Avis 20235749 - Séance du 02/11/2023

Avis 20235749 - Séance du 02/11/2023

Premier ministre

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 27 septembre 2023, à la suite du refus opposé par la Première ministre à sa demande de communication, dans sa version complète, du rapport intitulé « Pour une nouvelle laïcité » remis en 2003 à Monsieur Jean-Pierre RAFFARIN, alors Premier ministre.

En réponse à la demande qui lui a été adressée, la Première ministre a informé la commission que ses services ne détiennent pas ce rapport, qui a fait l'objet d'un versement aux Archives nationales dans le cadre d'un protocole de remise signé par Monsieur RAFFARIN. Monsieur X a par ailleurs été invité à présenter une demande d’accès dérogatoire aux Archives nationales, en application de l’article L213-3 du code du patrimoine, ce qu’il a refusé de faire, maintenant sa demande sur le fondement du code des relations entre le public et l’administration.

La commission rappelle, en premier lieu, que les rapports produits ou reçus par le Premier ministre présentent le caractère de document administratif soumis au droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.

La commission précise, en deuxième lieu, qu’aux termes du 5ème alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Le dépôt aux archives publiques des documents administratifs communicables aux termes du présent chapitre ne fait pas obstacle au droit à communication à tout moment desdits documents ». De même, en application de l’article L213-1 du code du patrimoine, les documents qui, avant leur dépôt aux archives publiques, étaient librement communicables, le demeurent après ce dépôt. Il résulte de ces dispositions que les régimes d’accès prévus par le code des relations entre le public et l’administration et par le code du patrimoine s’appliquent concomitamment et les demandeurs peuvent en principe se prévaloir de l’un ou l’autre de ces régimes pour accéder aux documents librement communicables.

La commission indique, en troisième lieu, qu’en vertu du régime général applicable aux archives, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions fixées par l'article L213-2 du code du patrimoine. En vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné, dans le cas où il serait défavorable.

La commission indique, en quatrième lieu, que l’article L213-4 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008, prévoit que le versement des documents d'archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre, des autres membres du Gouvernement ou de leurs collaborateurs directs « peut être assorti de la signature entre la partie versante et l'administration des archives d'un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé, pendant la durée des délais prévus à l'article L213-2. Pour l'application de l'article L213-3, l'accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation ou l'ouverture anticipée du fonds est donné par le signataire du protocole. Le protocole cesse de plein droit d'avoir effet en cas de décès du signataire et, en tout état de cause, à la date d'expiration des délais prévus à l'article L213-2 ». Par ailleurs, le dernier alinéa de cet article prévoit que les documents d’archives publiques versés sous protocole signé antérieurement à la publication de la loi du 15 juillet 2008 « demeurent régis par les protocoles alors signés. Toutefois, les clauses de ces protocoles relatives au mandataire désigné par l'autorité signataire cessent d'être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire ».

La commission rappelle, en cinquième lieu, que le Conseil d’État, dans sa décision d'Assemblée du 12 juin 2020, n° 422327 et 431026, a considéré, s'agissant des protocoles signés antérieurement à la publication de la loi du 15 juillet 2008, que le signataire d'un tel protocole ou son mandataire disposent du pouvoir d'autoriser ou de refuser la consultation anticipée des archives publiques qui ont été versées aux Archives nationales, le ministre de la culture, autorité compétente pour statuer sur une demande d'autorisation, étant tenu par l'avis qu'ils donnent. Si les clauses relatives à la faculté d'opposition du mandataire cessent d'être applicables vingt cinq ans après le décès du signataire du protocole, le ministre de la culture disposant alors du pouvoir d'autoriser ou de refuser la consultation anticipée, après avis conforme de l'autorité exerçant à cette date les compétences de l'autorité versante, les autres clauses, notamment celles fixant le ou les délais à l'expiration desquels les archives deviennent communicables de plein droit, demeurent en vigueur.

Il résulte de ce qui précède que les clauses de ces protocoles qui dérogent au régime de droit commun organisé par l’article L213-2 du code du patrimoine en différant dans le temps les délais à l’issue desquels les documents deviennent librement accessibles, s’appliquent jusqu’au terme prévu à l’ensemble des documents auxquels ils se rapportent. Pendant toute la durée du protocole, l’accès à ces documents est subordonné au recueil de l’avis du signataire du protocole ou, le cas échéant, de son mandataire, faisant en conséquence obstacle à l’exercice du régime de droit commun d’accès aux documents administratifs prévu par le code des relations entre le public et l’administration.

En l’espèce, la commission constate que le rapport sollicité a fait l'objet d'un versement aux Archives nationales dans le cadre d'un protocole de remise signé par Monsieur RAFFARIN avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 juillet 2008. Ce protocole prévoit qu’avant l’expiration d’un délai de soixante ans, l’ensemble des documents versés ne peut être consulté ou reproduit qu’avec l’accord écrit de Monsieur Jean‐Pierre RAFFARIN, de Monsieur X ou d’un mandataire qu’ils auront désigné à cet effet.

En application des principes exposés ci-dessus, la commission considère que la seule voie pour accéder au rapport sollicité, à la date de la demande, est la présentation d’une demande d’accès dérogatoire, sur le fondement de l’article L213-3 du code du patrimoine.

La demande de Monsieur X ne pourra donc qu’être rejetée comme étant irrecevable. L’obligation de transmission de sa demande aux Archives nationales, en application de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, ne présente en outre aucun caractère utile, dès lors que le demandeur a présenté sa demande exclusivement sur le fondement du code des relations entre le public et l’administration.

La commission attire enfin l’attention du demandeur, à toutes fins utiles, sur la faculté dont il dispose, s'il s'y croit fondé, d’adresser une demande de consultation dérogatoire du rapport intitulé « Pour une nouvelle laïcité », qui apparaît librement communicable à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement de l’article L213-3 du code du patrimoine au ministre de la culture (direction générale des patrimoines et de l’architecture), qui statuera, conformément aux dispositions de l'article L213-4 de ce code et aux stipulations du protocole de remise, après avis de Monsieur RAFFARIN. Elle rappelle que l'autorisation de consultation anticipée des documents d'archives publiques est accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.