Avis 20243843 - Séance du 04/07/2024
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 17 mai 2024, à la suite du refus opposé par le directeur général d'Électricité de France (EDF) à sa demande de communication, par courrier électronique, des documents administratifs suivants relatifs aux fonctions de Monsieur X, président-directeur général, pour l’année 2023 :
1) les notes de frais et les reçus de ses déplacements pris en charge par l’administration ;
2) les notes de frais et reçus de ses frais de restauration ;
3) les notes de frais et reçus de ses autres frais de restauration.
En premier lieu, la commission, qui a pris connaissance de la réponse du président-directeur général d’EDF, rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ».
La commission constate que la société anonyme Électricité de France (EDF) est détenue à 100% par l’État et a pour objet selon ses statuts, notamment, d’assurer les missions de service public qui lui sont imparties par les lois et règlements. La commission relève qu’en vertu des articles L121-3 et suivants du code de l’énergie, cette société contribue à la réalisation des missions du service public de l’électricité définies par les articles L121-1 et L121-2 du même code, notamment le développement équilibré de l’approvisionnement en électricité, le développement et l’exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité ainsi que la fourniture d’électricité. Le Conseil d’État a également jugé que la société EDF est responsable d’un service public en ce qu’elle exploite les centrales nucléaires de production d’électricité (CE, Ass., 12 avril 2013, Fédération Force ouvrière Énergie et autres, n°329570, 329683, 330539, 330847).
En sa qualité de personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public, EDF est ainsi tenue de communiquer à toute personne en faisant la demande les documents administratifs qu’elle produit ou reçoit dans le cadre de cette mission, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration.
En deuxième lieu, la commission rappelle toutefois que parmi les documents détenus par un organisme de droit privé, chargé d’une mission de service public mais exerçant également une activité privée, seuls ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public peuvent être regardés comme des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration (CE, 21 avril 2017, n° 395952).
S’agissant des documents détenus par une fédération sportive, personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public, le Conseil d’État a ainsi jugé que les comptes d’un tel organisme, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce la mission de service public qui est la sienne, présentent dans leur ensemble, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs. En revanche, le Conseil d’État a précisé que les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l'organisme, telles que les notes de remboursement de frais de son président, ne constituent des documents administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu'elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public (CE, 13 avril 2021, n° 435595 et 440320).
En l’espèce, la commission considère par suite que les documents sollicités, dont elle n’a pas pu prendre connaissance, constituent des documents administratifs soumis au droit d’accès organisé par le livre III du code des relations entre le public et l'administration si et dans la seule mesure où les opérations auxquelles ces documents se rapportent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public dévolue à EDF.
En troisième lieu, les documents sollicités qui présenteraient un lien suffisamment direct avec cette mission sont communicables à toute personne en faisant la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, dans les conditions et sous les réserves prévues notamment par les articles L311-5 et L311-6 de ce code.
A cet égard, la commission précise que la communication des notes de frais et reçus sollicités, qui ont trait à l’activité professionnelle du président-directeur général en lien suffisamment direct avec la mission de service public d’EDF, ne saurait être regardée comme mettant en cause la vie privée de cette personne au sens du 1° de l’article L311-6 (rappr., s’agissant de notes de frais et reçus de frais de représentations d’élus locaux ou d’agents publics, CE, 8 février 2023, n°452521).
La communication des documents sollicités pourra ainsi intervenir après occultation, le cas échéant, des éventuelles mentions relevant des autres intérêts et secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
Enfin, la commission rappelle que l’administration ne saurait légalement se fonder sur les motivations réelles ou supposées du demandeur, notamment quant à la réutilisation qu’il envisage d’en faire, sur l’absence d’indication de ses motifs dans la demande ou sur l’identité du demandeur, pour refuser de procéder à la communication de documents communicables.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable à la présente demande, dans la mesure et sous les réserves qui viennent d’être énoncées.