Avis 20242506 - Séance du 30/05/2024
Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 avril 2024, à la suite du refus opposé par la maire de Paris à sa demande de communication et de publication, en sa qualité de journaliste, des déclarations annuelles de cadeaux faites par les élus de la ville de Paris depuis 2020.
A titre liminaire, la commission relève que le code de déontologie adopté par la ville de Paris donne pour principe aux élus, à leurs collaborateurs et aux agents de refuser tout cadeau ou invitation de tous ordres dans le cadre de leurs mandats, fonctions et contrats au sein de la collectivité, mais admet que la courtoisie, le protocole ou certains motifs professionnels peuvent ponctuellement justifier l’acceptation d’un cadeau ou d’une invitation, selon les conditions qu’il fixe. Doivent ainsi être refusés tout cadeau, libéralité ou invitation délivrés dans la phase active de passation d’un contrat relevant de la commande publique ou d’un processus de mise en concurrence ou pendant le déroulement de toute procédure sensible ainsi que, de manière générale, tout cadeau, libéralité ou invitation dont la valeur est supérieure à 150 euros pour les élus et 70 euros pour les collaborateurs d’élus et de groupes politiques et les agents.
Pour les cadeaux, libéralités ou invitations dont la valeur est inférieure à ces montants, une déclaration annuelle doit être adressée à la commission de déontologie, chargée des fonctions de référent déontologue à l’égard des élus du conseil de Paris, telles que prévues par l’article L1111-1-1 du code général des collectivités territoriales et le décret n°2022-1520 du 6 décembre 2022, comme à l’égard des agents publics, telles que prévues par l’article L124-2 du code général de la fonction publique.
La commission précise, en premier lieu, que les déclarations annuelles des élus, reçues par la commission de déontologie dans le cadre de sa mission de service public, constituent des documents administratifs soumis au droit d’accès organisé par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par l’article L311-1 de ce code.
En deuxième lieu, la commission prend note de la réponse de la maire de Paris qui souligne qu’en vertu de l’article R1111-1-D du code général des collectivités territoriales, les membres de la commission de déontologie sont tenus au secret professionnel dans le respect des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et à la discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions.
La commission rappelle à cet égard que le h) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte à un secret protégé par la loi.
Elle précise, d’une part, que seuls les secrets bénéficiant dans la hiérarchie des normes d’un régime de protection fixé par une loi ou par des textes ou principes de valeur supérieure entrent dans le champ de cette réserve. Elle rappelle, d’autre part, que conformément à sa doctrine constante (avis de partie II n° 20082912 du 25 septembre 2008, avis de partie II n° 20134311 du 21 novembre 2013, avis de partie II du 21 avril 2022 n° 20221692), elle estime que l’article L121-7 du code général de la fonction publique imposant une obligation de discrétion professionnelle aux agents publics, dont ils sont déliés « dans des cas expressément prévus par les dispositions en vigueur, notamment en matière de liberté d'accès aux documents administratifs », ne s’oppose pas à la communication de documents administratifs sur le fondement de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle note également que l’article 226-14 du code pénal dispose que l’article 226-13 de ce code, réprimant l’atteinte au secret professionnel, n’est pas applicable dans les cas où la loi impose la révélation d’un tel secret.
La commission considère dès lors que l’obligation générale de discrétion professionnelle s’imposant aux membres de la commission de déontologie, édictée par voie réglementaire, ne constitue pas un secret protégé par la loi au sens de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration et ne fait par suite pas obstacle à la communication des documents administratifs produits ou reçus par eux dans l’exercice de leurs fonctions.
En troisième lieu, s’agissant de la conciliation du droit d’accès aux documents administratifs avec l’obligation faite aux administrations de veiller à la protection des données personnelles que ceux-ci sont susceptibles de contenir conformément au règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit règlement général sur la protection des données « RGPD »), la commission souligne que l’entrée en vigueur du RGPD n'a pas entraîné de modification des dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives au droit d'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles ni de celles du code du patrimoine relatives au droit d’accès aux archives publiques comportant de telles données, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 86 de ce règlement aux termes duquel : « Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement ». L’article 7 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit également que ses dispositions ne font pas obstacle à l’application, au bénéfice de tiers, des dispositions relatives à l’accès aux documents administratifs et aux archives publiques.
La commission estime dès lors que la circonstance que les déclarations annuelles reçues par la commission de déontologie comprendraient des données à caractère personnel, ainsi que l’a fait valoir la maire de Paris, est, par elle-même, sans incidence sur le caractère communicable de ces documents, seuls les secrets protégés en application des dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration étant susceptibles de fonder un refus de communication.
En quatrième lieu, la commission rappelle qu’aux termes de l’article L311-6 du même code, ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs « 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires (…) ; / 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; / 3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ».
La commission considère que la communication de ces déclarations annuelles, dès lors qu’elles sont relatives à l’activité des élus dans le cadre de leur mandat, ne saurait être regardée comme mettant en cause la vie privée des déclarants. Elle estime également que la communication des mentions faisant, le cas échéant, apparaître l’identité des personnes, morales ou physiques, à l’initiative des cadeaux ou invitations reçus par des élus ne porte pas davantage atteinte, par principe, à la protection de la vie privée de ces personnes.
Il appartient en revanche à l’autorité administrative d’apprécier au cas par cas, à la date à laquelle elle se prononce sur une demande de communication, si, eu égard à certaines circonstances particulières tenant au contexte de l’évènement auquel un document se rapporte, la communication de ces dernières informations serait de nature, par exception, à porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L311-5 et L311 6 du code des relations entre le public et l’administration, justifiant alors leur occultation.
La commission estime par conséquent que les documents sollicités sont en principe communicables à toute personne en faisant la demande, en application de l’article L311-1 de ce code, sous cette réserve.
Pour ce qui concerne en dernier lieu les modalités de communication, la commission rappelle que l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration dispose que : « L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : 1° Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ; 2° Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ; 3° Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique ; 4° Par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6 ».
Lorsqu’une demande porte, comme en l’espèce, sur deux modalités de communication, la commission considère que l'administration peut retenir le mode de communication qu'elle souhaite.
Elle précise, à toutes fins utiles, que dans l’hypothèse où la maire de Paris ferait le choix d’une publication en ligne, cette dernière ne pourrait s’effectuer que sous réserve du respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui dispose que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. (…) ».
La commission émet par suite un avis favorable à la présente demande de communication, selon la modalité choisie par la maire de Paris.