Avis 20237295 - Séance du 11/01/2024

Avis 20237295 - Séance du 11/01/2024

Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Réunion (CRPMEM 974)

Monsieur X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 27 novembre 2023, à la suite du refus opposé par le président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Réunion à sa demande de communication des documents suivants, relatifs aux données de pêche du comité, en format Excel directement exploitable avec la signification des codes/abréviations éventuels, pour les années 2014 à 2017 inclus :
1) pour les captures de requins ciblés, les données relatives aux requins bouledogues et tigres entre 2014 (début des abattages) et 2017 inclus (les dernières disponibles), à savoir :
a) l'espèce, la date de capture, la zone de capture, le sexe, la taille, le devenir (vivant prélevé, mort prélevé, échappé, autre) ;
b) les nombres de jour de pêche par zone de pêche et par mois ;
c) le nombre d’heures de pêche par zone et par mois ;
d) le nombre de palangres verticales avec alerte de capture (PAVAC) posées et de palangres horizontales de fond (PHF) posées par zone et par mois,
e) le nombre d’hameçons utilisés par zone et par mois, les variations du nombre d’hameçons ;
f) le mode de capture : PHF ou PAVAC, pour chaque spécimen capturé ;
2) pour les captures accessoires, les données relatives aux espèces autres que les requins ciblés entre 2014 (début des abattages de requins) et 2017 inclus (les dernières disponibles), à savoir : l'espèce, la date ou la période de capture, la zone de capture, le sexe, la taille, le devenir (mort prélevé, relâché vivant, relâché fatigué, échappé, autre,) ;
3) tout document ou information permettant d’établir :
a) le point zéro et l’état des lieux actuel des populations de requins concernées et des espèces accessoires présentes dans les eaux réunionnaises ;
b) l’impact depuis 2014 des pressions de pêche et des prélèvements non discriminés sur l’état des populations de requins ciblés et sur celui des espèces accessoires.

La commission précise, à titre liminaire, que la présente demande est liée à une autre saisine adressée au Centre Sécurité Requin, enregistrée sous le numéro 20237246 et examinée à la même séance. Elle relève que ces demandes portent sur des documents relatifs au programme de pêche préventive de requins potentiellement dangereux, qui a été mis en œuvre de 2014 à 2017 par le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Réunion et qui est piloté depuis 2018 par le Centre Sécurité Requin.

En premier lieu, la commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, (…) les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission (…) ». En vertu de l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les administrations mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ».

La commission considère qu’un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, comme les autres comités qui constituent l'organisation interprofessionnelle des pêches maritimes et des élevages marins, est un organisme privé chargé de missions de service public (conseil de partie II n° 20102171 du 3 juin 2010 ; conseil n°20217492 du 27 janvier 2022). Les documents qu’un tel organisme produit ou reçoit dans le cadre de ces missions constituent ainsi des documents administratifs pour l’application des articles L300-2 et L311-1 du code des relations entre le public et l’administration précités.

En l’espèce, la commission relève qu’en vertu de l'article L912-3 du code rural et de la pêche maritime, les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins ont notamment pour mission de « participer (…) à la protection, la conservation et la gestion des milieux et écosystèmes contribuant au bon état des ressources halieutiques » et de « participer aux politiques publiques régionales de protection et de mise en valeur de l'environnement, afin notamment de favoriser une gestion durable de la pêche maritime et des élevages marins ».

Elle en déduit que les documents sollicités, qui présentent un lien direct avec ces missions, constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.

Elle précise que dans la saisine n° 20237246, le directeur du Centre Sécurité Requin a indiqué que certaines des informations sollicitées seraient disponibles en ligne sur Internet. La commission constate toutefois que le site milieumarin.france.fr auquel il a été renvoyé ne comporte pas de données portant sur le programme de pêche préventive mis en œuvre et que les publications effectuées par le centre lui-même ne répondent pas à la demande dans son ensemble. Elle en conclut que cette demande ne porte pas sur des documents ayant fait l’objet d’une diffusion publique au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration.

La commission rappelle, en deuxième lieu, que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui concernent notamment : « 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment (…) les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; / 2° Les décisions, les activités et les facteurs (…) susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1°, ainsi que les décisions et les activités destinées à protéger ces éléments (…) ». Elle souligne que compte tenu de leur objet, les documents sollicités comportent des informations relatives à l’environnement au sens de ces dispositions.

Selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. La commission précise que le régime particulier prévu par le chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l’environnement porte, à la différence du régime général d'accès aux documents administratifs, sur les informations et non uniquement sur les documents relatifs à l’environnement. Elle en déduit que dès lors que l’administration détient de telles informations, figurant ou non sur un document existant, elles sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L124-3 de ce code, ce dernier n’imposant aucune exigence de formalisation préalable de l'information demandée, et qu’il appartient alors à l’administration, saisie d’une demande en ce sens, d’élaborer un document comportant les informations sollicitées.

La commission relève en l’espèce que les documents sollicités ne comportent pas de mentions protégées par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, auxquels le code de l’environnement renvoie.

En troisième lieu, compte tenu des observations présentées dans la saisine n° 20237246 par le directeur du Centre Sécurité Requin, la commission précise qu’en vertu de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ». Dans sa décision du 8 novembre 2017 n° 375704, le Conseil d’État a jugé que cette disposition implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur.

Il en résulte que lorsqu’un tiers détient des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en possession de l'administration, cette dernière doit solliciter son autorisation avant de procéder à la communication du document (conseil de partie II n° 20180226 du 17 mai 2018). La commission souligne que pour être protégées par des droits de propriété intellectuelle, la jurisprudence exige que les œuvres de l’esprit se caractérisent par une certaine originalité, en ce qu’elles font apparaître l’empreinte, le style ou encore la personnalité de leur auteur, ou encore l’apport ou l’effort intellectuel de ce dernier. Elle en déduit que si l’autorité saisie l’informe qu’un tiers détenant des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en sa possession n’a pas donné son accord à la communication, il lui incombe de démontrer que le document sollicité constitue effectivement une œuvre de l’esprit, en fournissant des éléments circonstanciés justifiant son apport créatif (avis de partie I n° 20221454 du 23 juin 2022 et n° 20224541 du 8 septembre 2022).

En l’espèce, en l’absence d’observations au fond présentées par le président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Réunion, il ne ressort pas des informations dont dispose la commission que les données sollicitées auprès du comité seraient rassemblées dans une base présentant les caractéristiques d’une œuvre de l’esprit au sens de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, ni qu’un ou des tiers détiendraient sur elle des droits d’auteur ou des droits des producteurs de bases de données au sens des articles L341-1 et suivants de ce même code. La commission estime par ailleurs que le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Réunion ne pourrait pas utilement se prévaloir des éventuels droits que lui-même détiendrait sur ces données, recueillies dans le cadre et pour les besoins de sa mission de service public administratif, pour en refuser la communication (rappr., pour ce qui concerne la réutilisation de bases de données élaborées par un service départemental d’archives : Conseil d’État, 8 février 2017, n°389806).

Dans ces conditions, la commission émet un avis favorable à la communication des documents sollicités, par voie électronique et dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, conformément aux dispositions combinées des articles L300-4 et L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, pour ceux dont le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Réunion dispose déjà sous cette forme. Elle précise que, dans l’hypothèse où le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Réunion ne serait pas en possession des documents sollicités, il lui appartiendrait, en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à l’autorité administrative susceptible de les détenir, et d’en aviser Monsieur X.

Elle indique enfin à ce dernier que s’il souhaite réutiliser les informations publiques figurant dans ces documents, il devra se conformer aux règles de réutilisation prévues au titre II du livre III du code des relations entre le public et l'administration. La commission rappelle en particulier qu’en vertu de l’article L322-1 de ce code, sauf accord de l’administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées.