Mots clés
Avis 20245856 - Séance du 12/12/2024
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 17 août 2024, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines et de l’architecture à sa demande de communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'une recherche administrative, d'une copie du dossier relatif à ses fils suivant : dossier d'assistance éducative- notes d'audience de l'audience X.
En premier lieu, la commission rappelle qu'elle est compétente, en vertu des dispositions de l’article L342-1 du code des relations entre le public et l'administration, pour émettre un avis sur la communication, en application des dispositions des articles L213-1 à L213-3 du code du patrimoine, par les services qui le conservent, des documents d’archives publiques, au sens de l’article L211-4 de ce même code.
Elle relève que les articles 446-1 et 727 du code de procédure civile prévoient, au titre des dispositions propres à la procédure orale, que les prétentions, moyens et observations des parties à l’audience sont notés au dossier ou consignés dans un procès-verbal. Elle a été informée que les notes sollicitées en l’espèce avaient été élaborées à cette fin par le juge des enfants lors de l’audience X et versées au dossier. Elle en déduit que ces notes constituent ainsi des documents qui procèdent de l’activité de l’État, présentant le caractère d’archives publiques en application de l’article L211-4 du code du patrimoine.
En deuxième lieu, la commission précise que, par principe, les documents d'archives publiques sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du même code. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2.
A cet égard, en application du c) du 4° de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions deviennent librement communicables à l'issue d'un délai de 75 ans après la date du document le plus récent inclus dans le dossier. Ce délai est porté à 100 ans par le 5° du I du même article pour de tels documents lorsqu’ils se rapportent à une personne mineure.
En l’espèce, la commission observe que l’audience qui s’est tenue le 29 septembre 2023 devant le juge des enfants portait sur la nécessité ou non de la mise en place d’une mesure d’assistance éducative pour les deux enfants mineurs de Madame X. Les documents sollicités ne deviendront, par conséquent, librement communicables à toute personne en faisant la demande qu’à compter de l’année 2123.
En troisième lieu, la commission rappelle qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
Pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, la commission s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II n° 20050939 du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II n° 20215602 du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l’espèce, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et de l’architecture a indiqué à la commission que le président du tribunal judiciaire de Paris lui avait fait part de son avis défavorable à la communication sollicitée, estimant que cette communication porterait une atteinte excessive au secret des affaires portées devant les juridictions et contreviendrait aux intérêts des enfants. Tenu par les dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine, le directeur général des patrimoines et de l’architecture ne pouvait donc qu'opposer un refus à la demande de Madame X.
La commission relève que cette dernière était partie à la procédure, qu’elle a la qualité de représentante légale de ses fils mineurs et qu’elle indique vouloir accéder aux notes prises lors de l’audience X pour attester, dans le cadre d’autres procédures juridictionnelles, des souhaits exprimés par ses enfants quant au mode de garde.
Toutefois, la commission constate que l’échéance de libre communicabilité des notes sollicitées est très lointaine. Elle comprend en outre que les débats lors de l’audience X portaient sur la mise en place ou non d’une mesure d’assistance éducative, après remise au juge des enfants par les services sociaux d’un rapport d’investigation. Enfin, il a été précisé à la commission qu’au cours de cette audience, le juge a entendu successivement les parties ensemble puis les enfants séparément, sans la présence de leurs parents.
Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, et notamment de la nécessité de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, la commission considère ainsi qu’en dépit de l’intérêt légitime de Madame X, la consultation des notes sollicitées, sur le fondement du code du patrimoine et par anticipation aux délais légaux de libre communicabilité, serait en l’espèce de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.
La commission émet dès lors un avis défavorable.