Avis 20243895 - Séance du 04/07/2024

Avis 20243895 - Séance du 04/07/2024

Mairie de Wattignies-la-Victoire

Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 3 juin 2024, à la suite du refus opposé par le maire de Wattignies-la-Victoire à sa demande de communication, par courrier électronique, d'une copie de l’ensemble des documents techniques, administratifs et financiers suivants, relatifs aux procédures d’abattage des deux marronniers multiséculaires situés devant l’église de la commune le 5 avril 2024 :
1) la lettre de dénonciation du marché d’abattage des marronniers auprès de l’entreprise initialement désignée ;
2) le nouvel appel d’offres du marché d’abattage ;
3) les offres reçues à la suite de ce nouveau marché ;
4) la délibération du conseil municipal confirmant le choix de l’entreprise ayant finalement effectué les travaux ;
5) le certificat de spécialisation « diagnostic et taille des arbres » détenu par l’entreprise sélectionnée pour effectuer les travaux ;
6) le contexte et les raisons qui ont amené à ne pas terminer l’abattage des marronniers, ainsi que l’ensemble des mesures de sauvegarde immédiate prises sur les plaies de tailles ;
7) l’ensemble des échanges de la municipalité par mails, courriers, fax avec les services de la sous-préfecture d’Avesnes-sur-Helpe, de la préfecture du Nord et de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Nord concernant l’abattage des deux marronniers ;
8) l’ensemble des échanges de la municipalité par mails, courriers, fax avec les services du Parc naturel régional de l’Avesnois concernant l’abattage des deux marronniers ;
9) l’ensemble des pétitions reçues en mairie concernant la sauvegarde des arbres, concernant le cimetière ou l’église ;
10) plus généralement, l’ensemble des échanges de la municipalité par mail, courrier, fax concernant l’abattage des marronniers ;
11) l’ensemble des devis et factures établis concernant l’abattage des deux marronniers ;
12) l’ensemble des décisions prises par le conseil municipal concernant directement ou indirectement les marronniers, et ce depuis 2020 ;
13) les offres reçues et les documentations techniques concernant la rénovation de l’église, y compris le projet d’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit de celle-ci ;
14) l’intégralité des devis et des factures reçus par la municipalité qui se rattachent aux procédures en cours ou abouties au sujet de l’abattage et/ou l’élagage des deux marronniers ;
15) l’étude écologique qui confirmerait l’absence d’espèces protégées nichant dans les deux marronniers, les données brutes du sonar ultrason, concernant les chiroptères, ainsi que les devis et factures associés à ces prestations ;
16) l’étude phytosanitaire des arbres, réalisée a posteriori de l’intervention de l’entreprise d’abattage/élagage, ainsi que les devis et factures associés à ces prestations.

1. Les principes applicables :

En premier lieu, la commission rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des délibérations et des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». L’ensemble des pièces annexées à ces documents est communicable à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.

La commission précise si l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tel que notamment le secret de la vie privée (CE, 17 mars 2022, n° 449620 ; Conseil d’État, 11 janvier 1978, n° 04258, recueil Lebon p. 5).

La commission souligne, en deuxième lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. 

Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, n° 375529, que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.

Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont, en principe, communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).

En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.

L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.

En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.

La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.

En dernier lieu, la commission souligne que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement, toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui concernent notamment : « 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; / 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1°, ainsi que les décisions et les activités destinées à protéger ces éléments (...) ». 

Selon les articles L124-1 et L124-3 de ce code, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement, lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 du même code précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement, au nombre desquels ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations, à condition que le document sollicité soit lui-même achevé (avis n° 20054612 du 24 novembre 2005 et n° 20060930 du 16 mars 2006).

Ces informations sont, en application des dispositions de l'article L124-4 du code de l'environnement, communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation préalable des éventuelles mentions relatives aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e) et au h) du 2° de l'article L311-5. Au nombre de ces secrets protégés figure notamment le secret des affaires et le secret la vie privée.

La commission souligne, enfin, qu’en matière d'informations environnementales, même en présence d’un motif légal de refus, il appartient à l’autorité publique d’apprécier au cas par cas si la préservation de ces intérêts ou secrets protégés est de nature à faire obstacle à la communication des informations concernées, compte tenu de l’intérêt public que leur divulgation servirait.

2. Application au cas d'espèce :

En l'espèce, la commission, qui a pris connaissance des observations du maire de Wattignies-la-Victoire, estime, en premier lieu que les délibérations et décisions mentionnées aux points 4) et 12) sont communicables à toute personne en faisant la demande en vertu de l’article L2121-26 du code général des collectivités locales, le cas échéant après occultation des éventuelles mentions relevant d’un secret protégé par la loi. 

Elle émet par suite un avis favorable sur ces points de la demande, sous cette réserve. 

En deuxième lieu, la commission considère que les documents sollicités aux points 1) à 3), 5), 11), 13) et 14) constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, à la condition que les marchés correspondant aient été signés et sous réserve de l’occultation ou de la disjonction des mentions couvertes par le secret des affaires, apprécié dans les conditions qui ont été exposées. 

En troisième lieu, la commission estime que les documents mentionnés aux points 6) à 8) et 10), à la condition que les éléments apportés par le demandeur permettent à l’autorité saisie de les identifier, sont communicables à toute personne en faisant la demande, Elle précise que devront être occultées les éventuelles mentions qui ne seraient communicables qu'aux seules personnes intéressées en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, en particulier celles protégées au titre du secret de la vie privée (telles que les coordonnées de personne physique) ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable. 

Dès lors, elle émet un avis favorable à leur communication, sous les réserves qui viennent d'être rappelées.

S'agissant en quatrième lieu des documents sollicités au point 9), la commission rappelle que le texte d'une pétition reçue par une autorité administrative constitue un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle considère en revanche que la liste des signataires d'une pétition n'est, en règle générale, pas communicable dès lors que cette information est couverte par le secret protégé par l'article L311-6 du code précité, selon lequel ne sont pas communicables aux tiers les documents « faisant apparaître le comportement d'une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ». La commission ajoute précise que la communication à des tiers des adresses des signataires porterait atteinte à la protection de la vie privée des personnes concernées.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable s'agissant du point 9) de la demande, sous réserve de l'occultation du nom et de tout élément d'identification des signataires.

En cinquième lieu, s'agissant des documents sollicités aux points 15) et 16), la commission observe qu'ils sont en lien avec l'abattage de deux marronniers et que compte tenu de leur objet, ils comportent nécessairement des informations relatives à l'état des éléments de l'environnement, tels que les paysages et la diversité biologique, ainsi que sur des décisions susceptibles d'avoir des incidences sur ceux-ci, au sens du 1° et du 2° de l'article L124-2 précité. La communication de ces informations environnementales relève du régime d'accès organisé par les articles L124-1 et suivants du code de l'environnement.

La commission estime dès lors que ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L124-3 du code de l’environnement, sous réserve, le cas échéant, des occultations nécessaires à la protection des intérêts énumérés à l’article L124-4 de ce code, à condition que l'intérêt de leur communication pour l'environnement ne justifie pas qu'il y soit dérogé.

La commission émet, par suite, un avis favorable sur les points 15) et 16), sous cette réserve.

Enfin, la commission ajoute que les informations environnementales que seraient susceptibles de comporter les autres documents objet de la demande seraient communicables dans les mêmes conditions.