Avis 20245927 - Séance du 31/10/2024

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Avis 20245927 - Séance du 31/10/2024

Conseil d'Etat (CE)

Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 31 août 2024, à la suite du refus opposé par le vice-président du Conseil d'Etat à sa demande de communication, par voie de téléchargement sur l'intranet du Superior Courts Network (SCN), de tous les documents (contributions, manuscrits, présentations, procès-verbaux, etc...) relatifs au Forum du Réseau des Cours Supérieures des 6 et 7 juin 2024, organisé par la Cour européenne des Droits de l'Homme à Strasbourg, sur le thème des litiges liés au changement climatique, à l’exception de ceux émanant des membres du Conseil d’État.

La commission, qui a pris connaissance des observations formulées par le vice-président du Conseil d’État, rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (…). »

Elle précise également que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est à dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 28 avril 1993, n° 117480). Ainsi, les documents, quelle que soit leur nature, qui sont détenus par les juridictions et qui se rattachent à la fonction de juger dont elles sont investies, n’ont pas le caractère de document administratif au sens du livre III du code des relations entre le public et l'administration (CE, 7 mai 2010, n° 303168, pour les tableaux de roulement déterminant la composition d’une formation de jugement).

En l’espèce, la commission relève que le Réseau des cours supérieures a pour objet de renforcer le dialogue entre la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et les cours supérieures des Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment par des échanges à travers un site internet dédié à ses seuls membres et lors d’un forum annuel, ouvert également aux seuls membres du Réseau.

La commission comprend que les documents demandés consistent, d’une part, en des interventions des membres des juridictions participantes au Forum du Réseau des cours supérieures organisé les 6 et 7 juin 2024 et, d’autre part, en des pièces relatives à l’organisation de ce Réseau. Ces documents contiennent ainsi des commentaires de jurisprudence sur le thème choisi pour le Forum, à savoir le réchauffement climatique, des observations portant sur des affaires en cours de jugement et des documents concernant les activités présentes et à venir du Réseau.

La commission relève que ces documents sont élaborés dans le cadre et pour les besoins de la fonction de coopération juridictionnelle entre les juridictions suprêmes membres du réseau et la Cour européenne des droits de l’Homme et qu’ils constituent des documents de travail internes des juridictions membres. Ces documents, dont la portée n’est pas générale et qui sont destinés à aider les juges à traiter les affaires dont ils sont saisis, sont ainsi indissociables de la fonction de juger dont sont investies les juridictions concernées (rappr. avis du 13 janvier 2022 n° 20217288 pour ce qui concerne le groupe de travail de la Cour de cassation sur les relations avec la Cour de justice de l’Union européenne). La commission considère que ces documents revêtent ainsi un caractère juridictionnel. Elle se déclare donc incompétente pour se prononcer sur la présente demande.