Avis 20237525 - Séance du 15/02/2024

Avis 20237525 - Séance du 15/02/2024

Préfecture de Seine-et-Marne

Maître X, conseil de X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 30 novembre 2023, à la suite du refus opposé par le préfet de Seine-et-Marne à sa demande de communication d'une copie des documents suivants :
1) le procès-verbal de constatation établi le 1er octobre 2020 par l'officier de police judiciaire de la gendarmerie départementale de Fontainebleau relatant les faits constatés dans l'habitation sise X, occupé par Monsieur X ;
2) tout document fondant l'arrêté préfectoral n° X du 9 décembre 2020.

1. En ce qui concerne le point 1) :

1.1. Principe de communication :

La commission rappelle, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (...), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ».

Elle précise que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration.

La commission relève, en second lieu, que le Conseil d’État a précisé la qualification des documents produits et reçus par les autorités administratives exerçant simultanément des missions de police judiciaire et de police administrative ou de contrôle administratif, dans deux décisions du 6 décembre 2023.

Dans une première décision, n° 468626, le Conseil d’État a jugé que « les documents produits par les agents de police municipale dans l’exercice de leur mission de service public, notamment ceux par lesquels ils rendent compte des opérations de police administrative qu’ils effectuent, de leur propre initiative ou à la suite d’un signalement, à des fins de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques, sur le fondement de l’article L511-1 du code de la sécurité intérieure, ont en principe le caractère de documents administratifs, quand bien même ils seraient par la suite transmis à une juridiction. Toutefois, les rapports et procès-verbaux mentionnés à l’article 21-2 du code de procédure pénale, par lesquels les agents de police municipale constatent ou rendent compte d’une infraction pénale, qu’ils transmettent au procureur de la République, le cas échéant par l’intermédiaire des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ne sont pas détachables de la procédure juridictionnelle à laquelle ils participent et ne constituent donc pas des documents administratifs ».

Dans une seconde décision, n° 470726 et 470727, le Conseil d’État a considéré que « les documents produits ou reçus par les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans le cadre de leurs activités de recherche et de constatation des infractions pénales prévues par le code de la consommation ne constituent pas des documents administratifs communicables sur le fondement des dispositions du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sans préjudice du régime de communication particulier organisé par les dispositions de l’article L521-27 du code de la consommation. En revanche, les documents produits ou reçus par ces agents dans le cadre de leurs activités de recherche et de constatation des manquements aux dispositions du code de la consommation, qui sont susceptibles de donner lieu à des sanctions administratives, ou dans le cadre des contrôles administratifs prévus à l’article L511-14 du même code, revêtent le caractère de documents administratifs, quand bien même ils seraient par la suite transmis à une juridiction ».

Il ressort de ces décisions que le caractère administratif ou judiciaire des documents produits par les autorités administratives s’apprécie au cas par cas à partir d’un critère finaliste s’attachant au cadre juridique dans lequel leur auteur s’inscrit au moment de leur élaboration.

La commission en déduit que les documents élaborés par une autorité administrative dans le cadre d’un pouvoir de police administrative, dans le cadre d’une opération de contrôle administratif ou de recherche et de constatation de manquements susceptibles de donner lieu à des sanctions administratives revêtent le caractère de documents administratifs, quand bien même ils seraient par la suite transmis à une juridiction.
En revanche, les documents produits par ces mêmes autorités dans le cadre d’un pouvoir de police judiciaire, d’une activité de recherche et de constatation d’infractions, élaborés pour être transmis à l’autorité judiciaire, échappent à la qualification de documents administratifs. Ces documents, qui revêtent un caractère judiciaire, ne sont, par suite, pas communicables sur le fondement des dispositions du livre III du code des relations entre le public et l’administration.

La commission relève également, s’agissant des documents produits par les autorités disposant simultanément d’un pouvoir de police administrative et judiciaire, que l’intention de leur auteur est éclairée, notamment, par la forme de l’acte, et en particulier ses visas. Toutefois, lorsqu’elle dispose d’éléments d’informations en ce sens, la commission n’exclut pas la possibilité de se fonder également sur un critère matériel tenant à l’objet et au contenu du document sollicité.

1.2. Application au cas d’espèce :

En l’espèce, la commission constate que la demande, en son point 1), tend à la communication d’un procès-verbal de renseignement judiciaire élaboré par les services de la gendarmerie nationale. Elle observe que ce document, dont elle a pu prendre connaissance, a été établi aux visas des articles 20 et 21-1 du code de procédure pénale et a par ailleurs été transmis au procureur de la République.

La commission relève, toutefois, que ce document a été rédigé dans le cadre d’une enquête sur les conditions de vie d’une personne. Il ne relève aucune infraction pénale et se borne à relater les faits constatés dans un logement et à faire état d’un risque pour la santé et la sécurité de son occupant. Elle ajoute que ce document a servi de fondement à un arrêté de police administrative spéciale relative au danger sanitaire ponctuel et imminent, par lequel le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure le propriétaire des lieux de mettre en sécurité l’installation électrique du logement, en application de l’article L1311-4 du code de la santé publique.

La commission en déduit que le document mentionné au point 1) constitue un document administratif entrant dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration.

La commission relève, en l’espèce, que la demande est présentée par les ayants droits du propriétaire du logement qui s’est vu notifier l’arrêté préfectoral du 9 décembre 2020 évoqué ci-dessus. Elle en déduit que le procès-verbal sollicité leur est communicable ainsi qu’à leur conseil, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve de l’occultation préalable des mentions relatives à la vie privée de tiers, en l'espèce le locataire du logement concerné, ainsi que des mentions portant une appréciation ou un jugement de valeur ou faisant apparaître un comportement de cette personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable sur ce point.

2. En ce qui concerne le point 2) :

La commission estime que les autres documents administratifs fondant l’arrêté préfectoral de police administrative spéciale du 9 décembre 2020, s’il en existe, sont communicables aux intéressées sur le fondement de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, sous les mêmes réserves que celles mentionnées ci-dessus. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable sur ce point.