Avis 20236891 - Séance du 14/12/2023

Avis 20236891 - Séance du 14/12/2023

Centre régional de la propriété forestière de Nouvelle-Aquitaine

Le président du syndicat mixte d’aménagement et de gestion du Parc naturel régional de Millevaches en Limousin a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 novembre 2023, à la suite du refus opposé par le directeur du centre national de la propriété forestière de Nouvelle-Aquitaine à sa demande de communication du plan simple de gestion concernant la parcelle X.

1. Présentation du cadre juridique :

La commission rappelle, en premier lieu, qu’en vertu de l’article L122-3 du code forestier, un plan simple de gestion est un document de gestion des bois et forêts appartenant à des particuliers. En application de l’article L312-1 de ce code, ces bois et forêts doivent être gérés conformément à un plan simple de gestion agréé par le centre national de la propriété forestière lorsqu’ils sont constitués d'une parcelle forestière d'un seul tenant d'une surface égale ou supérieure à 20 hectares ou d'un ensemble de parcelles forestières d'une surface totale égale ou supérieure à 20 hectares appartenant à un même propriétaire, situées dans une même zone géographique définie par décret. Le ministre chargé des forêts peut également fixer, pour chaque région un seuil de surface inférieur « en tenant compte des potentialités de production, de l'intérêt écologique et social, de la structure foncière des forêts de la région et des programmes régionaux de la forêt et du bois. » En vertu des dispositions de l’article R312-4 du même code, le plan simple de gestion comprend : « 1° Une brève analyse des enjeux économiques, environnementaux et sociaux des bois et forêts précisant notamment si l'une des réglementations mentionnées à l'article L122-8 leur est applicable ; 2° Une description sommaire des types de peuplements présents dans les bois et forêts par référence aux grandes catégories de peuplements du schéma régional de gestion sylvicole ; 3° La définition des objectifs assignés aux bois et forêts par le propriétaire, notamment en matière d'accueil du public, lorsqu'il fait l'objet d'une convention prévue à l'article L122-9 ; 4° Le programme fixant, en fonction de ces objectifs et de ces enjeux, la nature, l'assiette, la périodicité des coupes à exploiter dans les bois et forêts ainsi que leur quotité soit en surface pour les coupes rases, soit en volume ou en taux de prélèvement, avec l'indication des opérations qui en conditionnent ou en justifient l'exécution ou en sont le complément indispensable, en particulier le programme des travaux nécessaires à la reconstitution du peuplement forestier ; 5° Le programme fixant la nature, l'assiette, l'importance et l'époque de réalisation, le cas échéant, des travaux d'amélioration sylvicole ; 6° L'identification des espèces de gibier faisant l'objet d'un plan de chasse en application de l'article L425-2 du code de l'environnement, qui sont présentes ou dont la présence est souhaitée par le propriétaire dans ses bois et forêts, la surface des espaces ouverts en forêt permettant l'alimentation des cervidés ainsi que des indications sur l'évolution souhaitable des prélèvements, notamment en fonction des surfaces sensibles aux dégâts du gibier ; 7° La mention, le cas échéant, de l'engagement, souscrit en application des articles 199 decies H, 793 ou 885 H du code général des impôts, dont tout ou partie des bois et forêts a fait l'objet en contrepartie du bénéfice de leurs dispositions particulières relatives aux biens forestiers. (…) »

La commission précise, en second lieu, d’une part, que l’article L112-3 du code forestier dispose que : « Les informations établies ou détenues en application du présent code par des autorités publiques au sens du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l’environnement sont accessibles au public dans les conditions fixées par ce chapitre, sous réserve des dispositions particulières du présent code. »

D’autre part, aux termes de l’article L124-2 du code de l’environnement, est considérée comme une information relative à l'environnement « toute information disponible, quel qu'en soit le support, concernant : 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1°, ainsi que les décisions et les activités destinées à protéger ces éléments ; 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; (…) 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; (…) ».

La commission rappelle ensuite que, selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement.

A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 de ce code précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande tendant à la communication d'informations relatives à l'environnement. Ces informations sont, en application des dispositions de l'article L124-4 de ce code, communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l'occultation préalable des mentions relatives aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, en particulier le secret de la vie privée et le secret des affaires, à l'exception de ceux visés au e) et au h) du 2° de l'article L311-5.

Cette limite au droit d’accès aux informations environnementales doit toutefois être interprétée de manière restrictive, conformément à ce que prévoit l’article 4 de la directive n°2003/4/CE du 28 janvier 2003, en mettant cette exigence en balance avec l’intérêt public que représente la divulgation d’informations environnementales.

2. Caractère communicable du plan simple de gestion :

Il résulte des dispositions citées ci-dessus que le plan simple de gestion est un document de gestion pluriannuel des bois et forêts répondant à des finalités de gestion durable de la forêt. Eu égard à son objet et à son contenu, il comporte des informations relatives à l’environnement et relève par suite du régime d’accès organisé par les articles L124-1 et suivants du code de l’environnement. A ce titre, les autorités publiques relevant du code forestier, à l’instar du centre national de la propriété forestière, sont tenues de communiquer les informations environnementales qu’elles détiennent, reçoivent ou établissent à toute personne qui en fait la demande, quand bien même le plan simple de gestion n’est pas au nombre des documents dont l’article L122-6 du code forestier prévoit qu’ils sont communicables à toute personne. Cette communication est toutefois subordonnée, après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, à l'occultation préalable des mentions relevant d'un secret protégé en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, notamment le secret des affaires et le secret de la vie privée du propriétaire intéressé.

Dans un avis de partie II, n° 20142683, du 4 septembre 2014, la commission a considéré que la communication d’un plan simple de gestion porterait atteinte aux secrets protégés au II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, codifiés à l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, notamment le secret de la vie privée (adresse et numéro de téléphone du propriétaire, caractéristiques de sa propriété, s'agissant notamment des peuplements et du mode de gestion). Elle a estimé par ailleurs que la divulgation de ces informations ne présentait pas, au regard de la protection de l'environnement, un intérêt qui justifierait de porter atteinte à ces secrets. Enfin, elle a considéré que les occultations nécessaires priveraient le document de tout intérêt.

La commission estime nécessaire, à l’occasion du présent avis, de faire évoluer sa doctrine.

Elle relève, en premier lieu, que les bois et les forêts sont des biens placés sous la sauvegarde de la Nation, auxquels se rattachent des enjeux d’intérêt général détaillés à l’article L112-1 du code forestier. Les dispositions de ce code, qui s’appliquent indépendamment de leur régime de propriété, leur apportent une protection particulière et les soumettent également à certaines obligations au titre de la garantie de gestion durable. La politique forestière que les propriétaires publics et privés doivent suivre relève de la compétence de l'État, qui en assure la cohérence nationale. L’Office national des forêts (ONF) est le gestionnaire des bois et forêts relevant du régime forestier, en particulier celles appartenant aux collectivités publiques. Le centre national de la propriété forestière a quant à lui pour mission de développer, orienter et améliorer la gestion forestière durable des bois et forêts des particuliers. A cet égard, le plan simple de gestion est un outil d’analyse destiné à promouvoir la gestion durable de la forêt ainsi que ses vocations multifonctionnelles, à l’instar du document d’aménagement élaboré par l’ONF pour les forêts publiques.

Elle précise, en deuxième lieu, que dans sa décision du 27 septembre 2022, n° 451627, le Conseil d’Etat a jugé, à propos d’un document d’aménagement d’une forêt élaboré par l’ONF, que les informations concernant la recette pouvant être tirée de la vente des volumes de bois susceptibles d’être mis sur le marché et les prix attendus et celles concernant les recettes et les dépenses attendues au titre de la gestion des forêts sont de nature à influer tant sur les conditions de la concurrence entre les opérateurs de vente de bois que sur les conditions dans lesquelles l’office négocie la vente de bois avec des acheteurs. Elles se rapportent ainsi à la stratégie commerciale de l’ONF. Par suite, leur communication doit être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Le Conseil d’État a considéré que la communication au public de ces informations ne présente pas, du point de vue de la préservation de l’environnement, un intérêt justifiant qu’elles soient communiquées en dépit du secret des affaires, sur le fondement du premier alinéa du I de l’article L124-4 du code de l’environnement. En revanche, le Conseil d’État a estimé que les informations concernant la prévision détaillée des volumes de bois à récolter et celles concernant les indicateurs nationaux de suivi ne sauraient être regardées comme se rapportant à la stratégie commerciale de l’ONF. Leur communication n’est donc pas de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et ces informations sont, dès lors, librement communicables.

La commission relève que le plan simple de gestion répond à la même finalité que le document d’aménagement élaboré par l’ONF et comporte des mentions analogues. Elle en déduit que la grille d’analyse adoptée par le Conseil d’Etat quant à la portée de l’atteinte au secret des affaires est transposable au plan de gestion. Il en résulte que seules les informations économiques reflétant la stratégie commerciale d’un opérateur économique opérant dans un secteur d’activité doivent être regardées comme étant de nature à porter atteinte à ce secret, au sens de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.

En dernier lieu, la commission souligne que la circonstance que le plan simple de gestion se rapporte à une parcelle privée ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une atteinte à la protection de la vie privée du propriétaire intéressé faisant obstacle à sa communication. L’atteinte à un secret protégé s’apprécie de façon objective, eu égard au contenu du document sollicité et au degré de détail des informations qu’il fournit. Entrent notamment dans le champ de la protection de la vie privée des informations liées à la situation personnelle ou fiscale d’une personne physique.

En revanche, la commission estime qu’alors même qu’elles traduisent les caractéristiques d’une parcelle appartenant à un propriétaire privé, les informations énumérées à l’article R312-4 du code forestier telles que l’analyse des enjeux et la description du milieu (type de peuplements et identification des espèces de gibiers) ne relèvent pas de la protection due à la vie privée du propriétaire.

Enfin, si le programme des coupes de bois et des travaux d’amélioration sylvicole peut être regardé comme en relevant, les informations qu’il comporte revêtent un intérêt pour l’information du public en matière environnementale justifiant qu’elles soient librement communicables. La commission relève par ailleurs qu’en l’espèce, le X est situé sur la commune de Tarnac, qui est adhérente au parc naturel régional de Millevaches, situé en zone Natura 2000 et faisant l’objet d’une protection renforcée. La demande de communication fait suite à un projet de coupe rase prévu sur cette parcelle et est motivée par la volonté du président du syndicat mixte d’aménagement et de gestion du Parc naturel régional de Millevaches de satisfaire au mieux les objectifs assignés aux parcs naturels régionaux par le code de l’environnement.

La commission déduit de ce qui précède qu’un plan simple de gestion comporte, pour l’essentiel, des informations relatives à l’environnement librement communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L124-3 du code de l’environnement, sous réserve de l’occultation des mentions dont la communication porterait effectivement atteinte à la protection de la vie privée du propriétaire intéressé, ainsi qu’au secret des affaires, et qui ne présentent pas, pour l'information du public, un intérêt supérieur à celui tenant à la préservation de ces secrets.

3. Application au cas d’espèce :

La commission rappelle, à titre liminaire, que les administrations mises en cause sont tenues, en application de l’article R343-2 du code des relations entre le public et l’administration, de lui communiquer « tous documents et informations utiles et de lui apporter les concours nécessaires ». Elle regrette, en l’espèce, que le directeur du centre national de la propriété forestière de Nouvelle-Aquitaine n’ait consenti à lui adresser qu'un extrait du plan simple de gestion du X, la renseignant, notamment, sur la structure de ce document.

Etant dans l’ignorance de son contenu exact, la commission estime, en l’état des informations portées à sa connaissance, que le document sollicité est communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L124-3 du code de l’environnement, après occultation des coordonnées personnelles (adresse personnelle) ainsi que celles relatives à l’engagement fiscal du propriétaire, dont la communication ne présente pas, pour l'information du public, un intérêt supérieur à celui tenant à la protection de la vie privée. De la même manière, les éventuelles informations économiques qui traduiraient la stratégie commerciale du propriétaire et qui seraient à ce titre couvertes par le secret des affaires, et qui ne présenteraient pas un intérêt justifiant qu’elles soient communiquées en dépit ce secret, devront être préalablement occultées.

La commission émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.