Mots clés
Avis 20242700 - Séance du 20/06/2024
Maître X, conseil de l’association des avocats praticiens des procédures et de l’exécution, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 avril 2024, à la suite du refus opposé par la directrice générale des finances publiques à sa demande tendant à :
1) la publication en ligne, du fichier immobilier mentionné par l'article 2443 du code civil et par les décrets n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et n° 55-1350 du 14 octobre 1955, pour l'application du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;
2) l'inscription du fichier immobilier à la liste des données de référence figurant à l'article R321-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
3) la suppression du droit d'accès exclusif au fichier immobilier par voie dématérialisée reconnu aux notaires.
1. En ce qui concerne le point 1) de la demande :
La commission relève que la demande en son point 1) tend à la communication, par voie de publication en ligne sur le fondement des dispositions combinées des articles L311-1 et L311 9 du code des relations entre le public et l’administration, du fichier immobilier.
La commission, rappelle, en premier lieu, que l'article L311-1 du code précité dispose que : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les administrations mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ». Par ailleurs, selon l’article L311-9 de ce code, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, notamment, par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6.
La commission rappelle, en second lieu, que les informations contenues dans le fichier peuvent être obtenues dans le cadre des dispositions particulières de l’article 2443 du code civil, sur la mise en œuvre duquel elle est compétente pour se prononcer en application du 1° du A de l'article L342-2 du code des relations entre le public et l'administration (avis de partie II n°20217235 du 13 janvier 2022). Elle précise, à cet égard, que l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a transféré le contenu de l’article 2449 du code civil à l’article 2443 du même code et qu’en application des dispositions de l’article 33 de cette ordonnance, la référence à l’article 2449 du code civil, au 1° du A de l’article L342-2, doit se lire comme la référence à l’article 2443 du même code, ainsi que l’indique d’ailleurs expressément le NOTA inséré sur Légifrance sous l’article L342-2 du code des relations entre le public et l’administration.
L’article 2443 du code civil prévoit que les services de la publicité foncière sont tenus de délivrer sur réquisition, dans un délai de dix jours, des copies ou extraits du fichier immobilier ou certificat qu'il n'existe aucune fiche entrant dans le cadre de la réquisition.
La commission précise que ces documents font l'objet de modalités particulière de communication. Les articles 38 à 44-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 portant réforme de la publicité foncière, aujourd’hui ne vigueur, prévoient ainsi qu'ils ne peuvent être délivrés que sous la forme de copie intégrale ou d'extraits. La communication de ces documents est également soumise à un certain nombre de formalités, en particulier le renseignement d'imprimés spécifiques et le paiement de la contribution de sécurité immobilière prévue à l’article 879 du code général des impôts, dont les modalités de calcul sont précisées par les articles 881 D à G du code général des impôts.
Dans ces conditions, la commission considère qu’une mise en ligne du fichier immobilier, sur le fondement des dispositions combinées des articles L311-1 et L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, reviendrait à faire échec à ces dispositions spéciales organisant un accès individuel encadré aux données de ce fichier. Elle en déduit que ce régime d’accès particulier, compte tenu de son caractère dérogatoire et de ses spécificités, doit être regardé comme excluant le régime de droit commun d’accès mis en œuvre par les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration.
La commission émet, dès lors, un avis défavorable à la demande de mise en ligne du fichier immobilier.
Au surplus et en tout état de cause, elle souligne que la mise en ligne intégrale de ce fichier ne peut pas être envisagée en l’état des textes.
En effet, l’article L312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (...) ».
La commission déduit de ces dispositions que, pour pouvoir faire l’objet d’une publication par mise en ligne sur internet, un document administratif doit, au regard des mentions qu’il contient, être communicable à toute personne, ce qui n’est pas le cas du fichier immobilier. Lorsque les règles qui s’appliquent à la communication du document incluent les articles L311-5 et L311-6 du code précité, il ne peut être procédé à la publication de ce document que si son contenu respecte les secrets protégés par ces deux articles.
Pour pouvoir faire l’objet d’une publication par l’administration, ce document doit, en outre, satisfaire aux conditions posées au deuxième alinéa de l’article L312-1-2 s’agissant de la protection des données à caractère personnel, s’il comporte des données de cette nature. Il résulte de ces dispositions que des documents comportant des données personnelles ne peuvent être publiés en ligne que s'ils ont fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes, ou dans les trois hypothèses suivantes : - si une disposition législative autorise une telle publication sans anonymisation ; - si les personnes intéressées ont donné leur accord ; - si les documents figurent dans la liste prévu par l'article D312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration. Or, le fichier immobilier comporte des données à caractère personnel et ne relève pas des hypothèses dans lesquelles un document administratif peut être publié sans traitement permettant de rendre impossible l’identification des personnes.
La commission en déduit que le fichier immobilier n’est, en l’état des textes aujourd’hui en vigueur, pas susceptible de faire l’objet d’une publication en ligne intégrale.
2. En ce qui concerne les points 2) et 3) de la demande :
La commission relève que Maître X sollicite, par ailleurs, l’inscription des données du fichier immobilier à la liste des données de référence figurant à l'article R321-5 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que la suppression du droit d'exclusivité dont bénéficie les notaires en application des dispositions du décret n° 2018-1266 du 26 décembre 2018.
La commission estime toutefois qu’aucune disposition du code des relations entre le public et l'administration ne lui confère compétence pour se prononcer sur ces questions. Elle ne peut, dès lors, que se déclarer incompétente pour en connaître.
Elle observe néanmoins que le jour de sa séance, l’ordonnance n°2024-562 du 19 juin 2024 modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière comporte un nouvel article 710-18 du code civil, qui étend aux avocats et commissaires de justice la faculté de créer à leurs frais un traitement automatisé pour accéder aux informations du fichier immobilier, qui était jusqu’alors réservée aux notaires. Elle relève, enfin, que conformément à l’article 25 de cette ordonnance, ces dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État et au plus tard le 31 décembre 2028.