret de la vie privée.

La commission rappelle que dans son avis n° 20200022, du 20 février 2020, elle a estimé que l'identité des dirigeants de l'installation classée, la nature précise des substances dangereuses manipulées ou stockées sur le site, les quantités maximales de substances dangereuses susceptibles d’être présentes ou celles effectivement présentes sur le site, les cartes ou plans des zones d’effet par phénomènes dangereux ou par installation, ne relèvent pas nécessairement d’un secret protégé, notamment au titre de la protection de la sécurité publique, et que leur communication revêt un intérêt pour l'information du public sur l'environnement. Ces informations sont donc, sauf circonstances particulières, librement communicables à toute personne qui en fait la demande, sous la forme choisie par le demandeur sous réserve de leur existence sous cette forme et des possibilités techniques de l'administration, et non pas seulement consultables par un cercle restreint de personnes justifiant d'un intérêt.

La commission a en revanche considéré que relèvent de l'atteinte à la sécurité publique la description précise de scenarii d’accidents majeurs et des effets associés, la description précise et technique de barrière de maîtrise des risques, la description de l’organisation et des moyens internes du site et de la chaîne de secours ainsi que l’organisation des moyens externes de secours, en tant qu’ils sont susceptibles de présenter des points de vulnérabilité ou de faiblesse ou des informations susceptibles d’être utilisées pour porter atteinte à leur intégrité ou à leur efficacité. Ces mentions ne sont donc pas communicables sur le fondement du code de l'environnement et du code des relations entre le public et l'administration, sans préjudice de l'information que l'administration saisie estime utile de porter à la connaissance du public.

Enfin, la commission rappelle que le droit à communication posé par le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne s'applique qu'à des documents existants et ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection, n° 152393). Elle relève toutefois que le régime particulier prévu par le chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l’environnement porte, à la différence du régime général d'accès aux documents administratifs, sur les « informations » et non uniquement sur les documents relatifs à l’environnement. Elle en déduit que dès lors que l’administration détient de telles informations, figurant ou non sur un document existant, elles sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L124-3 de ce code, ce dernier n’imposant aucune exigence de formalisation préalable de l'information demandée, et qu’il appartient alors à l’administration, saisie d’une demande en ce sens, d’élaborer un document comportant les informations sollicitées.

En application de ces principes, la commission, qui n'a pas pu prendre connaissance des documents sollicités, estime que ces derniers sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration et des articles L124-1 et suivants du code de l'environnement, sous les réserves et dans les conditions rappelées ci-dessus, selon la catégorie à laquelle l'information environnementale se rattache.

Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande. Elle relève qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, le préfet d'Ille-et-Vilaine a souligné les difficultés matérielles rencontrées pour traiter cette demande en raison, d'une part, du volume de documents concernés et, d'autre part, de la sensibilité des informations concernées se rapportant à un établissement classé Sévéso haut seuil. Elle prend toutefois acte de ce qu'une réponse sera prochainement apportée à la demanderesse, autour du 15 octobre 2023.